Dans le cadre des législatives du 25 novembre, Yabiladi.com a réalisé un entretien avec M. Abdellatif Maâzouz, ministre du Commerce extérieur et cadre du Parti de l'Istiqlal dans lequel il dresse le bilan du gouvernement sortant et revient sur le nouveau programme du PI. Ci-après, le texte de l'entretien avec Yabiladi.com réalisé par Oumar Baldé & Mohamed Ezzouak. Yabiladi.com : Quel Bilan faites-vous de l'exercice du gouvernement sortant ? Abdellatif Maâzouz : Quand on fait un bilan, on compare d'abord les promesses et les réalisations. Notre gouvernement a réalisé 85% de ses promesses, sachant que nous n'avons pas accompli les 5 ans de notre mandat. Nous avons créé 120 000 emplois par an, même si c'est en deçà de ce que nous avions promis. Le SMIG s'établit à présent à 2800 dhs. Le taux de chômage, n'est pas descendu à 7% comme souhaité mais a baissé à moins de 9%. Et là, il faut surtout prendre en compte la conjoncture internationale qui n'a pas été favorable, notamment pour nos voisins européens. Mais le Maroc a essayé de diversifier ses partenaires en Afrique et en Asie et s'en est plutôt très bien sorti. Nous avons plus que doublé les investissements publics en quatre ans. Nous en sommes aujourd'hui à quelques 80 milliards de dirhams. L'amélioration du pouvoir d'achat du citoyen dans un contexte de flambée des prix figure également parmi nos réalisations. Car s'il n'y avait pas la Caisse des compensations, 700 000 familles de la classe moyenne allaient être déclassées vers la classe pauvre. Plusieurs autres domaines comme celui de la santé, de l'habitat ont également connu des améliorations considérables. Yabiladi.com : En tant que ministre du Commerce extérieur, quelles ont été vos actions pour favoriser l'essor des entreprises marocaines ? Abdellatif Maâzouz : Mon objectif numéro un était d'inculquer dans l'esprit d'entreprise marocain que «l'export c'est la solution». La démarche consistait d'abord à faire un travail de marketing sur les secteurs traditionnels mais aussi sur certains produits, notamment électriques et pharmaceutiques. Puis nous avons mis l'accent sur les marchés les plus porteurs et attirer les clients. Quant aux résultats, les chiffres parlent d'eux-mêmes : C'est la première fois, en plus de 25 ans, que les exportations marocaines connaissent une croissance de 30%. C'est la première fois aussi dans l'Histoire du Maroc que les exportations ont contribué à hauteur de 3,2 points sur les 4,7% enregistrés en 2010. Au début des années 2000, la croissance démographique des entreprises exportatrices était de moins 2%, soit une moyenne de 75 entreprises. En 2010, nous en étions à 325 nouvelles entreprises exportatrices. Yabiladi.com : On sent donc un grand satisfecit de votre part. Toutefois, la grogne sociale est là, à l'instar des autres pays arabes même si l'ampleur n'est pas la même Abdellatif Maâzouz : Ce qui se passe autour de nous ; l'ouverture de plus en plus grande de la société marocaine sur son environnement à travers les médias et bien d'autres facteurs, comme les discours politiques, font que les Marocains deviennent de plus en plus exigeants et leurs attentes, de plus en plus grandes. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu d'améliorations, au contraire. Le Maroc s'en sort bien comparé à des pays de son environnement immédiat. Yabiladi.com : Le Maroc fait face à de nombreux défis : l'application de la nouvelle constitution, les législatives En tant que membre de l'Istiqlal, quelle doit être, selon vous, l'attitude des politiciens pour relever ces défis et éviter une rupture entre la classe politique et le citoyen ? Abdellatif Maâzouz : Nous sommes en train de changer de mode de gouvernance, avec une opposition participative et constructive, qui ne critique pas uniquement pour critiquer. Ce qui met donc la pression sur la classe politique et augmente ses responsabilités. A l'Istiqlal, nous avons pris en considération tous ces nouveaux facteurs. Notre programme s'articule autour de deux axes qui se basent sur la nouvelle constitution : la gouvernance et la dignité du citoyen. Notre programme économique et social vise à améliorer les conditions de vie des citoyens en faisant de la classe moyenne la partie dominante de la société et non celle démunie. Yabiladi.com : Le gouvernement dirigé par l'Istiqlal arrive en fin de mandat et vous voilà avec un programme encore plus ambitieux. Quelle sera la différence dans la pratique de l'actuelle équipe et celle future, si toutefois vous arrivez en tête des élections ? Abdellatif Maâzouz : Nous avons respecté le programme précédent à 85% avant même la fin de notre mandat. Nous honorons donc nos engagements. Avec la nouvelle Constitution, le mode de gouvernance a changé et les pouvoirs du gouvernement sont renforcés. En plus, le programme de l'Istiqlal est beaucoup plus réaliste que ceux de nos adversaires politiques. Notre programme est le seul qui met en face les objectifs et les moyens de les réaliser car nous avons l'expérience du terrain. Nous avons promis 5% de taux de croissance annuel et 170 000 emplois par an. Ce n'est pas facile à réaliser mais c'est quand même réaliste. Yabiladi.com : Un de nos internautes en Belgique (Chibani2) souhaitait justement vous signifier sa perplexité concernant l'alliance pour la démocratie regroupant 8 partis. Quelle est votre position concernant ce G8 ? Abdellatif Maâzouz : C'est bien d'avoir des alliances, mais il faut que le citoyen s'y retrouve. Les formations du G8 disent avoir un programme, pourquoi elles ne se présentent pas sur une seule liste ? Honnêtement, nous qui sommes dans la politique, avons du mal à comprendre cette alliance, je me demande comment le citoyen lambda peut-il comprendre quelque chose à ce mélange hétéroclite de partis de plusieurs courants. Le G8 ne clarifie pas les choses. Yabiladi.com : On parle de plus en plus d'un rapprochement entre le PJD et l'Istiqlal. Qu'en dites vous ? Abdellatif Maâzouz : Nous partageons certaines valeurs communes avec le PJD et nous respectons ce parti. Dans ma commune de Sefrou par exemple, je forme une majorité avec le PJD et le Mouvement Populaire. Cela dit, nous verrons, au lendemain des élections si cette alliance est possible, en fonction de nos approches et de nos programmes. Yabiladi.com : A bien observer la scène politique marocaine, on observe de «vieux partis» (Istiqlal, USFP ) inféodés à l'Administration et d'autres, dont une majorité compose le G8, sont dits de l'Administration. Reconnaissez-vous que le citoyen ne se retrouve pas dans ce schéma ? Abdellatif Maâzouz : Il n'y pas que des partis inféodés ou créés par l'Administration. Des partis ont émergé de la société comme l'Istiqlal et des formations de la gauche. Je conseille plutôt aux citoyens d'aller voter, de choisir le candidat du parti qui leur présente un programme clair et réalisable. Yabiladi.com : Le problème c'est qu'au niveau des citoyens, la classe politique est en perte de vitesse Abdellatif Maâzouz : Je pense plutôt que c'est ce type de discours qu'on entend souvent dans les médias qui fait croire aux gens que les citoyens se sont détournés des formations politiques. Vous savez, la classe politique évolue en fonction de la pression des citoyens. En témoignent les chamboulements rapides observés depuis le début de l'année. Le citoyen doit observer le travail que font les élus de chaque formation et pourra ainsi la mesurer à sa juste valeur. J'appelle les jeunes à intégrer les partis et à les révolutionner. Yabiladi.com : Mais justement, un de nos internautes au Canada (Amir) vous interpelle sur le blocage dans certains partis. Il estime même que l'Istiqlal est un parti de notables où les personnes issues de milieu modeste n'ont pas leur place. Abdellatif Maâzouz : Je suis le parfait exemple de ce type d'ascension. Je suis le fils d'un simple pâtissier de Sefrou. J'ai fait mes études et grimpé peu à peu. Le problème des jeunes d'aujourd'hui c'est qu'ils sont pressés. Ils veulent devenir ministres ou être promus à des postes à responsabilités du jour au lendemain. L'Istiqlal est le parti du peuple et toutes les couches sociales s'y retrouvent. Ce n'est pas un parti de riches. D'ailleurs, nous rencontrons d'énormes problèmes pour financer notre campagne !!! Yabiladi.com : Parlons des MRE. La Constitution leur accorde le droit de vote et d'éligibilité mais ce ne sera pas pour ces législatives. On a l'impression que le vote des MRE dérange ? Abdellatif Maâzouz : En fait ils pourront venir voter au Maroc ou bien par procuration. Il ne s'agit pas d'exclure les MRE du processus démocratique mais c'est plutôt lié à des raisons d'ordre technique. Yabiladi.com : Un autre internaute en Belgique (Levraidevrai) pointe du doigt le travail des chargés des affaires économiques dans les représentations diplomatiques marocaines. Ils constitueraient plutôt des facteurs de blocages pour l'investissement au Maroc. Abdellatif Maâzouz : Ecoutez, il ne faut pas généraliser. J'en ai rencontré plusieurs et je compte même dans mon département d'anciens chargés économiques. Ces chargés d'affaires économiques ne peuvent pas régler les problèmes de tout le monde à distance. Ils sont très sollicités, mais je comprends également les réactions des autres citoyens. Yabiladi.com : Enfin, une question plus personnelle Monsieur le ministre. Vous n'êtes pas candidat pour ces législatives. Comment voyez-vous votre avenir politique ? Abdellatif Maâzouz : Je dirige actuellement la commune de Sefrou. On est satisfait de mon travail, mais on me reproche aussi de ne pas toujours être présent sur place. Mes responsabilités gouvernementales ne me le permettent pas. Après tant d'année, je pense qu'il faut plutôt laisser la place à d'autres.