A peine nommé Premier ministre en Grèce, l'ancien vice-président de la Banque centrale européenne Lucas Papadémos a lancé jeudi un appel à l'unité et promis de rechercher la coopération des différents partis afin de préserver son pays de la faillite et assurer son maintien au sein de la zone euro. Agé de 64 ans, Lucas Papadémos a été désigné en remplacement du socialiste Georges Papandréou, à l'issue de quatre jours d'intenses tractations sur la formation d'un gouvernement de coalition par intérim. Son équipe, à la fois soutenue par les socialistes du PASOK au pouvoir et la Nouvelle Démocratie du conservateur Antonis Samaras, est chargée de gérer les affaires du pays jusqu'à la tenue de législatives anticipées, provisoirement fixées en février. Elle devra notamment mettre en oeuvre les mesures draconiennes promises en contrepartie du deuxième plan d'aide international de 130 milliards d'euros entériné le 27 octobre à Bruxelles, un an et demi après le premier plan de 110 milliards accordé en mai 2010 par l'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI). Conscient de l'ampleur de la tâche, Lucas Papadémos a observé que l'économie grecque demeurait confrontée à d'immenses difficultés, en dépit de la douloureuse cure d'austérité engagée depuis 20 mois, à coups de baisses des salaires et des retraites et de hausses d'impôts dénoncées par les Grecs à l'occasion de manifestations dont nombre ont été émaillées de violences. Le nouveau Premier ministre a souligné que ces questions seraient réglées plus rapidement si la classe politique faisait preuve d'unité et de coopération. «Je ne suis pas un homme politique mais j'ai consacré la majeure partie de ma vie professionnelle à l'exercice de la politique financière à la fois en Grèce et en Europe», a souligné M. Papadémos après avoir été chargé par le président Carolos Papoulias de former le nouveau gouvernement de coalition. «L'économie grecque est toujours confrontée à d'énormes problèmes malgré les grands efforts qui ont été déployés en faveur de la réforme fiscale». L'ex-vice-président de la BCE, qui succède à Georges Papandréou à mi-parcours de ses quatre ans de mandat, a aussi insisté sur la nécessité de défendre l'appartenance de la Grèce à la zone euro. «La participation de notre pays à la zone euro est une garantie pour la stabilité monétaire du pays. Il s'agit d'un conducteur de la prospérité financière», a-t-il souligné. «Et la participation de notre pays à la zone euro, en dépit des difficultés», «facilitera l'ajustement de l'économie et son développement». A la bourse d'Athènes, l'annonce d'un accord sur un partage du pouvoir a entraîné une remontée de l'indice à 1,6% à 779,6 points, malgré d'autres mauvaises nouvelles pour l'économie nationale frappée par la récession: le taux de chômage a grimpé à 18,4% en août, contre 12,2% à la même période en 2010. Les dirigeants européens ont également exprimé leur soulagement. «L'accord pour former un gouvernement d'unité nationale ouvre un nouveau chapitre pour la Grèce», ont estimé dans une déclaration conjointe le président de la Commission européenne José Manuel Barroso et le président du Conseil européen Herman Van Rompuy. «Nous accueillons chaleureusement cette nouvelle». Lucas Papadémos et son équipe doivent en effet mettre fin à une profonde crise politique qui a menacé l'octroi de l'aide financière internationale à la Grèce et sa position au sein de la zone euro, après l'annonce surprise le 31 octobre par Georges Papandréou d'un référendum sur le nouveau plan de renflouement qui prévoit, notamment, que les créanciers privés acceptent une décote de 50% sur la dette nationale grecque qu'ils détiennent. La perspective d'un référendum a déclenché une rébellion dans les rangs du parti de Georges Papandréou, semé la panique sur les marchés et fâché les dirigeants européens. Ces derniers ont décidé de lier le versement d'une nouvelle tranche de huit milliards d'euros -issue du premier plan d'aide- à l'adoption de l'accord du 27 octobre et à la levée de toute incertitude sur l'issue du référendum. Pressé et contesté de toutes parts, le Premier ministre grec a finalement renoncé à ce projet de consultation, l'opposition conservatrice ayant dans l'intervalle signalé qu'elle soutiendrait l'accord du 27 octobre. A suivi un vote de confiance au Parlement, que M. Papandréou a obtenu... avant de quitter la tête du gouvernement pour l'entrée en action d'un cabinet d'unité nationale. Cette nouvelle équipe, dont les membres n'ont pas été nommés dans l'immédiat, doit être investie vendredi après-midi. Mais selon deux responsables gouvernementaux et deux parlementaires de l'opposition, Evangelos Venizelos devrait conserver le poste stratégique de ministre des Finances. M. Papadémos n'est membre d'aucun parti. Il a enseigné à l'université Columbia de 1975 à 1984 et travaillé à la Réserve fédérale à Boston avant de revenir en Grèce, où il a occupé la fonction d'économiste en chef à la Banque centrale de 1985 à 1993. Il a ensuite été désigné vice-gouverneur de la Banque de la Grèce, avant de prendre les rênes de l'institution un an plus tard après avoir contribué à repousser une attaque spéculative sur la drachme. En tant que gouverneur de 1994 à 2002, M. Papadémos a présidé une ère d'indépendance croissante de l'institution vis-à-vis du gouvernement, qui s'est révélée cruciale pour l'entrée de la Grèce dans la zone euro. Puis il a passé huit ans à la BCE.