En présence de Lalla Fatma, sa sœur Najia (qui habite elle-même Fès) ainsi que Karim et Meryem, Bahya invite ses proches parents et ceux de Si Zoubir pour assister à l'immolation de la vache par un boucher spécialisé en la confection du «khlyh ». Le boucher noue les pattes de la vache avec une corde et tire fort d'un seul côté. La vache tombe par terre provoquant un bruit assourdissant. Pauvre bête ! Elle savait qu'elle allait être égorgée, elle avait les larmes aux yeux. Le boucher passe ensuite le couteau bien aiguisé et le sang s'est mis à couler à flots. On sépare la tête du reste et on retire du ventre : le foie, le cœur, les poumons et les entrailles. Il y avait même un fœtus ! On sépare les cuisses du tronc et on coupe de gros morceaux de viande qu'on transforme en longues et minces « kaddidate » que le boucher trouvait un grand plaisir à lancer sur le parterre en marbre. Après quoi, on met cette viande coupée dans une grande bassine, une « jefna », puis en y ajoute les épices nécessaires : l'ail, le sel, le vinaigre et les graines de coriandre sèches. On mélange le tout et on laisse reposer toute la nuit. Entre temps, le foie est découpé en tranches, assaisonné et saupoudré de farine ; on le met à frire pour le consommer frais ensuite. Le cœur est découpé sous forme de brochettes qu'on va mettre sur un « kanoune » avec du charbon en braises. Et la fête commence ! Le lendemain, c'est la « douara » qu'on va cuire avec des pois-chiches après l'avoir bien lavée et enlevé toutes les impuretés. La viande, bien assaisonnée, est transportée à la terrasse où on la met sur des cordes surélevées à l'aide de « gayzates » pour ne pas la laisser à la portée des chats. Autrefois, et si le climat était favorable, les enfants passaient la nuit à la terrasse pour surveiller la viande et éviter que les voisins soient tentés de la voler. Aujourd'hui, on a renoncé à cette pratique, peut-être c'est uniquement parce qu'il y a la présence de Karim et de ses proches. Il a fallu attendre quatre jours, et parce que le soleil était au rendez-vous, chaque matin et après-midi, on mettait la viande sur le côté qui n'était pas encore sec. Après vérifications, à l'aide d'un couteau et après qu'on se soit rendu compte que la viande était complètement sèche, on la ramène en bas en attendant de la faire cuire dans le «Tanjir ». Des petits morceaux de cette viande, secs et salés, ont été grillés sur le «kanoune». C'est un vrai délice ! Si Zoubir apporte le «Tanjir » qu'il a transporté sur le dos d'un âne et l'après-midi, le boucher commençait à confectionner le « khlyh » après avoir rempli le « Tanjir » d'eau, d'huile d'olives et de graisse moulue. Le dosage, il ne peut le divulguer. La cuisson a pris quelques heures et à l'aide d'une longue tige en bois, on vérifiait s'il restait encore de l'eau. Une fois cette mission terminée, on laisse reposer avant de mettre le « khlyh » dans des jarres en terre cuite afin d'être consommé ensuite, sans oublier « eddoka » pour les voisins et les proches qui sont absents.