L'Algérie bloque toute initiative sérieuse destinée à trouver une issue au conflit saharien. Ce blocage s'illustre notamment à travers l'activisme diplomatique d'Alger au sein des instances onusiennes. Ainsi, l'Algérie, qui contrôle le Polisario, entrave le processus négociatoire, tenu sous les auspices des Nations Unies, entre le Maroc et le Front Polisario. En effet, le différend saharien est une question de parachèvement de l'intégrité territoriale du Maroc. Il s'agit d'une question qui relève des affaires internes du Royaume. À l'instar de plusieurs pays, le Maroc fait face aujourd'hui aux velléités sécessionnistes. Mais qu'est-ce qui confère à ce différend une dimension régionale et internationale ? L'implication de l'Algérie, à travers le maniement du Front Polisario, la place comme le principal protagoniste qui s'active pour affaiblir le Maroc, son principal rival dans la région du Maghreb. Car le commandement militaire, qui détient les rênes du pouvoir politique dans ce pays, croit fortement en la thèse selon laquelle « la force de l'Etat est dans la faiblesse de ses voisins ». Ainsi, pour la caste militaire algérienne, le leadership dans la région maghrébine passe nécessairement par l'affaiblissement du Maroc. Par ailleurs, le Maroc a demandé à maintes reprises que l'Algérie soit présente dans les négociations avec le Front Polisario, non en tant que membre observateur mais en tant que partie prenante. Or, Alger ne cesse de réfuter cette thèse en mettant en avant ses arguments selon lesquels elle n'a pas de prétentions sur le Sahara et qu'elle défend uniquement le respect du droit du « peuple sahraoui » à l'autodétermination. En effet, au-delà de cette considération, d'autres facteurs, notamment d'ordre interne, expliquent largement la politique de blocage adoptée par Alger dans le processus de règlement du différend du Sahara. Le différend saharien : Moyen de légitimation politique interne L'Algérie, dont la corruption, le népotisme et le clientélisme ont été érigés en instruments de gouvernance, se trouve confrontée à de nombreux problèmes socio-économiques et politiques internes. Ce pays exportateur de pétrole et de gaz naturel s'est, depuis des décennies, noyé dans des crises économiques à tel point que la caste militaire régnante s'est vue incapable de répondre aux besoins élémentaires de la population algérienne. Cette dernière, frustrée et déçue par le pouvoir politique en place, a sanctionné ce dernier lors des élections législatives de 1991 en votant en faveur de l'opposition islamiste. Ces élections furent annulées par un coup d'Etat militaire qui a spolié au peuple algérien son droit à s'autodéterminer. Depuis cette date, le pays plonge dans une guerre civile qui a coûté la vie à des milliers de civils algériens. Le pouvoir politico-militaire en place, n'ayant désormais aucune assise populaire, cherche à retrouver l'unanimité et la cohésion nationales en brandissant l'épouvantail d'un ennemi externe. Le Maroc fut la victime de cette manœuvre politique. Présenté comme un pays expansionniste ayant confisqué les droits du « peuple sahraoui » et présentant une menace imminente pour l'Algérie. Le différend saharien se place dans la centralité du jeu politique interne en Algérie. Ainsi, le pouvoir algérien recourt régulièrement au différend saharien pour créer l'unanimité nationale perdue. Et pour rappeler aux algériens, à tort, que le « voisin expansionniste marocain » constitue une véritable menace pour la sécurité nationale. La classe politico-militaire algérienne se nourrit donc de ce différend pour pérenniser sa mainmise sur le pouvoir et veille, par conséquent, à bloquer tout processus de règlement de ce conflit. Il s'avère qu'avec le vent du printemps arabe, cette politique algérienne du contournement des crises internes ne durera pas pour longtemps. Les ambitions géostratégiques algériennes dans la région D'après son discours politique officiel, l'Algérie n'a pas de prétentions territoriales sur le Sahara car défendrait uniquement un des principes sur lesquels se sont fondées la révolution et la société algériennes. Il s'agit du principe d'autodétermination. Mais, l'Algérie devrait d'abord commencer par respecter l'autodétermination interne de son peuple. À vrai dire, la junte militaire algérienne se retranche derrière ce principe pour cacher une stratégie hégémonique dans la région du Maghreb. Comme il a été précisé plus haut, l'Algérie cherche à jouer le rôle de leadership dans la région en créant un micro-Etat au sud marocain. Un Etat fantoche dont le cordon ombilical le lierait à Alger. En outre, l'Algérie cherche à se doter d'une ouverture sur l'océan atlantique à travers un Etat satellite qui lui est aliéné militairement et politiquement. Or, la création de cet Etat vassal permettra à Alger non seulement de confiner le Maroc géographiquement et géostratégiquement mais d'exercer sa domination sur toute la région maghrébine. Le pouvoir politico-militaire à Alger est bien conscient que la construction d'une « Union du Maghreb Arabe » effective est, tôt ou tard, inéluctable. Et Alger ne veut nullement une Union démocratique où tous les Etats du Maghreb seront égaux. * Le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion et d'analyse basé à Rabat. Acteur actif du débat sur l'intégration maghrébine, le CEI s'intéresse également aux nouvelles problématiques liées à la sécurité internationale, notamment l'immigration, le terrorisme et la fragmentation étatique. En l'an 2010, le CEI a publié, auprès des éditions Karthala, un ouvrage collectif intitulé : « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) ». En janvier 2011, le CEI a rendu public, auprès du même éditeur, un second ouvrage titré, « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile » et y publiera, au mois de septembre de l'année 2011, un troisième ouvrage libellé, « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies ». Le CEI compte à son actif plusieurs supports électroniques parmi lesquels figure un journal du web, créé récemment, dénommé Ibn Khaldoun et consultable sur le lien électronique : www.ibn-khaldoun.com.