Semaine de l'Artisanat marocain à Tenerife, un événement à double connotation L'Artisanat au service de la cause nationale Sous un ciel bleu-azur et un climat digne des îles caraïbes, s'était tenue, du 16 au 23 avril à Tenerife, la semaine de l'artisanat marocain à l'initiative du secrétariat d'État Chargé de l'Artisanat en partenariat avec l'ONG européenne, l'Agence de coopération pour l'Afrique du Nord "Alianza". Il s'agit de la deuxième manifestation du genre dans les îles canaries (la première, un festival gastronomique et culturel ayant eu lieu à Las Palmas en mai 2009). Le choix d'une telle destination n'est pas fortuit. L'île de Tenerife, plus communément appelée «île continent», est la destination touristique par excellence, avec environ 16 millions de touristes, à elle seule, par an. La deuxième raison est purement politique… Tenerife est la plus grande des îles Canaries, située au large des côtes marocaines, dans l'océan Atlantique. Cette proximité lui vaut un climat doux en hiver et chaud en été, d'où son surnom de «l'île de l'éternel printemps» où le soin apporté à l'image de l'île en fait une excellente destination touristique: des villes soignées et luxueuses, des jardins à la végétation exotique rare, de grands ports et des activités aquatiques pour tous les âges, sans perdre son cachet séculaire. Pour s'y rendre à partir du Maroc, deux choix s'offrent aux voyageurs: via Madrid, voyage qui dure un peu plus de deux heures, ou à partir de Casablanca vers Laâyoune. Les Iles Canaries sont pour les habitants du Sahra marocain ce qu'est Sebta pour les habitants du nord du pays. Munis de cartes de séjour, les commerçants sahraouis, entre autres, ont pied à terre aux Iles Canaries. Il y en a même qui y possèdent des résidences secondaires. Le Maroc représente un grand partenaire commercial des îles Canaries. Une telle manifestation culturelle vient donc fructifier ce rapport eu égard aux liens politiques qu'entretiennent les deux voisins géographiques: Laâyoune est à 45 minutes à vol d'oiseau des îles. Quand au transport maritime, après l'échec de la ligne reliant la ville de Tarfaya aux Canaries pour cause d'ensablement du port, et dont le fonctionnement n'a duré que cinq mois, la ligne va ressusciter bientôt, mais en partance de Laâyoune, une desserte qui permettra aux touristes qui séjournent au Maroc de profiter de la proximité des deux régions pour se rendre à l'archipel canarien. Les activités de la semaine du Maroc ont mobilisé des artisans marocains venus exposer leurs œuvres traditionnelles dans un décor architectural luxueux, rendu possible grâce au partenariat entre le Secrétariat d'Etat Chargé de l'Artisanat, la maison de l'Artisan et l'Agence de coopération pour l'Afrique du Nord. La gastronomie marocaine est aussi fortement présente à travers des démonstrations de la cuisine marocaine et l'exposition de nombreuses variétés de gâteaux marocains. A noter la forte participation des sahraouis (Dakhla, Smara et Laayoune), venus présenter le produit artisanal sahraoui tel que le tissage, le cuir, les tenues traditionnelles du terroir et les bijoux en argent pur. La présence massive des artisans sahraouis marocains a une connotation politique aussi, compte tenu de l'activisme soutenu des séparatistes du “Polisario” dans les îles . Patriotes vs séparatistes La présence du Maroc à travers l'artisan et son riche produit territorial, symbole de patriotisme et d'ouverture, a non seulement suscité la curiosité des habitants locaux mais a poussé la presse de l'archipel à se déplacer en masse, à rester longtemps parmi les stands, et à consacrer beaucoup d'articles et de longs reportages télévisés à l'événement. L'opération a eu le grand mérite de contribuer à la sensibilisation de la population locale sur la justesse des choix et positions du Maroc et sur la necessité de connaitre la thèse et l'anti thèse avant de juger. Les visiteurs canariens étaient peu nombreux les deux premiers jours eu égard à la méconnaissance de la culture et traditions marocaines due essentiellement à la “marginalisation” du Maroc des îles Canaries historiquement, situation que les séparatistes ont très tôt détourné à leur avantage pour se faire une place au soleil dans les îles. Le “Polisario” y jouit, en effet, d'une grande liberté d'action. Il a même compté de grands alliés parmi certains politiciens canariens dont les anciens présidents du gouvernement autonome, Roman Rodriguez et celui de la "Coalition Canarienne", Carmelo Ramirez, leader du parti régional canarien qui était considéré comme le premier allié du “Polisario”; il avait participé à la création d'une "association hispano-algérienne de soutien au Polisario" aux camps de Tindouf. La semaine a été de ce fait l'occasion de dénoncer les agissements peu intègres des ennemis jurés du Royaume. Ces derniers développent un activisme virulent et ne ratent aucune occasion pour saboter les manifestations marocaines à chaque fois que l'occasion se présente. D'ailleurs, les participants sahraouis craignaient l'intervention des séparatistes et le gâchage de l'exposition, chose qui arrive assez souvent, comme nous l'a attesté Aamar Haddad, célèbre joaillier à Laâyoune: «Les séparatistes ont l'habitude de faire la promotion d'articles décoratifs aux îles Canaries, des articles produits par les saharaouis de Laâyoune mais qu'ils s'approprient et présentent comme les leurs. Nous nous attendons à chaque représentation à leur intervention car ils interviennent souvent pour démolir ce que nous bâtissons». M. Mnaouer Abdelaziz, président de l'association hispano-marocaine «Cabello de la paz» (cheval de la paix) à Tenerife, une institution à but non lucratif qui s'occupe des jeunes sans-papiers arrivés aux îles Canaries illégalement et qui désirent régulariser leur situation, nous a accueilli dans sa maison qui sert également de local pour l'association: «Ces jeunes sont obligés des fois, en raison de la relative popularité du “Polisario” dans les îles, de mentir sur leur nationalité et de prétendre être séparatistes afin de se faciliter la vie, et cela marche dans la plupart des cas». Il dit avoir souffert de discrimination à cause du cachet traditionnel de ses vêtements: «J'aime porter des tenues traditionnelles de mon pays et quand je me suis installé aux îles Canaries, j'ai eu beaucoup de démêlés avec les gens à cause de cela. Vous savez, les habitants des Canaries préfèrent généralement les sahraouis du “Polisario” aux Marocains. Les séparatistes sont plus nombreux que nous et jouissent de meilleurs égards de la part des Espagnols des îles. Ils ne viendront sûrement pas assister à l'exposition, à moins d'avoir des desseins malveillants, alors que nous autres Marocains ne leur cherchons jamais des noises. Je me souviens d'avoir été à l'université Laguna pour représenter l'association, l'événement a attiré les séparatistes qui tenaient à gâcher l'opération; toutes leurs questions portaient sur le Sahara marocain: “Reconnaissez-vous la marocanité du Sahara ?” Comme j'étais affirmatif, un avocat espagnol m'a dit avoir commis une bévue d'assister à l'évènement. Une bonne partie des Espagnols des îles soutiennent les séparatistes qui ne manquent de rien ici. Ces derniers possèdent même une sorte d'alliance des amis du peuple sahraoui qui jouit d'une grande popularité et qui possèdent de grands moyens qui les aident à agir et à organiser toutes sortes de manifestations culturelles et politiques ; ils sont bien encadrés et ont même un cabinet d'avocats espagnols qui travaillent pour leur compte et rien qu'avec eux. Alors que les Marocains trouvent toutes les difficultés du monde à régulariser leur situation sur l'île, nos jeunes sans-papiers se font conseiller de se prétendre séparatistes pour obtenir la fameuse carte de résidence avec l'inscription “Polisario”». Il faut admettre cependant que la tendance commence à s'inverser grâce au nouveau dynamisme de la diplomatie et de la société civile marocaine s, soulignent des sahraouis marocains habitués des îles. Mais le rythme est encore lent et appelle à davantage d'efforts. L'organisation d'une Semaine de l'Artisanat marocain, par ses apports en matière d'influence de l'opinion publique locale, a démontré que la politique a fortement besoin de soutien sociéconomique et culturel.