La forêt au Maroc, c'est neuf millions d'hectares de biodiversité et de sources de richesses. Le Royaume compterait ainsi quelques 30 écosystèmes forestiers. Mais ce patrimoine vivant est menacé. La forêt marocaine se dégrade et dépérit. La sécheresse y est pour beaucoup, mais la main de l'homme cause bien plus de dégâts. Dimanche 21 mars est la journée mondiale de la forêt. C'est l'occasion d'informer les Marocains sur l'état, déplorable, de leur patrimoine sylvestre et d'appeler à la mobilisation qu'exigent sa protection et sa sauvegarde. «Le Maroc pourrait connaître une augmentation de température de 2 à 5 degrés ainsi qu'une baisse des précipitations de 5 à 40%, surtout au niveau du Moyen Atlas», ce qui entraînerait une perturbation des cycles des saisons, selon des estimations de la direction de la météorologie nationale, à l'échéance 2070-2080, a déclaré M. Abdeladim Lhafi, Haut Commissaire aux Eaux et Forêts et à la lutte contre la désertification, lors d'un colloque sur le thème «Les écosystèmes forestiers au Maroc face aux changements climatiques». Cette rencontre, organisée la semaine dernière par le Haut commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification, l'Université Mohammed V Souissi, en partenariat avec le Goeth-Institut Rabat-Casablanca et l'agence allemande de coopération technique "GTZ", a connu la participation de plusieurs experts et chercheurs marocains, ainsi que des représentants d'ONG thématiques, qui ont passé en revue, pendant deux jours, la situation des écosystèmes forestiers au Maroc. M. Tayeb Chkili, président de l'Université Mohammed V, a indiqué que le Maroc «est tout à fait concerné par le phénomène des changements climatiques», rappelant que de par sa position géographique, le pays était exposé à la sécheresse. «20% des émissions des gaz à effet de serre résultent de la déforestation» a rappelé de son côté M. Andréas Kottwitz, conseiller pour l'agriculture et l'alimentation auprès de l'ambassade d'Allemagne à Rabat. Grâce à sa situation géographique et la présence des chaînes de montagnes de l'Atlas et du Rif, qui lui confèrent une grande variété bioclimatique, le Maroc comporte une importante diversité bioécologique. Plus de 4.000 espèces végétales, dont quelques 500 endémiques (*), une centaine d'espèces de mammifères, 250 espèces d'oiseaux et 90 espèces de reptiles. Toutefois, le taux moyen de couverture végétal n'est que de 8%. Il en faut 15 à 20% pour prétendre à un équilibre écologique et environnemental. Il fût un temps ou la forêt primaire marocaine atteignait l'Atlantique dans de nombreuses régions. D'après le président d'une ONG militant pour la préservation du patrimoine forestier national, C'est Lyautey, premier résident général de France au Maroc sous le protectorat, qui est à l'origine de la constitution d'un domaine forestier au Maroc. Il fît venir des forestiers d'Algérie et de Tunisie, pris les meilleurs éléments, pour faire de la forêt marocaine un modèle. Mais, souligne cet ingénieur forestier à la retraite, il négligea l'Homme. Mais qu'est-ce d'abord qu'une forêt ? Définition de M. Abderrahim Houmy, Secrétaire général du Haut commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification: «La forêt est un patrimoine vivant, une source de richesse et un espace exploitable. C'est un espace vivant, multifonctionnel, soumis à des facteurs exogènes et à la recherche de nouveaux équilibres. L'appréciation par un groupe social donné, découle de la nature des liens de ce groupe social avec la forêt. Au Maroc, une enquête a relevé que seule la dimension économique de la forêt est perçue par les populations en milieu rural». Le domaine forestier du Maroc, «c'est un espace riche et diversifié, mais fragile, de 9 millions ha, dont 5,8 boisés». Cet espace est multifonctionnel et joue trois rôles. Un rôle environnemental, celui de la conservation de la biodiversité, de la productivité des terres et des eaux, ainsi que la protection des barrages. La forêt joue également un rôle de premier plan dans la lutte contre la désertification. Une réalité inquiétante est toutefois à méditer: 95% du territoire marocain est menacé par la désertification. 15% de la superficie mondiale des subéraies Moins apparent est le rôle de la forêt dans la séquestration du carbone. Elle stocke 23 millions de tonnes de gaz carbonique, soit l'équivalent de 3,8 milliards de Dhs. La forêt a aussi un rôle social, relatif au droit d'usage de cette forêt en terme de ramassage de bois de feu, de pâturage et de création d'emploi au profit des populations rurales. Quand au rôle économique, il est palpable à travers les plus de 7 milliards de Dhs de valeur annuelle et l'approvisionnement de 60 unités industrielles et plus de 6.000 artisans en bois d'œuvre et d'industrie, liège, etc.». Les écosystèmes forestiers connaissent une dégradation inquiétante due à un dysfonctionnement de leurs mécanismes physiologiques, biologiques et sociologiques. Ces dysfonctionnements, provoqués par la pression démographique, le surpâturage et l'urbanisation, ont été amplifiés par les conditions climatiques rigoureuses qu'a connu notre pays durant les deux dernières décennies. C'est que la forêt marocaine a une importance sociale de tout premier plan. Elle crée 100 millions de journées de travail, 28.000 emplois dans les entreprises forestières, 14.000 emplois dans le secteur de transformation, 26.000 emplois dans la collecte de bois de feu, 40.000 emplois dans le domaine de parcours et 4.544 emplois dans la fonction publique. Prenons l'exemple du chêne liège. Les forêts de chêne liège s'étendent sur près de 350.000 ha, essentiellement dans les régions de la Mâamora, du plateau Central et du Rif. «Cependant, les peuplements susceptibles d'être aménagés et exploités économiquement ne représentent que 277.000 ha (79%), dont 188.000 ha sont effectivement aménagés (68%)» explique un haut cadre du département des eaux et forêts dans un texte datant déjà de près de huit ans. «Disposant de 15% de la superficie mondiale des subéraies, le Maroc ne contribue actuellement qu'à hauteur de 4 à 6% dans la production mondiale de liège. L'exploitation des plans de gestion des subéraies marocaines sur une période de 12 ans (1985-1996) a permis de constater que sur un potentiel annuel indicatif de 178.000 stères (st), le volume annuel moyen mobilisé se situe autour de 129.500 st (environ 15.000 tonnes), soit un taux de réalisation moyen de 73% et une productivité de 0,56 stères par hectare et par an. Les subéraies marocaines génèrent, rien que par la production de liège, l'équivalent de 15 millions de dollars US, soit près de 40% des recettes annuelles générées par la commercialisation des produits forestiers locaux. Elles assurent l'activité à 45 entreprises de récolte de liège et à 13 unités industrielles de transformation et de valorisation de ce produit. 95% de la production marocaine de liège est destinée à l'exportation. Sur le plan social, les subéraies marocaines connaissent une grande activité pastorale dont la valeur du produit en viande est équivalente à celle des produits bois et liège. Les activités d'exploitation de bois et de liège génèrent environ 375.000 journées de travail par an. En plus, la production non ligneuse représente annuellement l'équivalent de 5 mille tonnes de glands doux, 115 tonnes de champignons et 2 milles tonnes de miel. Outre les différents champignons collectés en forêt et utilisés dans l'industrie pharmaceutique. Néanmoins, la dégradation et le dépérissement des subéraies au Maroc sont le résultat de l'action de l'homme à travers les défrichements, les exploitations abusives, le surpâturage et l'écimage combinés au stress hydrique des périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes et aux attaques parasitaires, notamment des défoliants et d'agents pathogènes. La reconstitution et la sauvegarde des subéraies se fait à travers l'aménagement, la régénération de 2.000 hectares par an et le renforcement des actions de conduite des peuplements. Le chêne liège est très apprécié par la population pour la diversité de ses produits. En plus du liège et du bois, les subéraies produisent en effet les glands et disposent d'un feuillage abondant, très apprécié par le bétail notamment en période de disette. Son sous-bois à base d'arbustes constitue un refuge privilégié pour la faune sauvage. De l'or… vert et précaire ! Pour la production fourragère, le sous-bois des subéraies est reconnu par sa richesse en plantes pastorales, graminées et légumineuses. Cette production est enrichie par les glands, consommées par le bétail et la faune cynégétique, ainsi que par les prélèvements des branches effectués directement par les éleveurs pendant les périodes de sécheresse et de disette. En plus, les subéraies produisent des champignons de qualité, notamment les truffes, des glands doux pour la consommation humaine surtout en Mâamora, des lichens, du miel, des plantes aromatiques et médicinales et attirent par leur richesse cynégétique un nombre important de chasseurs de petit et gros gibier. Par ailleurs, la strate arbustive des subéraies de montagne en particulier, constitue l'une des principales sources de bois énergie destiné à la consommation domestique et au fonctionnement des briqueteries et des fours à chaux». La plus étendue et la plus connue des subéraies du Maroc est la forêt de la Mâamora. Elle est considérée comme la plus vaste subéraie d'un seul tenant du monde. 60 000 ha de chêne liège pur. Ce trésor écologique a perdu 1600 Ha par an. Elle est loin l'époque où la Mâamora s'étendait sur pas moins de 130.000 Ha. En fait, cela fait juste cinquante ans. Elle continue de produire du bois d'industrie, du liège, du bois de feu, des plantes médicinales, des champignons, etc. La subéraie de la Mâamora constitue aussi un pâturage pour 230.000 têtes d'ovins et de bovins et produit 700 tonnes de miel, 3.000 tonnes de glands doux et 85 tonnes de truffes par an. C'est une économie écologique qui pèse 692 millions de Dhs, générant des revenus de l'ordre de 11 millions de Dhs. Et reçoit 30.000 visiteurs par an, allant y respirer de l'air frais. Elle constitue un cadre de vie pour 1.400.000 personnes, soit quatre fois plus qu'en 1960. L'arganeraie, de son côté, occupe 3 millions de personnes et offre 20 millions de journées de travail par an. Les recettes forestières ont rapporté à l'Etat 359 millions Dhs, en 1992, et 659 millions Dhs en 2003, via les 20% de la TVA et la taxe de 1,6% appliquée aux exploitants forestiers. Une superficie de près de deux millions d'hectares est aménagée pour l'exploitation, dont 410.000 hectares au Moyen Atlas, 280.000 Ha dans la région du centre et 204.000 ha à la Maâmora. Les essences les plus exploitées au Maroc sont le cèdre, le chêne-liège, chêne vert, le thuya, l'arganier, le genévrier et les pins. Seulement, le prélèvement excessif du bois dépasse de trois fois le potentiel de la forêt. Le ramassage du bois de feu, deux fois le potentiel. Et en matière de reboisement, il existe quelques difficultés. Les conditions climatiques dans la Mâamora ne se prêtent pas toujours à la reconstitution des espaces perdus, explique M. Houmy. Si dans la Mâamora occidentale ces conditions sont favorables, dans la Mâamora orientale, ce n'est pas le cas. S'ajoute à cela la menace de dépérissement qui pèse sur les écosystèmes forestiers au Maroc. Le stress hydrique y est pour beaucoup. Les arbres ainsi fragilisés dessèchent et sont plus sensibles aux attaques parasitaires des insectes et des agents pathogènes. La forêt souffre d'un problème de déséquilibre entre les besoins des populations et les ressources disponibles, ainsi que la possibilité biologique de la forêt à se régénérer. La Cédraie préoccupe Les spécialistes sont catégoriques à ce propos. Le danger guette sérieusement la cédraie au Maroc. Déboisement, sécheresse, surpâturage, abattage clandestin et anarchique des arbres, sont les ennemis malheureusement actifs des cédraies marocaines. “La forêt subit des coupes dans les sous-bois où l'on détruit les petits arbres formant l'essentiel de la futaie pour être ensuite exposée à l'élevage”, dénonce-t-on. Pour de nombreux spécialistes de l'espèce endémique, les cédraies sont à protéger et à conserver jalousement car le reboisement n'est pas la solution idéale: “On ne peut inclure des petits semis de 5cm dans les mêmes statistiques d'un cèdre de 4 à 5 siècles” avise-t-on encore. Le constat est sérieusement inquiétant sur le sort de la cédraie du Moyen Atlas qui représente la plus grande superficie de cédraie en Méditerranée. Sa disparition constituerait une perte irréversible de la biodiversité et engendrerait des conséquences désastreuses et sur l'homme et sur ses conditions socio-économiques. Elle est d'une importance capitale, car elle constitue un écosystème complexe composé d'espèces animales et végétales qui ne peuvent vivre ailleurs. La céderaie du Moyen Atlas est par ailleurs une espèce de “château d'eau” du Maroc eu égard même à l'un de ses rôles centraux qui n'est autre que la retenues des eaux et leur infiltration sous terraine, en plus de la prévention des crues. La céderaie mérite en tout cas la reconnaissance de son statut et de son rang de garant d'une large part des ressources hydriques nationales. Outre l'action humaine, d'autres facteurs naturels sont responsables de la mortalité de la cédraie. Les chenilles appelées processionnaires peuvent causer des dégâts importants et sur l'arbre et sur l'homme. Elles attaquent l'arbre quel que soit son âge et se nourrissent surtout de nouvelles feuilles. Plus grave encore, le cycle d'apparition de ces chenilles est complet et ne laisse aucune chance de récupération par le biais du chevauchement dans le temps. Ces bestioles sont un réel danger pour la cédraie au Maroc. Le singe magot ou le macaca sylvanus, animal lié typiquement à l'écosystème de la forêt du Moyen Atlas, est au centre d'une polémique. Pour beaucoup de spécialistes, le singe magot n'est pas responsable de la dégradation de la cédraie. Il est vrai qu'il se nourrit de l'écorce du cèdre mais seulement durant les saisons sèches lorsque l'eau se fait rare ou quand on l'empêche d'atteindre les points d'eau. Une étude réalisée par des chercheurs internationaux a démontré que le phénomène est localisé dans certains massifs seulement. Selon cette même étude, l'impact du singe magot par rapport aux autres facteurs dévastateurs de la cédraie reste minime, sachant que l'animal ne tue jamais l'arbre et les produits du cèdre sont les moins appréciés par le magot. Cependant, si l'étude estime que le singe et le cèdre “constituent deux éléments essentiels d'un même écosystème ayant fonctionné en parfait équilibre depuis des centaines de milliers d'années”, un paramettre particulièrement important semble avoir été ignoré: le singe magot a un prédateur naturel qui a totalement disparu du Moyen Atlas, la panthère. D'où la courbe ascendante de sa prolifération et la pression qu'il engendre aujourd'hui sur la forêt. Quoi qu'il en soit, seule une protection rigoureuse et une utilisation rationnelle de l'ensemble de la biodiversité, dont la cédraie, et un développement durable des régions forestières pourraient préserver la cédraie ou plutôt la sauver. Elle est, sans aucun doute, un patrimoine naturel unique et fragile qui nécessite une protection rapprochée. Pour ce faire, il est impératif de dynamiser un nouvel horizon de collaboration efficace entre scientifiques, société civile, populations et gouvernement. L'Arganeraie, mi-figue, mi-raisin L'arganier (Argania spinosa) est un arbre multi-usage (forestier-fruitier-fourrager), endémique du sud-ouest marocain, où il couvre irrégulièrement 3 millions d'hectares de régions caractérisées par des conditions difficiles qui sont celles de l'aridité, du climat, de l'irrégularité topographique, de la diversité pédologique et de la rareté de l'eau. On doit à l'arganier la célèbre huile d'argan aux qualités intrinsèques. A la frontière de l'aride, cet écosystème original a subi depuis un siècle une perte de la moitié de sa surface, sous des effets cumulés à la fois anthropiques (surpâturage et déboisement) et climatiques (sécheresse, désertification). Le surpâturage, conséquence démographique, allié ces dernières décennies à un défrichement amplifié pour le gain de nouveaux espaces voués à la production intensive du maraîchage sous serre, ainsi qu'à l'agrumiculture exigeante du Bas-Souss, font que des milliers d'hectares ont été irréversiblement saccagés. Le surpompage imposé pour l'irrigation des grandes exploitations agraires d'une redoutable avidité, a fortiori durant les années de grave déficit hydrique, engendre une baisse des nappes phréatiques qui va de pair avec une augmentation de salinité de l'eau, laquelle rendra à court terme ces cultures capricieuses incompatibles (il n'existe pas de plantes cultivées halophiles). A tout cela s'ajoute de façon récurrente une charge pastorale encore plus lourde qui est celle de la concentration du troupeau caprin et camelin en périodes de disette. L'éradication annuelle alarmante decentaines hectares n'est pas acceptable quant on sait que, d'une part, l'espace est laissé à un paysage scalpé et lunaire et que, d'autre part, l'arbre est l'ultime recours contre la paupérisation des populations locales, le principal paramètre pour endiguer aussi le phénomène exponentiel de l'exode. Ces dernières décennies, la tradition veut que l'arganier soit certes exploité, mais sans excessive pression et jamais arraché. Comme l'arganier s'avère être tout autant victime de l'érosion des sols que son meilleur remède, la problématique consiste à en ralentir l'éradication. Depuis décembre 1998, et sur un modèle de réserve en grappe (zonages), l'arganeraie fait partie du réseau mondial des réserves de la biosphère (programme de l'Unesco), qui théoriquement implique certaines contraintes. Comme l'arganier s'avère être tout autant victime de l'érosion des sols que son meilleur remède, la problématique consiste à en ralentir l'éradication. Chiffres et réalité Le chiffre de 31.000 Ha de superficie de forêt perdue annuellement, cité dans plusieurs études consultées, n'aurait, selon M. Houmy, aucune base scientifique. Toutefois, le HCEFLCD n'a aucune idée du chiffre exact. Malgré la surexploitation de ses écosystèmes forestiers, le Maroc importe plus des trois quarts de ses besoins en bois de France (17 %), de Suède (17%), d'Espagne (13%), et du Brésil (8%). La demande croissante en bois de feu est l'une des sources de dégradation de la forêt. Le bois de feu constitue la deuxième source d'énergie utilisée au Maroc, après le fuel. Ce sont les ménages ruraux qui consomment le plus de bois de feu, 89 %, avant les fours publics et bains maures, 8 %. Seulement, les écosystèmes forestiers, dont la productivité en bois de feu est estimée à 3 millions de m3 par an, ne peuvent même suffire aux besoins actuels. L'urbanisation n'est pas en reste dans la dégradation des écosystèmes forestiers. Sur le plan écologique, elle a des conséquences la régression de la forêt même, des parcours, de la faune sauvage et sur l'amplification des phénomènes d'érosion. Sur le plan économique, elle est responsable de la diminution de la productivité des ressources forestières, pastorales et agricoles ; et sur le plan social, elle accentue la paupérisation des régions forestières. Les forêts représentent 40% des parcours naturels et produisent annuellement 1,5 milliard d'unités fourragères (UF), soit 17% du bilan fourrager national. Dans de nombreuses régions du pays, le parcours en forêt constitue la source principale de revenu des populations. Les prélèvements sous forme de pâturage représentent, selon les régions, trois à cinq fois le potentiel réel des écosystèmes forestiers. Des richesses qui partent en fumée… Puis il y a les incendies de forêts, autre grave menace qui pèse sur les écosystèmes forestiers du Maroc. Les feux de forêt sont, toutefois, beaucoup moins graves au Maroc par rapport aux autres pays méditerranéens, selon le département des eaux et forêts. De 1960 à 1969, les incendies détruisaient 1.883 ha par an. De 1970 à 1979, les pertes sont passées à 2.962 ha par an, soit une augmentation de 57 %. Cette augmentation a fléchi de 1980 à 1990 à 6%. La moyenne annuelle des surfaces incendiées au Maroc est de 2.700 ha, de 1960 à 1995. De 1960 à l'an 2007, près de 12.196 incendies ont détruit 145.132 ha de forêts, soit une moyenne de 3.024 ha par an. Cette superficie moyenne annuelle représente 0,05 % de la surface totale boisée du pays. Les feux de forêts répétés menacent l'équilibre global de ces forêts. 64% des superficies incendiés sont des formations arborées, 26% des essences secondaires, alpha et tapis herbacé. Les essences forestières les plus touchées sont les pins, le chêne liège, le chêne vert et les eucalyptus. Les provinces les plus touchées sont celles de Chefchaouen, Larache, Tétouan, Tanger, Taza, Taounat, Sidi Kacem, Kénitra, Khémisset. M. El Hafi avait indiqué que ces incendies sont essentiellement d'origine criminelle ou causés par la négligence. Des milliers d'hectares sont brûlés par des paysans qui s'adonnent à la culture illicite du cannabis, notamment dans le Rif. La négligence est la deuxième cause la plus fréquente d'incendies. «Les feux sont dus à l'inadvertance des campeurs, des agriculteurs qui brûlent des chaumes, des apiculteurs qui chassent les abeilles avec le feu ou à la fabrication de charbon de bois». «Nous disposons d'un modèle informatique assez évolué que le Maroc est l'un des rares pays à posséder», explique M. El Hafi. Le Maroc dispose d'ailleurs d'un plan directeur de prévention et de lutte contre les incendies de forêts, qui vise la mise en place d'un dispositif efficace pour la maîtrise de ce fléau, à travers notamment l'élaboration d'outils de prédiction permettant d'évaluer le danger et d'anticiper sur le risque d'incendie au moyen de mesures préventives et dissuasives adéquates. Le haut commissariat aux eaux et forêts sait qu'il peut compter sur le soutien de la Protection civile, de la Gendarmerie royale, des Forces Armées Royales, des Forces Royales Air et des Forces auxiliaires. Selon le département des eaux et forêts, des difficultés sont rencontrées dans la prévention de ces incendies. La prise de conscience du grand public sur le danger des incendies de forêt demeure largement insuffisante, l'identification des causes des incendies, l'engagement d'enquêtes appropriées et la poursuite des auteurs, l'insuffisance du dispositif d'alerte, de communication et de transmission, le manque de normes standardisées en matière d'équipement et d'infrastructures de prévention et de lutte contre les incendies de forêts, comptent parmi celles-ci. La lutte contre ses incendies bute de son côté sur le manque de personnel spécialisé. La forêt est également un espace ouvert à près de 30.000 chasseurs et 3.000 pêcheurs. C'est également un lieu de détente, un espace de recréation et de loisirs, dont le taux de fréquentation commence à susciter des inquiétudes. La forêt de la Mamora, par exemple, située à proximité de trois grandes agglomérations urbaines, Rabat, Salé et Kénitra, connaît une hausse remarquable de fréquentation touristique, qui a atteint les 30.000 visiteurs par semaine et 3.000 véhicules. Des études sur les fréquentations du parc national de Tazekka ont permis de constater que le nombre de visiteurs pendant le week-end et les jours fériés variait de 78.000 à 120.000 personnes par an, dont 20% de visiteurs étrangers. Cette activité risque de nuire à la forêt si les mesures ne sont pas prises à temps pour l'organiser et la développer d'une manière durable. «Le rôle du forestier est d'imiter la nature et de hâter son œuvre, dans le cadre d'une gestion patrimoniale au sens de la collectivité nationale», indique M. Houmy. «Le travail d'un forestier ne peut être jugé que trois à quatre génération après» ajoute un ingénieur forestier à la retraite. Le Maroc a réalisé son premier Inventaire forestier national entre 1990 et 2005, en mettant à contribution la technique des photographies aériennes combinées aux images satellitaires et à la technique d'échantillonnage statistique pour le mesurage des arbres au sol. L'inventaire forestier national est un outil d'aide à la planification forestière, il constitue une base pour la connaissance de l'état des ressources. Il est considéré comme un type d'inventaire extensif et stratégique s'appliquant à de très grandes surfaces. Depuis 2003, le Maroc a entamé la révision de la cartographie forestière à l'échelle nationale. Cette opération se réalise avec une cadence annuelle d'environ 1.000.000 ha tous terrains confondus, terrain forestier et autres, en accordant la priorité aux zones potentiellement forestières. La gestion du patrimoine forestier s'appuie sur une stratégie articulée autour de trois axes, précise M. Houmy. La sécurisation foncière et protection des forêts, qui passe par l'apurement de l'assiette foncière, la lutte contre les incendies et la veille sanitaire des forêts, et la réhabilitation des écosystèmes forestiers, à travers la reconstitution des écosystèmes, la conservation des eaux et des sols, la lutte contre l'ensablement et la reconstitution de la biodiversité. Vient enfin la mise à niveau de l'environnement du secteur, qui exige la requalification de l'entreprise, l'organisation des usagers et le partenariat. Entre surexploitation et changements climatiques, les écosystèmes forestiers du Maroc semblent bel et bien gravement menacés. Mais ce qui est d'ores et déjà certain, c'est que si les changements climatiques mettent pas mal de temps pour faire sentir leurs effets, la surexploitation détruit la forêt marocaine à un rythme, de loin, beaucoup plus élevé. Il dépend donc en premier lieu des citoyens marocains de préserver ce patrimoine hérité de leurs ancêtres et que la génération actuelle doit penser à léguer aux générations suivantes. * Une espèce de plante est dite endémique d'une zone géographique lorsqu'elle n'existe que dans cette zone à l'état spontané.