Sous la loupe des députés, la réforme du Code de procédure pénale poursuit son circuit législatif. Le texte est censé être consensuel, du moment qu'il découle du débat national de 2015 et a vocation à conformer le Maroc avec ses engagements internationaux en matière de droits de l'Homme. Or, cette volonté de faire du Maroc un bon élève se heurte au fameux article 3 qui continue de faire couler beaucoup d'encre. La réforme interdit à la société civile de saisir la Justice dans les a ffaires de malversations liées à l'argent public, un apanage réservé exclusivement au plus haut sommet du Parquet (Procureur du Roi près de la Cour de Cassation) qui, seul, peut enclencher des poursuites à la demande de la Cour des Comptes, l'Inspection des finances ou l'Instance de Probité... Bref, l'Etat, par ses organes d'inspection, s'arroge le monopole de combattre la corruption en col blanc liée aux deniers publics, au grand dam des associations qui se voient privées d'accès à la Justice. Du point de vue de la tutelle, c'est un moyen de protéger les individus, notamment les élus, contre la di ffamation ou les accusations calomnieuses à des fins crapuleuses. Un argument qu'on peut, certes, entendre, mais est-ce la bonne réponse ? Est-ce la seule et vraie raison ? Le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), qui vient de publier son avis sur la procédure pénale, a tranché ce débat qui enflamme les discussions au Parlement. Le verdict est sans appel : interdire à la société civile de dénoncer les cas de corruption en justice serait préjudiciable à la fois à l'esprit de la Constitution, à la stratégie nationale de lutte contre la corruption et aux conventions internationales signées par le Maroc, notamment celle des Nations Unies qui encourage l'intégration de la société civile. On peut concéder à la tutelle de vouloir passer impérativement par l'Instance de Probité avant d'arriver aux prétoires, mais il faudrait attendre des années avant que l'INPPC, qui titube encore, puisse véritablement jouer son rôle d'enquêteur. En définitive, empêcher la société civile d'agir revient à la priver de son rôle de lanceur d'alerte, ce qui est l'œil vigilant et le cœur battant de tout Etat de droit qui se respecte. Par ricochet et malheureusement pour notre pays qui se soucie tellement de son image à l'international, cette exclusion injustifiable de la société civile est susceptible de précipiter davantage la dégringolade du Maroc aux indices de perception de coarruption. Il ne s'agit pas de dire qui a tort et qui a raison, mais ce débat est, sur le fond, salutaire. Menons-le jusqu'au bout pour en tirer les meilleures conclusions.