Il est temps de rendre justice à une vedette marocaine de la musique andalouse et par extension, et par chance aussi, la chanson maghrébine. C'est de si Mohamed Bajeddoub qu'il s'agit. J'ai rencontré ce grand homme humble et à l'allure soufie à la ville de Safi, à la médina où il est né et a grandi. Au café littéraire de la ville, j'ai entamé (en collaboration avec mon ami le poète Abdelhaq Moufid) cette interview, réalisée pour le compte de L'Opinion, qui éclaircira, prochainement, à nos chers lecteurs, dans plusieurs épisodes, les coulisses de cette notoriété sans pareille et les points d'ombre de la vie d'un artiste autodidacte, engagé de grand calibre. Un entretien à l'envers où Si Mohamed Bajeddoub préfère de confier à son public son activité musicale à venir. Une participation nationale imminente, à savoir le Festival National de la musique andalouse à Fès, le 24 Février 2010, en compagnie de son groupe « féminin » dit Ahmadia fi-madh khair- al- baria. Cela dit, le groupe travaille sous le drapeau de l'Association Al Ahmadia dont les ex-responsables menaient les fils sans aucun dossier administratif. Et de Si Bajeddoub de me confier : « c'était tout simplement du fiasco, on n'avait même pas un reçu d'autorisation qui justifiait nos activités associatives auprès des autorités locales. Actuellement, et après quatre ans d'inertie, j'ai réhabilité l'association dont je suis devenu le Président, M. Kridia le Secrétaire Général et le local le café littéraire que le respectable M. Chqouri nous avait généreusement dédié ». L'Association Al-ahmadia lil al-madih wa samaa wa al- inchad a vu le jour sous un nouveau bureau, un nouveau nom, une nouvelle génération et surtout un nouveau sang. En effet, Si M. Bajeddoub a trouvé en fin de compte son fil d'Ariane combien recherché et désiré. Un groupe composé de 12 jeunes filles qui joignent en elles, comme l'affirme d'ailleurs leur « Maître », la beauté de la voix à la grâce de l'allure et le charme du paraître. Notre vedette nous a surpris par sa première apparition « entouré » de perles rares au sens féminin du terme. Ce groupe à parfum féminin polyvalent présidé par Bajeddoub et assisté musicalement par le groupe de musiciens que ce dernier a bâti naguère pour qu'il accompagne sous le nom de Chabab Al Andalus (les jeunes de l'Andalousie). Avec une originalité délibérée, Bajeddoub projette participer au Festival par le Rythme dit « derj al-uchaq » qu'on peut traduire par « Le séjour des amoureux ». Il réhabilitera, ce faisant, les anciens Rythmes tombés en désuétude à la recherche d'une « symphonie » andalouse sans exemple qui mérite d'être intégrée dans la Médiathèque nationale. Bajeddoub a donc l'ambition d'innover des mélodies propres à la musique andalou-marocaine. Pourquoi le choix des filles ? Demanderais-je à Bajeddoub : « A elles, à qui j'ai voué ma longue expérience et pour qui j'ai mis fin à mon exil artistique que je vivais avec « l'autre sexe » qui ne cessait de me montrer un caractère protéiforme et même, parfois, ingrat dans le sens moral du terme. A elles, pour qui j'ai tourné le dos au désespoir, qui m'était aux aguets, pour fonder ensemble ce royaume au féminin. Grand, et apparemment inadmissible, le projet de libérer les voix féminines pour concurrencer les hommes dans des « partitions » musicales communément propres au genre masculin. Je veux dire le madih, le samâa et la musique andalouse. » Malgré la sensibilité du «genre » et du domaine, Bajeddoub a initié la femme à la musique « religieuse » et mystique. Encouragé par le Ministre de la Culture M. Himmich Bajeddoub hisserait al-ahmadia au rang des orchestres les plus doués et les plus talentueux. Toujours est-il que le chant devient en quelque sorte une émancipation d'une voix venue du harem où on interdisait à la femme de chanter religieux et sacré. Comme si ce groupe était une plaidoirie en faveur de ce que la vie de ces filles, ainsi regroupées, a de plus harmonieux, la Voix. Fraîchement fondé, le groupe Al-Ahmadia, compte déjà dans ses palmarès plusieurs prix et maintes manifestations nationales et télévisuelles (Fès, Chefchaouen, Casablanca, Marrakech pour ne citer que ceux-ci). Une véritable constellation d'étudiantes et de diplômées en musicologie. Bajeddoub s'y dresse en tant que « Mentor », que pédagogue ornant ce collier dont les perles qui, au lieu d'ébaucher un pâle de succès, engendrent une succession d'exploits et d'apothéoses. Bajeddoub, une succession ouverte.