Un artiste libre, une œuvre libre. Bouchaïb Habbouli est l'une des figures incontestées et incontournables du paysage artistique marocain. La galerie Arcanes présente ses œuvres du 17 février au 13 mars. Habbouli fait partie de ses artistes qui ont su faire évoluer intelligemment leur œuvre. Rigueur sans faille, recherches et expérimentations permanentes, énergie débridée sont ses leitmotivs. Alchimiste, perfectionniste, tourmenté, révolté, juste, engagé, Habbouli ne s'arrête jamais. Toujours fidèle au suggestif, il nous met face à une œuvre qui nous interroge, qui nous pousse vers nos retranchements les plus profonds. A chacun d'y trouver le beau, le laid ou tout simplement la limite entre les deux. C'est avec un vif plaisir et un contentement certain que l'on accueille l'annonce de l'exposition des travaux de Bouchaïb Habbouli. L'étonnant Habbouli que je suis content de compter parmi mes amis. Le sage d'Azemmour, auréolé de toute la poésie qui entoure ces terres à l'embouchure de l'Oum Rbia, merveilleuse mère du printemps. Note cher ami Habbouli Bouchaïb, pour ne pas être un intellectuel selon le modèle classique, n'en a pas moins une vision complexe et attachante de la vie qu'on découvre tout au long de ces conversations qu'il nous arrive d'avoir ensemble bien souvent. Mais bien entendu, il ne s'agit pas d'en rester à des généralités, faute de pouvoir en tracer le portrait qu'il mérite. Mais l'essentiel qui retient l'attention, c'est que fondamentalement et dans toute l'acception du terme, Habbouli est peintre. Un peintre dont l'œuvre s'affirme avec une originalité remarquable, déployée sur deux registres d'une singulière beauté. D'une part, des compositions qu'on ne peut appeler autrement et qu'il est difficile de décrire et des portraits d'une puissance hallucinante dont lui seul a le secret. Nul doute que ces portraits qui transcendent toute référence à ce genre d'exercice domineront l'ensemble de l'exposition. On évoque ce terme de portrait, comme si la chose allait de soi et l'on en viendrait à croire que Habbouli sacrifie à une pratique traditionnelle de portraitiste. Bien entendu, il n'en est rien et nous voici confrontés à une œuvre de création esthétique dans toute la plénitude du terme et dont les virtualités ne se sont pas épuisées. C'est un bonheur d'avoir à en parler et de rendre justice, il n'en est que temps, à notre cher Habbouli. Encore une fois on mesure la quasi-impossibilité de décrire une toile, une œuvre de peinture. Les mots se refusent à entrer dans la peinture une fois encore. Voyez dans quelle quadrature de cercle il nous plonge. Dans un geste d'une puissance telle une lame de fond, il fait jaillir ce qui serait un visage humain qui aussi tôt, se jouant de toute identification, bascule dans le non identifiable. Ce visage échappe à la fixité et, chose étonnante, il s'offre à nous comme un miroitement d'une surface bien fluctuante ou l'étoffe justement impalpable d'un rêve. Tous ces temps-ci, j'ai comme ouvrage de référence «Les propos de la peinture du Moine Citrouille-Amère». Parlant de Habbouli, cette référence ne pouvait mieux tomber. Il n'est pas question de s'attarder à citer cet ouvrage d'une si grande richesse. Disons que, parlant de Habbouli avec le souci, le désir de tenter de saisir le geste premier fondateur de son œuvre, on a recours à une citation tirée de cet ouvrage. «L'unique trait de pinceau est l'origine de toutes choses, la racine de tous les phénomènes; sa fonction est manifeste pour l'esprit, et cachée en l'homme, mais le vulgaire l'ignore». Cette exposition dont on se réjouit qu'elle ait lieu, offre des signes avant-coureurs de cet univers propre de Habbouli dont la qualité première est la simplicité, presque une sorte d'ascèse si bien qu'on serait fondé de voir là un climat spirituel entourant toute son œuvre qui n'est autre que le soufisme. C'est un pari à tenir... Je souhaite que cette exposition rencontre l'intérêt et la ferveur du public.