Au moment où la tomate marocaine continue de percer sur le marché européen, les syndicats de droite en France se préparent à organiser de vastes manifestations contre les importations de tomates marocaines lors du Salon International de l'Agriculture (SIA) à Paris, où le Maroc est invité d'honneur. De la France aux Pays-Bas, en passant par l'Espagne, les protestations d'agriculteurs traversent toute l'Union Européenne (UE) depuis plus d'un an, dénonçant les faibles mesures de leurs gouvernements respectifs, mais également la concurrence de certains fournisseurs de l'UE, dont le Maroc. Le Salon International de l'Agriculture à Paris, dont le coup d'envoi sera donné ce week-end, risque également d'être le théâtre de manifestations des syndicats français, selon le média Euractiv, spécialisé dans les affaires européennes. Des mouvements qui s'inscrivent dans un contexte de tensions croissantes autour de l'afflux de tomates marocaines sur les marchés européens, perçu par les producteurs européens comme une menace directe pour leurs intérêts, d'autant plus que le Maroc occupe une place de choix cette année, illustrant le rapprochement croissant entre Paris et Rabat.
Au sein de tout le vieux continent, le Royaume s'impose comme un acteur clé enregistrant une évolution de plus 72% des ventes au cours de la dernière décennie, alors que des pays, historiquement dominants, tels que les Pays-Bas et l'Espagne, voient leurs recettes baisser.
Au moment où les agriculteurs crient la concurrence marocaine déloyale suite à la main d'œuvre qui est 10 fois moins chère, Oussama Machi, exportateur et producteur de fruits et légumes au Maroc, explique que le benchmark fait défaut. « La main-d'œuvre est en effet moins chère, mais on a besoin de 4,7 à 5 personnes par hectare, comparé à seulement 1,25 en France ». En faisant le calcul, on réalise que l'a argument du coût de la main-d'œuvre est largement compensé, voire dépassé, précise notre intervenant. Concrètement, l'élan que connaît la tomate marocaine est attribué à plusieurs facteurs, plus que les prix compétitifs des tomates marocaines, notamment la baisse de la production en Europe et l'augmentation de la demande sur les marchés européens.
Une droite redoutable
Renforcée par les dernières élections des organisations paysannes, la Coordination rurale est à l'avant-garde du mouvement contre la tomate marocaine et d'ailleurs réclamait la fin de l'accord UE-Maroc.
Selon les sources d'Euractiv, il est probable que le syndicat agricole profitera, comme chaque année, de la couverture médiatique du Salon de l'Agriculture pour faire passer ses messages. Le syndicat compte habituellement sur le soutien du Rassemblement National. Cette fois encore plus, puisque pour la première fois, le groupe d'amitié franco-marocain du Parlement est présidé par Hélène Laporte, députée d'extrême droite de la grande région productrice de tomates du Sud-Ouest de la France et figure de proue de la lutte contre la tomate marocaine.
L'Elysée, de son côté, doit éviter l'avènement de toute crise, surtout que les relations entre la France et le Maroc connaissent un élan positif, depuis la visite d'Emmanuel Macron à Rabat qui s'est soldée par un fort soutien à la marocanité du Sahara.
Cela dit, si 61 % du total des importations européennes en tomates fraîches proviennent du Royaume, les rapports de la Commission Européenne prévoient que cette tendance se poursuivra jusqu'en 2035. Une grande partie de ces exportations marocaines est d'ailleurs destinée à la France, qui réexporte ensuite une partie vers d'autres pays de l'UE, comme l'Allemagne et les Pays-Bas.
Face à cette situation, un récent rapport du ministère français de l'Agriculture appelle les producteurs nationaux à unir leurs forces avec leurs homologues européens au sein du « Groupe de contact pour les tomates », qui regroupe des agriculteurs de France, d'Italie, du Portugal et d'Espagne.
Les producteurs espagnols ont déjà pris des mesures en ce sens. La Coordination des organisations d'agriculteurs et d'éleveurs (COAG) a récemment déposé une plainte contre le Maroc, l'accusant de dépasser de 230.000 tonnes par an le quota d'importations exemptées de droits de douane, causant, selon eux, une perte annuelle de 14 millions d'euros pour l'économie espagnole. Le rapport du ministère français souligne également que plusieurs événements bilatéraux prévus en 2025 pourraient servir à aborder cette problématique.