Récompensée par le Lobby Awards, Fatima Zibouh revient sur son parcours de leader bruxelloise et son engagement pour la cohésion sociale, et partage les leçons de son expérience et les conseils pour devenir un leader engagé. - Vous avez été nominée dans la catégorie « leader bruxellois.e » de l'année par le Lobby Awards. Que représente pour vous ce Prix ? - C'est un véritable honneur ! Il représente une belle reconnaissance de mes multiples engagements depuis plus de 25 ans dans la capitale européenne, la capitale belge : Bruxelles. En tant que Belgo-Marocaine, ce Prix est également une reconnaissance de la contribution des personnes issues du Maroc, dans leur pays de résidence. Je suis fière de ma double culture. C'est un hommage à mes grands-parents, à mes parents qui ont quitté leur village dans le Rif marocain et qui ont tout sacrifié pour leurs enfants. - Comment pensez-vous que ce Prix peut contribuer à faire avancer les causes qui vous tiennent à cœur ? - Comme la cohésion sociale, le dialogue interculturel et la justice sociale sont des causes qui me tiennent fortement à cœur, ce Prix permet de visibiliser ces enjeux de société en mettant à l'honneur des personnes qui en font leur mission de vie. Pour ma part, cela m'encourage à continuer sur cette voie, malgré les attaques de l'extrême droite, les polarisations identitaires et les risques de fragmentation sociale. Je reste debout, je continue et je ne lâche rien. - Qu'est-ce qui a motivé votre engagement et votre parcours en tant que leader bruxelloise ? - Depuis toute petite, je suis sensible aux questions de justice. Je pense qu'on est tous là sur cette terre avec une spécificité, un talent, quelque chose qui nous permet de faire la différence. Il y a deux façons de voir le monde : soit on est spectateur de la forêt qui brûle ; soit on est acteur de changement pour contribuer à non seulement éteindre l'incendie mais aussi à apporter de l'eau, à cultiver les graines et fournir des solutions pour rendre la forêt encore plus luxuriante que jamais. J'ai choisi la deuxième option. - Comment conciliez-vous votre rôle de leader avec votre vie personnelle et vos autres engagements ? - C'est un véritable défi au quotidien. Mes proches restent ma priorité, mais parfois cela nécessite de faire des choix difficiles pour ne pas renoncer à ses multiples combats. Il est essentiel de bien s'entourer de personnes qui vous soutiennent dans cet engagement. Il faut aussi parfois se détacher des personnes qui vous sont toxiques et qui vous empêchent de vous réaliser pleinement dans votre mission de vie. J'ai vu trop de personnes renoncer à leurs idéaux, à leur nature profonde en sacrifiant leurs rêves. Ma mère et mon père me disaient souvent : « Tu n'as qu'une vie, c'est la tienne et c'est toi qui choisis celle que tu veux être. Ne laisse personne entraver ces rêves ». - Quels sont les défis et les obstacles que vous avez rencontrés en tant que femme et/ou personne issue de l'immigration, et comment les avez-vous surmontés ? - Les principaux obstacles résident dans le rejet, les discriminations, les stéréotypes que certains peuvent avoir sur des femmes comme moi, en raison de mon apparence. Ils viennent aussi de ceux et celles qui vous font renoncer à vos engagements. Ceux qui vous disent que vous n'en êtes pas capable, qui ne croient pas en vous. Pour les surmonter, il faut s'en éloigner, revoir les croyances limitantes mais aussi travailler plus pour viser l'excellence. - Dans quels domaines souhaitez-vous particulièrement vous investir et faire évoluer les choses ? - Les domaines d'action qui me passionnent sont multiples. Je m'engage sur la question de l'empowerment des jeunes, des femmes, des sans-voix. Je travaille sur les questions liées à la culture, aux innovations démocratiques ou encore aux enjeux socio-économiques. Je ne pourrais jamais choisir un domaine d'action en particulier car pour moi, c'est important de m'inscrire dans un engagement systémique. Par contre, j'ai un fil conducteur : créer des connexions entre les différents univers culturels et sociaux, avec une attention particulière pour les personnes les plus fragilisées dans notre société. - Quel conseil donneriez-vous à une personne qui souhaite s'engager et devenir un leader dans son domaine ? - Le premier conseil est de ne pas s'engager dans l'objectif de devenir un leader. Ce n'est pas la finalité. Sinon, ce serait un engagement mettant l'ego au centre de vos actions. Ce qui est le pire, c'est ceux qui s'engagent au service de leur ego. Ce sont des choses qu'on voit à des kilomètres. C'est le contraire qu'il faut faire : c'est mettre sa personne au service des causes qui nous animent au quotidien. Mon deuxième conseil, c'est de toujours questionner et renouveler son intention pour qu'elle soit au service du collectif. C'est la clé ! Comme le dit si bien l'adage marocain : Dirrou Niyya !