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Nadia Salah De L'Opinion á l'Economiste, parcours d'une icône médiatique

En cette année charnière de réforme et de raffermissement du droit de la famille en général et des droits des femmes en particulier, «L'Opinion» a choisi, contrairement à un usage courant, d'honorer la femme marocaine non seulement lors de la journée du 8 mars, mais sur plusieurs semaines en amont, en publiant les portraits de femmes qui ont marqué l'Histoire du Maroc, puisés du livre «Brises et vents : Marocaines engagées» de Mme Fawzia Talout Meknassi, journaliste, éditrice et militante pour les droits économiques des femmes depuis plus de 30 ans.
Ecrire le portrait de Nadia Salah, ou pour être plus juste celui de Marie Thérèse Bourrut, a été pour moi le papier le plus dur à réaliser, non seulement pour ce livre, mais durant toute ma carrière de journaliste. Elle est l'une des plus importantes journalistes du Maroc. Une Directrice de rédaction, elle maîtrise parfaitement les techniques de l'écriture, connait l'impact du mot et la subtilité des tournures des phrases.
C'est une femme brillante que j'admire pour son professionnalisme et pour son courage. Si elle n'est pas marocaine de naissance, elle l'est devenue par adoption.
J'ai vu Nadia Salah, pour la première fois lors d'une réception à l'hôtel Royal Mansour, Casablanca. J'avais entendu parler d'elle, en tant que journaliste économique, mais je ne l'avais jamais rencontrée. Elle se tenait au fond de la salle. Elle était en pleine discussion avec deux personnalités du monde économique. J'avais été d'emblée attirée par son sourire, qui m'a semblé unique et radieux, voire, imposant et en même temps malicieux, engageant et affable, à l'image de la personnalité de cette femme. Nous sommes en 1991, je venais de lancer la revue féminine Farah Magazine et elle le journal L'Economiste. Dans ma naïveté de l'époque, je me considérais déjà patron de presse. Je me suis dirigée vers elle, pour la saluer et me présenter. Ce premier contact fut bref et courtois sans plus. Je suis devenue depuis, attentive au parcours de cette femme hors pair.
En 2009, après la création du Réseau des femmes artisanes du Maroc, lors d'une visite à la rédaction de L'Economiste, elle a tenu personnellement à me féliciter pour la création de ce réseau. Ce fut une occasion pour nous deux de partager nos points de vue, sur la condition des femmes artisanes. Cette entrevue non programmée avait donné lieu à la publication par L'Economiste d'une série d'articles, que j'avais rédigé et qui traitaient d'une tranche de vie de trente-quatre femmes artisanes membres du Réfam Dar Maalma. Ce qui représente un réel soutien et une action de lobbying en faveur de ces femmes exceptionnelles. Depuis, chaque fois que je la sollicite pour le Réseau, elle répond favorablement à ma requête. Je lui en suis fortement reconnaissante.
Nadia est née Marie Thérèse Bourrut, belge d'origine et l'aînée de sa famille. Elle a le caractère combatif et déterminé de sa mère, pionnière de son temps, militante pour les droits des femmes ; elle était la première de sa région à avoir eu un carnet de chèque et la première à avoir eu un permis de conduire.
Nadia Salah est arrivée au Maroc en 1977, ou pour être plus précise, portée au Maroc par les ailes d'un amour profond à son mari, le non moins brillant journaliste et juriste marocain Abdelmounaïm Dilami, un descendant, selon le Dictionnaire des noms de familles de Mouna Hachim[[1]]url:#_ftn1 de de la tribu des Dâliam[[2]]url:#_ftn2 d'Irak, avec lequel elle est mariée depuis 42 ans. Elle raconte encore leur rencontre avec beaucoup de tendresse et de joie : « une histoire de café et de cafetière chez mon voisin de palier de la résidence universitaire de Grenoble et une discussion qui va se prolonger tard dans la nuit autour de l'affaire du Sahara marocain, un 1er Avril », dira-t-elle avec des yeux qui brillent encore par cette étincelle d'amour qui dure depuis. Le Sahara qui a uni un pays autour d'une cause nationale, a aussi uni pour la vie un couple célèbre du Maroc. Si l'amour nous fait faire des miracles et parfois des choses insensées, pour Marie Thérèse cet amour lui a fait tout simplement quitter son pays, l'a motivée à fournir un travail acharné, avec énergie et détermination, pour devenir Nadia Salah, la directrice des rédactions du groupe Eco Media, l'un des plus importants groupes de presse marocain.
Raconter la vie de cette femme singulière, revient en quelque sorte à raconter une partie de l'histoire du développement de la presse au Maroc dans les années 1980 - 2000.
Nadia est titulaire du diplôme de 2e cycle en économie monétaire. Elle a aussi fait Sciences Po Grenoble, section économie financière et l'Institut de Communication. Avant L'Economiste, elle a exercé pendant 14 ans dans le journalisme. Sa carrière dans la presse au Maroc est étroitement liée à l'évolution économique et politique du pays. Le premier journal dans lequel elle avait travaillé était le journal publié par le Rassemblement National des Indépendants (RNI), parti politique de centre droit, créé par Mohamed Osman, beau-frère de Hassan II. Elle rejoint par la suite, le quotidien l'Opinion, le journal du parti l'Istiqlal. Elle était le chef de rubrique économie. C'est son directeur de la publication de l'époque Mohamed Idrissi Kaitouni qui lui donnera, le nom qu'elle portera désormais, Nadia Salah.
« C'est là où j'ai appris le Maroc, aidée en cela par mon mari et ma belle-famille. L'Istiqlal me considérait comme une fille de la maison. Sur le plan humain, c'était un bon moment », dira-t-elle, avec une note de fierté dans la voix.
Elle est par la suite rédactrice en chef à La Vie Economique. Elle fut également la correspondante du MEED, un hebdomadaire anglais et du groupe spécialisé français, Le Moniteur des Travaux Publics. Au cours des 14 ans passées, dans différentes rédactions, elle a appris son métier de journaliste économique, la seule casquette qu'elle portera toute sa vie.
En 1991, c'est le grand saut avec le lancement de L'Economiste et la naissance de tout un groupe de presse. L'Economiste était un concept nouveau pour le Maroc, aussi bien par la forme que par la manière de traiter l'information.
Faisant partie du monde de la presse, je m'intéressais de fait à ce qui se passait dans l'espace médiatique. Je lisais attentivement les éditoriaux d l'Economiste qui n'avait pas de langue de bois dans le traitement de l'information. Nadia Salah devenait de plus en plus la journaliste incontournable du secteur. Cette personne aussi discrète qu'elle est, a bouleversé le champ médiatique marocain. Si le Maroc n'avait pas eu une Nadia Salah, il aurait fallu l'inventer. Et nous l'avons bien inventée.
Quand elle parle de L'Economiste ses yeux pétillent ; elle ne camoufle ni sa satisfaction ni sa fierté de ce qu'elle a réalisé. Mais son attitude devient des plus modestes lorsqu'on lui dit qu'elle a contribué à révolutionner le monde de la presse au Maroc. En effet, le développement du Groupe Eco Media et son modèle économique sont le reflet de l'évolution du Maroc. L'Economiste en tant qu'hebdomadaire économique, deviendra rapidement un quotidien, à un moment où le lectorat francophone comptait, décidait et gérait le Maroc. Le site digital sera lancé dès 1994, dotant ainsi la rédaction de l'internet. Il était le deuxième journal au monde après The Irish Times à avoir investi la toile.
Après avoir lancé une imprimerie, le quotidien Assabah suivra en 1998. Sa publication et le succès qu'il remportera marquent, à mon avis, le renversement de la tendance chez le lectorat marocain. C'est le fruit de la politique de l'arabisation de l'enseignement et l'arrivée d'une génération, plus arabophone que francophone.
Puis viendra Atlantic Radio comme signe de l'ouverture du Maroc et la levée du monopôle de l'Etat sur l'audiovisuel.
L'ouverture, en 2008, de l'Ecole de Journalisme s'inscrira dans la foulée de la privation de l'enseignement et le besoin de doter le Maroc de profils qualifiés.
Autre aventure, L'Economiste du Fasso, lancé par le groupe Eco Media, à Ouagadougou, adoptera la même ligne que son grand frère marocain, il a pu traverser deux coups d'Etat, tout en gagnant, grâce à son indépendance, le respect de ses lecteurs.
Si L'Economiste a son caractère propre, c'est parce que Nadia et son équipe ont fait appel dès le départ à des ressources humaines qualifiées. Elle va ainsi former les journalistes, normaliser la profession, industrialiser la fabrication du journal et standardiser la publicité auprès des agences. A ce jour, 4% de la masse salariale de l'entreprise est consacré à la formation des équipes. La rédaction de L'Economiste a été la première à être informatisée au Maroc. Nadia raconte avec beaucoup d'humour comment la direction des Investissements avait dans un premier temps refusé de leur accorder l'exemption de droits de douane et de la TVA pour s'équiper d'ordinateurs. Il y avait à l'époque un code des investissements industriels qui le prévoyait. « Ils pensaient que nous faisions une fraude pour devenir des commerçants d'ordinateurs », dira-t-elle sur un air assez amusé.

Sur le plan personnel, Nadia Salah est proche de sa famille et de sa belle-famille. Elle est toujours émue quand sa belle-mère, qu'elle adore, lui dit à chacun de ses retours de la Mecque : « j'ai demandé au bon Dieu de t'éclairer ». Elle est fière d'être l'épouse de Dilami, qu'elle qualifie « d'homme d'absolument magnifique et de juriste hors pair ». De son côté Dilami lui porte le respect pour la femme et de l'admiration de la journaliste.
Nadia est de nature affectueuse pour les siens, mais aussi pour tous ses collaborateurs.
Quand elle est arrivée au Maroc, elle était bien décidée à avoir dix enfants. « J'en ai fait un, il a préféré mourir », dit –elle sur un air triste. C'est l'épisode le plus dramatique de sa vie, la perte brutale de son enfant unique Othmane, mort en Inde dans l'état de Goa à l'affut de la photo exceptionnelle, le 27 novembre 2016.
Que dis-je, triste ! C'est bien peu, devant la douleur ressentie par cette mère abattue qui se trouve impuissante devant le destin. Cette maman meurtrie : «je ne savais pas ce qui se passait lorsqu'on mon mari m'a annoncée la nouvelle de la perte de Othmane », précise cette femme courageuse qui se doit de maîtriser sa vie et continuer sa destinée avec une profonde blessure au fond de l'âme. Seules les femmes qui ont vécu cette déchirure atroce, seules les mamans qui ont subi ce drame inqualifiable, peuvent comprendre l'intensité de la douleur de la perte de l'enfant. Sa Majesté le Roi Mohammed VI aura de la compassion devant la douleur de la mère et la souffrance de la femme. Sa Majesté lui dira, à l'occasion de l'inauguration de la manifestation culturelle et artistique L'Afrique en Capitale, le 28 mars 2017, au sujet du livre qu'elle projette de publier sur les photos réalisées par Othmane : « Faites-le doucement, ça fait très mal ». Elle a certes mal, mais elle a aussi du courage. Elle sait qu'un artiste ne meurt jamais, il demeure présent par ses œuvres et c'est ce qui la motive pour la réaliser le livre des œuvres de son fils.
Nadia Salah est tout simplement une dame de cœur, aimant son prochain. Une femme généreuse qui ne cherche jamais à compliquer la vie des autres. Elle n'est pas féministe pour un gramme, mais fondamentalement féminine et humaniste. Elle est croyante devant les aléas de la vie. Une journaliste qui a fait du journalisme plus qu'un métier, mais une passion. Elle a aidé des générations des journalistes qui sont venues juste après elle, à faire du journalisme un métier aussi bien féminin que masculin.
Motivée par une grande volonté, se comportant avec intelligence et diplomatie, soutenue par un mari complice et amoureux, elle a pu construire son chemin dans son pays d'adoption, dans une culture qui n'est pas la sienne, le Maroc des années 80, avec toutes les grandes opportunités offertes, mais aussi toutes les difficultés à se mouvoir entre les différentes tendances et contradictions de cette époque. Surmonter les aléas des années 80 et 90 en tant que femme journaliste, patron de presse de surcroit à la plume sans langue de bois, sans ne se heurter ni à Driss Basri, le puissant ministre de l'Intérieur et, même contre toute logique, un moment aussi ministre de l'Information, ni à Abdessadek Rabiah le brillant Secrétariat Général du gouvernement, ou encore à Maitre Taieb Naciri n'est pas chose aisée. Il faut être une femme au caractère bien fortifié, une femme avec une tête bien sur les épaules, mais non exempte d'un petit brin de folie, mais surtout avoir de beaucoup de courage et de malice pour comprendre qu'un édito laissé en blanc a plus d'effet que mille mots de contestation .
Elle l'a fait, elle a réussi. Bravo Nadia Salah !


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