En 2021, dans un contexte marqué par la pandémie et le protectionnisme accru des Etats, le Souverain avait appelé à la mise en place d'un dispositif national intégré ayant pour objet la réserve stratégique de produits de première nécessité, afin de renforcer la souveraineté du Royaume et de le prémunir des aléas des cours mondiaux. Un groupe de travail thématique sur la sécurité alimentaire a alors été constitué pour diagnostiquer la situation du pays et proposer des pistes de solutions, avant même que les tensions géopolitiques en Europe de l'Est et au Moyen-Orient ne viennent aggraver les perturbations des chaînes de valeur causées par le Covid. Parmi les principales conclusions figurait la mise en place d'un système d'audit et d'un mécanisme d'alerte précoce relatifs à la constitution d'un stock alimentaire et aux modalités de sa gestion. Si, pendant les deux dernières années, l'Exécutif a mobilisé plusieurs milliards de dirhams pour les programmes de soutien aux agriculteurs, dans le cadre du grand chantier de souveraineté alimentaire, la question du stockage stratégique est laissée-pour-compte, ou du moins peu médiatisée. Car, outre le mécanisme de stockage de blé, lancé cette année par l'Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL), aucune autre initiative n'a encore vu le jour, suscitant, en cette Journée mondiale de l'alimentation, des interrogations sur les raisons derrière cet attentisme. Des contraintes budgétaires ? Probablement ! Mais maintenant que le Maroc est pleinement engagé dans une dynamique d'investissement, et que les caisses publiques sont sous de fortes pressions, l'idéal serait d'engager une réflexion sérieuse sur des mécanismes incitatifs permettant aux opérateurs privés d'investir davantage dans le développement et la modernisation des infrastructures de stockage. Une chose est néanmoins sûre, c'est que la preservation de la souveraineté alimentaire dépend surtout de la révision de notre modèle agricole, en optant pour une stratégie qui tient compte de la réalité économique et sociologique de nos campagnes, de sorte à garantir la résilience de nos agriculteurs et nos petits «fellahs» même pendant les années de vaches maigres.