En 2017, la Cour des Comptes, consciente de l'importance de l'anticipation dans la gestion d'un Etat, a appelé l'Exécutif à examiner l'opportunité de constituer des stocks stratégiques de plusieurs produits, notamment alimentaires, destinés aux situations d'urgence exceptionnelles. En 2021, dans un contexte marqué par la pandémie et le protectionnisme accru des Etats, le Souverain a tiré la sonnette d'alarme, en appelant à la mise en place d'un dispositif national intégré ayant pour objet la réserve stratégique de produits de première nécessité, afin de renforcer la souveraineté du Royaume et de le prémunir des aléas des cours mondiaux. En réponse à cet appel, un groupe de travail thématique sur la sécurité alimentaire a été constitué pour diagnostiquer la situation du pays et proposer des pistes de solutions, avant même que la guerre en Ukraine ne vienne aggraver les déficits et pénuries causées par le Covid. Celui-ci a présenté, après trois mois de travail continu, son rapport qui souligne l'impératif de mettre en place un système d'audit et un mécanisme d'alerte précoce relatifs à la constitution d'un stock alimentaire et aux modalités de sa gestion. Pour ce faire, les membres de la Commission plaident pour une institution nationale indépendante, capable de chapeauter ce chantier et éviter qu'il soit dilué entre les différents départements ministériels concernés. Car sans centralisation, ce projet est voué à l'implosion. D'autant qu'aujourd'hui le temps des coquilles vides est révolu et quand l'Etat décide de créer des instances, c'est surtout pour finir avec la gabegie administrative. Mais au-delà de la gestion rationnelle du marché, la réorganisation de l'approvisionnement régional, la territorialisation de l'alimentation et toutes les mesures liées au boost de l'entrepreneuriat dans le monde rural, la réussite de la sécurité alimentaire dépend surtout des mesures incitatives qui seront mises en place pour encourager les opérateurs à investir davantage dans le développement et la modernisation des infrastructures de stockage. Des investissements qui permettront de sécuriser les approvisionnements en recourant à des achats massifs en période de détente sur les cours internationaux, surtout pour les aliments à forte demande, tels que le blé. Il va sans dire que ces mesures devraient être accompagnées par l'amélioration des conditions de collecte de la récolte nationale et une révision de l'actuel modèle agricole, en optant pour une stratégie plus résiliente, capable de garantir la sécurité alimentaire même pendant les années de vaches maigres. Saâd JAFRI