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Accord de pêche Maroc-UE : Les dessous juridico-politiques d'un arrêt infondé ! [INTEGRAL]
Publié dans L'opinion le 07 - 10 - 2024

La Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) a rendu son verdict concernant les accords de pêche et les accords agricoles entre le Maroc et l'Union Européenne (UE). Une décision qui sème l'ambiguïté sur l'avenir des relations maroco-européennes.
Vendredi matin, la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) a rendu son très attendu verdict concernant les accords de pêche et les accords agricoles entre le Maroc et l'Union Européenne (UE), en réponse aux plaintes du front Polisario. Dans son arrêt, la Cour a soutenu l'annulation desdits accords avançant qu'ils n'ont pas eu «le consentement explicite» du peuple sahraoui. Une décision qui a fait couler beaucoup d'encre, non seulement du côté marocain, mais également et surtout dans le Vieux Continent où plusieurs pays ont exprimé leur attachement au partenariat maroco-européen. Si le Maroc s'est dit non-concerné par ce verdict qui «contient des errements juridiques évidents et des erreurs de fait suspectes», l'UE et plusieurs pays membres, dont la France, l'Espagne, la Belgique, la Hongrie, l'Autriche, l'Italie, les Pays-Bas ou encore le Portugal, n'ont pas tardé à exprimer leur étonnement et leur refus d'une décision aux motifs injustifiés.
Dans ce sillage, José Manuel Albares, le ministre espagnol des Affaires étrangères - pays européen profitant le plus de cet accord -, a affirmé que Madrid continuera à «promouvoir» les relations avec le Maroc. «Notre engagement et notre attachement à la stabilité de la relation avec le Maroc est ferme et ne sera pas altéré», a tranché Albares devant la Commission des Affaires étrangères du Congrès des députés, assurant que son pays continuera à «travailler avec l'UE et le Royaume pour préserver et poursuivre le développement de cette relation».

Fondements juridiques lacunaires !

Cette polémique tourne, cependant, les projecteurs sur les fondements juridiques de la décision de la CJUE, qui va à l'encontre des orientations de Bruxelles et toutes les hautes instances européennes. «La décision de la Cour comprend des approximations juridiques majeures et même contraires au processus mené par les Nations Unies afin de parvenir à une solution au conflit autour du Sahara», nous indique Abdellah El Amri, «security expert» et analyste de risques géopolitiques. «La Cour s'est basée sur une définition restrictive de la notion de populations sahraouies, excluant la population résidente actuelle et ignorant les réalités démographiques complexes de la région.
En droit international, les arrêts doivent se baser sur des définitions approuvées par les instances internationales, l'ONU dans le cas présent, or, pour l'instant, les négociations sous l'égide des Nations Unies sont toujours en cours et donc le cadre conceptuel pour émettre un tel jugement n'est pas tout à fait valide», explique notre expert. Chose qui, d'ailleurs, figure dans l'avis rendu par l'avocate générale de l'Union Européenne, Tamara Capeta, concernant la validité juridique des accords de pêche et agricole entre le Maroc et l'UE. Celle-ci avait soutenu, alors que la procédure judiciaire débutait, que le Front Polisario, à l'origine de la plainte, n'est pas reconnu comme le représentant du peuple du Sahara par les Nations Unies ou l'Union Européenne. Il n'est donc pas le représentant légitime du peuple sahraoui, et par ricochet son consentement n'est nullement obligatoire pour conclure des accords commerciaux. Car oui, bien que le Front Polisario participe aux négociations politiques sur la résolution de la question du Sahara, ce rôle n'est pas le même que celui d'un représentant élu ou reconnu du peuple sahraoui exprimant les aspirations collectives de celui-ci.
Par ailleurs, le Maroc est considéré par l'UE comme «la puissance administrante» du territoire, ce qui lui confère le droit de conclure des accords commerciaux incluant le Sahara, et de consentir à l'application d'un accord conclu entre des Etats tiers, pour autant que cet accord remplisse les conditions contenues dans la charte des Nations Unies. Un avis également partagé par l'eurodéputé portugais Tiago Moreira de Sá qui considère la décision de la Cour comme une «grave erreur», notant que sur la base des éléments susmentionnés, «le Front Polisario, qui ne dispose d'aucune légitimité représentative», ne fait que saper un partenariat stratégique crucial. «Nous devons renforcer la coopération avec le Maroc, un partenaire de confiance, et ne pas céder aux pressions idéologiques», a-t-il soutenu. Mais malgré l'attachement des vingt-sept au partenariat avec le Maroc, Zakaria Abouddahab, expert en relations internationales et Professeur à l'Université Mohammed V à Rabat, nous explique que les pays membres de l'UE doivent respecter l'arrêt de la CJUE, conformément aux traités de Rome (1957). «Il ne faut donc pas sous-estimer la valeur juridique de l'arrêt par rapport aux pays de l'UE, surtout qu'il constitue une jurisprudence, qui pourrait impacter des dossiers semblables bien qu'ils soient traités hors territoire européen», ajoute notre expert.
De ce fait, les implications sur les relations commerciales entre les deux parties seront conséquentes, note Zakaria Abouddahab, rappelant que l'accord ne concerne pas que l'exploitation des ressources halieutiques, mais également des projets de développement durable, à l'instar du plan Halieutis. «Nous sommes donc face à une situation inédite avec beaucoup d'ambiguïté qui risquerait de suspendre, ne serait-ce que temporairement, toute démarche commerciale, sauf si les vingt-sept et le Maroc trouvent un procédé alternatif pour sortir de cet imbroglio», souligne l'expert.

Pour l'instant, le business continue...

«En gros, l'enjeu de cet affaire est surtout dans l'étiquetage des fruits et légumes provenant des provinces du Sud du Royaume, qui soulève des préoccupations quant à une reconnaissance indirecte d'une entité fictive, alors même que le dossier est encore sous l'égide de l'ONU», commente Abdellah El Amri, précisant que même sur le plan commercial, l'adhésion à une telle mesure pourrait à l'avenir créer des failles dans les négociations commerciales du Maroc. Ceci dit, la présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, et le Haut-représentant de l'Union Européenne, Josep Borell, ont annoncé, vendredi, que la Commission Européenne «analyse actuellement les arrêts en détail», prenant note que «la Cour de Justice Européenne maintient la validité de l'accord sur les produits agricoles pour une période supplémentaire de 12 mois». En effet, les exportateurs marocains confirment la poursuite des échanges pour la durée précitée. Rachid Benali, président de la Confédération Marocaine de l'Agriculture et du Développement rural (COMADER), a déclaré, dans ce sens, que les échanges seront maintenus du moment que les Etats membres de l'UE tiennent au partenariat «win-win» avec le Maroc. Les professionnels du secteur tiendront une réunion la semaine prochaine, selon la même source, pour définir les implications de cette nouvelle décision.
Sur un ton plus ferme, les professionnels du secteur halieutique, notamment la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation des Produits de la Pêche (FENIP), appelle à développer de nouveaux partenariats commerciaux avec des marchés à fort potentiel, tels que l'Asie, l'Amérique latine et l'Afrique. Même son de cloche au niveau de la Confédération Marocaine des Exportateurs (ASMEX) qui prône la diversification des débouchés des exportations marocaines, de sorte à réduire la dépendance vis-à-vis du marché européen (voir détails en Actu Maroc 1).


3 questions à Zakaria Abouddahab : «Ce jugement plonge donc les relations maroco-européennes dans le flou»
* Après la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne sur les accords agricole et de pêche Maroc-UE, le Royaume a dénoncé des «errements juridiques». Quelle est votre lecture des fondements juridiques de la décision de la Cour ?
- Sur le plan juridique, il y a quelques questions qui s'imposent. Premièrement, la qualité pour agir. Il s'agit en l'occurrence de la qualification qui a été donnée au Polisario pour introduire un recours au sein de la Cour de Justice de l'UE, sachant que le mouvement séparatiste avait été créé en 1973 dans un contexte de lutte contre le colonialisme espagnol et il devait normalement disparaître à la suite de la récupération du Sahara marocain et après la conclusion de l'accord de Madrid de 1975. Il y a donc une certaine méconnaissance de la réalité juridico-politique du dossier. Deuxièmement, il faut interroger si la Cour de Justice de l'UE était l'instance compétente pour examiner ce genre de recours, du moment que la question est diplomatique et relève de la compétence du Conseil de l'UE. Il est vrai que la Cour a un droit de regard sur les actes extérieurs conclus par l'UE, néanmoins, il s'agit là d'un conflit de nature politique et non pas juridique. Elle n'est donc pas compétente pour statuer sur une affaire en cours de traitement par le Conseil de Sécurité. Par ailleurs, concernant la consultation préalable des populations, il va sans dire qu'on ne peut pas consulter une population séquestrée en Algérie à Tindouf. Du point de vue marocain, le Polisario n'a pas la légitimité de parler au nom de ces populations qui sont privées de tous leurs droits, qui ne sont pas recensées ou identifiées. Et donc du moment que les autorités judiciaires européennes n'ont pas présenté des éclairages sur ces points, le jugement est donc biaisé.

* Pratiquement, le verdict de la Cour de Justice aura-t-il un grand impact sur les prochaines négociations maroco-européennes ?
- Les implications de cette décision sur les échanges entre le Maroc et l'UE sont directes. Par ailleurs, le Royaume a exprimé son refus de conclure n'importe quel accord commercial qui ne tient pas compte de l'intégrité territoriale du pays. Ce jugement plonge donc les relations maroco-européennes dans le flou, par exemple l'accord de libre-échange complet et approfondi qui était en cours de négociation et dont on ne connaît plus le sort. Le Maroc appelle ainsi les Etats membres de l'UE à prendre les mesures nécessaires pour respecter leurs engagements internationaux. Il y a lieu donc d'entamer une nouvelle ère et élaborer une nouvelle feuille de route pour consolider les acquis de ce partenariat.

* Et comment notre pays doit-il réagir dans cette phase post-arrêt, sur le plan juridique, mais aussi commercial ?
- Il faut préciser que le Maroc n'est pas fondé à interjeter n'importe quel type de recours supplémentaire, car déjà nous sommes dans un arrêt d'appel. Par rapport au volet commercial, le plus important est d'élaborer une nouvelle génération d'accords, bien ciblés. Par exemple, sur les normes industrielles, sur la protection des investissements, sur les services financiers, sur la logistique. Il faut donc chercher des formules intelligentes pour dépasser la décision de la Cour, notamment via des contrats de joint-venture, des sociétés mixtes ou autres.

3 questions à Abdellah Elamri : «L'arrêt ne tient pas compte des réalités économiques, juridiques et politiques de l'affaire du Sahara»
* Le principal argument dans le verdict de la CJUE est que les accords Maroc-UE n'ont pas eu « le consentement explicite du peuple du Sahara ». Cette considération est-elle valide juridiquement ?
- Sur le plan juridique, le Maroc, en tant qu'Etat, dispose d'une puissance administrante sur le territoire national. Il est donc en droit de conclure exploiter tout le territoire sujet, sans l'aval de qui que ce soit. Le problème dans le jugement de la CJUE, c'est qu'il ne prend pas en compte les réalités économiques, juridiques et politiques de l'affaire du Sahara. Depuis l'indépendance, le Maroc a mobilisé les grands moyens pour intégrer le Sahara dans son tissu économique. Cela inclut la construction d'infrastructures, la promotion des secteurs de la pêche, de l'agriculture et des énergies renouvelables. Les projets de développement, tels que le port de Dakhla ou encore l'Initiative Atlantique, ont un impact positif sur l'économie locale. Et une grande partie de ces projets servent l'accord de pêche et d'agriculture Maroc-UE. Pourtant, la CJUE a jugé que les accords en question ne confèrent pas d'avantages économiques concrets et substantiels au Sahara. Les lacunes méthodologiques sont donc évidentes.

* Quelle est votre lecture du timing de cette décision ?
- Tout d'abord, il faut rappeler que chaque mois d'octobre, les lobbies du Polisario commencent à remuer des dossiers liés au Sahara, pour influencer les discussions au Conseil de Sécurité qui débutent le même mois. Cette décision vient aussi après de longues protestations des agriculteurs européens, qui jugent la concurrence marocaine déloyale. D'ailleurs, l'un des aspects les plus controversés de cette décision concerne l'obligation de mentionner « Sahara occidental » comme pays d'origine pour les produits agricoles en provenance de cette région, comme les melons et les tomates. Cet étiquetage soulève des préoccupations quant à une reconnaissance indirecte d'une entité fictive, alors même que le statut du Sahara est toujours en cours de traitement à l'ONU.

* Cette décision rentre-t-elle dans les prérogatives de la CJUE ?
- En imposant cet étiquetage, la CJUE se positionne sur un terrain politique, en donnant au Sahara un statut distinct des autres régions du Maroc. Ceci porte atteinte au processus onusien, qui est un organe à vocation politique d'ailleurs, alors que la Cour a une mission avant tout juridique. Il est pertinent de noter que la justice britannique a déjà tranché dans une affaire similaire, qui remettait en cause l'accord d'association entre le Royaume-Uni et le Maroc.


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