La FRMF et l'OCP ont lancé un dispositif visant à prendre en charge la formation des jeunes footballeurs. Cette initiative répond au constat que les clubs ne font plus de la détection et de l'accompagnement des talents une priorité. À partir de la mi-octobre, la formation des jeunes footballeurs suivra un nouveau modèle, permettant aux clubs de sous-traiter ce volet à une entité externe. Cette architecture novatrice a été mise en place le 13 août, suite à la signature d'une convention de partenariat stratégique entre Fouzi Lekjaa, président de la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF), et Mostafa Terrab, PDG de l'OCP.
L'objectif est de créer un fonds national de formation de football dédié à la professionnalisation des centres de formation et à la promotion des jeunes talents dans la discipline. En clair, ce fonds, qui a pour vocation d'accueillir à terme d'autres partenaires publics (Régions par exemple) et privés (TAQA et autres), permettra de prendre en charge tous les aspects liés à l'accompagnement de ces joueurs âgés de 10 à 23 ans.
Les onze clubs signataires de la convention ne se chargeront plus que de leurs équipes A et de la mise à disposition des infrastructures nécessaires, tandis que la nouvelle entité (sous forme de société anonyme, SA) s'occupera de la gestion des formations, des salaires, du suivi médical, de l'alimentation, etc. À la fin de sa formation, le club paiera une somme forfaitaire à la SA en cas de contractualisation avec le joueur, ou un pourcentage en cas de vente.
Si cette nouvelle organisation peut révolutionner le football marocain, elle vise avant tout à pallier le manque d'engagement et d'investissement des clubs dans ce domaine. Contrairement aux grands clubs mondiaux, leurs homologues marocains n'ont pas, sauf rares exceptions, fait de l'accompagnement des footballeurs dès leur plus jeune âge une priorité. En conséquence, l'absence d'une pépinière de talents oblige les clubs à constamment rechercher des joueurs ailleurs.
Perte de compétences
Comment expliquer que certains clubs, bénéficiant pourtant d'une grande popularité et d'un palmarès prestigieux, aient renoncé à jouer le rôle d'école pour les jeunes ? Selon Abderrahim Rharib, professeur de finance et de gouvernance du sport à l'ENCG Casablanca, la principale raison est à chercher du côté des compétences.
"Des profils pointus comme celui de dénicheur de talents ou de formateur n'existent plus. Dans le meilleur des cas, la formation des jeunes est assurée par un ancien joueur dans le cadre de la politique sociale du club, ou par un entraîneur titulaire du fameux certificat D, obtenu au bout d'une semaine de formation", nous explique-t-il.
"Or, les spécialistes vous diront qu'il n'y a rien de plus difficile que de former les jeunes, car cela nécessite des connaissances en biologie, notamment en anatomie, ainsi qu'en psychologie de l'enfant et de l'adolescent, entre autres. Pourtant, la formation des jeunes est confiée dans nos clubs à des personnes qui n'ont pas forcément les qualifications requises", poursuit le professeur. Même des clubs connus autrefois pour être des pourvoyeurs de talents, comme le Rachad Bernoussi, ont perdu cette vocation en raison de la dégradation de la qualité de l'encadrement.
Cette perte de compétences s'est accompagnée d'une diminution des moyens alloués par les clubs à la formation. La professionnalisation du football national depuis 2011 a entraîné une augmentation des coûts liés aux transferts de joueurs et à la rémunération des cadres techniques, faisant de l'équipe A le principal, voire l'unique, poste de dépense pour ces clubs.
Des clubs surendettés
L'inflation des dépenses n'a pas été compensée par une diversification des revenus, ce qui fait que la quasi-totalité des clubs se trouve actuellement en situation de surendettement. Par exemple, le système de redistribution solidaire des droits TV, qui attribue annuellement le même montant à tous les clubs, pénalise automatiquement les équipes populaires (Wydad, Raja, FAR...), bien que leurs besoins soient plus élevés.
Le même constat s'applique aux ventes de tickets, qui demeurent insuffisantes, n'atteignant leur pic que lors de quelques grandes affiches et étant constamment menacées par la contrefaçon, la fraude et la revente illégale. De plus, les épisodes de violence dissuadent bon nombre de supporters de se rendre aux stades, empêchant ainsi la conquête d'un nouveau public.
Les capitaux privés ne se bousculent pas non plus au portillon, et ce, malgré le changement du statut juridique des clubs. Depuis la promulgation en 2010 de la loi n° 30-09 relative à l'éducation physique et aux sports, les clubs marocains ont entamé une démarche pour devenir des SA, et donc la possibilité d'ouvrir leurs capitaux aux investisseurs, tout en adoptant des organes de gestion adaptés et une comptabilité transparente.
Si la loi accorde un minimum de 30% des parts de la SA à l'association sportive, dans la plupart des cas, ces associations conservent une grande partie du capital. Ainsi, plus de 99% des capitaux du Wydad, du Raja, du RS Berkane ou encore de l'OC Safi appartiennent aux associations sportives de ces clubs. Pourquoi des entreprises ou des hommes d'affaires ne se lancent-ils pas dans cette aventure ? "Car ce projet n'est ni rentable, ni viable, et, de surcroît, il évolue dans un environnement hostile", tranche le professeur Abderrahim Rharib.
Libérer les initiatives
L'insuffisance des moyens et des compétences mobilisés pour la formation a mis le football national dans une situation inextricable. Tout le travail de développement initié par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en 2008, avec la création de l'Académie Mohammed VI, risque de se heurter à un plafond de verre en raison du manque de talents locaux. Le dispositif conçu par la FRMF, avec le soutien de l'OCP, vise à ouvrir la voie aux investisseurs tout en allégeant la charge des clubs et en leur permettant d'en récolter les bénéfices.
"Peut-être que les investisseurs s'engageront une fois que les premiers fruits de cette expérience auront été récoltés. Cela permettra de libérer les initiatives et de mettre plus en lumière le domaine de la formation sportive", espère Abderrahim Rharib. Pour cela, l'OCP et la FRMF doivent réussir le pari de prouver que cette initiative, audacieuse, peut réellement être profitable.
3 questions à Abderrahim Rharib : "La formation des jeunes est confiée à des personnes qui n'ont pas toujours les qualifications nécessaires" * À quoi est dû le désintérêt des clubs pour la formation des jeunes ?
Cette initiative est une réaction à un constat amer : nos clubs ne forment plus de jeunes talents, et ce, pour plusieurs raisons. Autrefois, des dénicheurs de talents se trouvaient pratiquement dans toutes les villes du Royaume, mais ce profil a disparu. Des figures emblématiques comme Haj Abdelkader Jalal, que l'on pourrait considérer comme de véritables écoles de football à part entière, ne sont plus présentes non plus. Aujourd'hui, la formation des jeunes est souvent confiée, dans le meilleur des cas, à d'anciens joueurs dans le cadre de la "politique sociale du club", ou à des entraîneurs titulaires du fameux certificat D obtenu après une semaine de formation. Pourtant, les spécialistes vous diront qu'il n'y a rien de plus difficile que de former des jeunes. Or, dans nos clubs, la formation des jeunes est confiée à des personnes qui n'ont pas toujours les qualifications nécessaires. Aujourd'hui, nos clubs semblent refuser de définir leur vocation ou leur modèle économique. De plus, les entraîneurs des équipes premières préfèrent souvent recourir au marché des transferts pour renforcer leurs effectifs, plutôt que de se tourner vers la formation interne. Par ailleurs, les revenus générés par les écoles de football sont souvent utilisés pour financer les équipes seniors. Le passage de la licence au contrat a augmenté les charges des clubs, tandis que leurs ressources sont restées stagnantes, faute de diversification. Dans ce contexte, la FRMF se voit contrainte de venir en aide aux clubs, en l'absence d'initiatives sérieuses de leur part.
* Faut-il revoir la loi 30.09 pour encourager l'investissement dans les clubs ?
Personnellement, ce n'est pas la législation en elle-même qui me dérange, mais plutôt le contexte dans lequel elle s'applique. Les articles de la loi 30.09, qui traitent de la société anonyme (SA) censée gérer le volet professionnel d'un club, laissent ce cadre juridique, même après la création de la SA, comme une coquille vide. Ce cadre n'est pas attractif pour les investisseurs et ne contribue pas à diversifier les ressources des clubs, car l'environnement dans lequel évoluent les clubs est fortement hostile.
* Pourquoi les capitaux privés ne se lancent-ils pas dans cette aventure ?
La formation des jeunes est un investissement risqué, réservé aux entrepreneurs schumpétériens prêts à s'exposer à un niveau de risque élevé. Au Maroc, on continue de privilégier l'investissement peu risqué, comme l'immobilier. Peut-être que les investisseurs se tourneront vers ce secteur une fois que les premiers fruits de cette expérience auront été récoltés, ce qui pourrait éventuellement libérer les initiatives. Les investisseurs pourraient alors, à moyen terme, commencer à s'intéresser davantage à ce domaine. Société Anonyme Sportive (SAS) : Nouveau cadre juridique pour les clubs Adoptée en 2010, la loi n° 30-09 relative à l'éducation physique et aux sports a introduit un nouveau statut juridique pour professionnaliser la gestion des clubs de football : la Société Anonyme Sportive (SAS). Ce statut permet d'établir des organes de gouvernance, de garantir une comptabilité transparente, et de formaliser des contrats professionnels avec les joueurs.
La loi dispose que toute association sportive ayant une section sportive dont plus de 50% des licenciés majeurs sont professionnels, qui génère, au cours de 3 saisons sportives consécutives, une recette moyenne supérieure au montant fixé par voie réglementaire, ou dont la masse salariale moyenne, au cours de 3 saisons sportives consécutives, excède un montant fixé par voie réglementaire, doit créer une société sportive et en demeurer associée afin d'assurer la gestion de ladite section.
Cette société prend la forme d'une société anonyme, dont le capital est composé obligatoirement d'actions nominatives, et dont au moins un tiers des actions et un tiers des droits de vote doivent être détenus par l'association sportive. FRMF : Une nouvelle stratégie ambitieuse En juillet, le président de la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF), Fouzi Lekjaâ, a présenté la nouvelle stratégie adoptée par la Fédération pour le développement du football national aux parlementaires membres du groupe de travail thématique chargé de l'évaluation de la stratégie nationale du sport 2008-2020.
Le président a souligné que cette stratégie s'inspire des orientations Royales en faveur de la promotion de la pratique sportive, y compris le football, en tant que vecteur d'intégration des jeunes dans la société.
Il a détaillé les objectifs de cette stratégie : élargir la base des pratiquants, améliorer les conditions de la pratique sportive dans toutes les régions du Royaume selon les normes internationales, développer le niveau des équipes nationales et renforcer l'image internationale du football marocain.
Les axes de la stratégie de la FRMF se concentrent sur le développement du football national, notamment à travers l'amélioration de la formation, la modernisation des infrastructures, l'optimisation de la gouvernance, et l'élévation du niveau des sélections nationales.
Cette stratégie a pour but de promouvoir le développement du football, la modernisation des infrastructures sportives, et de renforcer la position du Royaume à l'échelle continentale et mondiale. Fouzi Lekjaâ a insisté sur l'importance de l'engagement des collectivités locales dans ce processus, ainsi que sur la transformation des associations sportives en Sociétés Anonymes Sportives (SAS).