Le cinéaste français Eric Rohmer est mort lundi matin 11 janvier à Paris à l'âge de 89 ans, laissant derrière lui 60 ans de films et d'écrits sur le cinéma. Né le 21 mars 1920 à Tulle, en Corrège, Maurice Scherer a d'abord été professeur de lettres puis critique de cinéma, fondant « La gazette du cinéma » avec Jacques Rivette où il fait la connaissance de Jean-Luc Godard. Il réalise son premier court-métrage en 1951 et s'est inscrit comme l'un des piliers du mouvement cinématographique de la nouvelle vague. Eric Rohmer a en particulier reçu le Lion d'Or au festival du cinéma de Venise pour « Le rayon vert » puis un Lion d'Or pour l'ensemble de sa carrière en 2001. « Le genou de clair » a été récompensé du Prix Louis Delluc en 1971. Il a également mis en scène des pièces de théâtre et écrit plusieurs ouvrages sur le cinéma. Il était renommé à l'étranger, l'une de ses premières œuvres « Ma nuit chez Maud » (1969) étant nominée aux Oscars pour le meilleur scénario. Pour son premier et unique roman « Elisabeth » (1946), Maurice Scherer a pris le pseudonyme de Gilbert Cordier mais décide d'adopter celui d'Eric Rohmer par la suite. « Ce nom m'a été très utile dans ma carrière : « on aime employer, surtout au cinéma, des adjectifs. On dit Hitchcockien, Rosselinien, Rohmérien. Ça marche très bien », disait-il au monde dans un entretien en 2007. Le cinéma rohmérien se caractérise par une certaine lenteur, par la profondeur et le style littéraire des dialogues qu'il ne laissait à personne d'autre le soin d'écrire. « Les contes moraux » un premier cycle de six longs-métrages, étaient d'abord des nouvelles écrites dans les années 50. « On peut dire que mon travail est plus proche de la nouvelle, d'une certaine forme de nouvelle que le cinéma abandonne aujourd'hui, que d'autres formes de spectacles, tel le théâtre », écrivait-il en 1971. Eric Rohmer gardait secrets les détails de sa vie privée et la nouvelle de son hospitalisation n'était pas connue. Arielle Dombasle, qu'il a révélée dans « Pauline à la plage » (1983), l'a vu samedi 9 janvier en chambre de réanimation, à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. « Il était sorti du coma et nous avons pu nous parler par petits papiers interposés », a-t-elle raconté à Europe 1. « C'est quelqu'un qui m'a fait lire pour la première fois le dramaturge Marivaux, qui m'a montré ce qui était la beauté classique des textes, qui m'a fait comprendre ce qui était le cinéma, l'écriture cinématographique », a-t-elle poursuivi. Eric Rohmer était « un cousin germain de Marivaux », a dit l'acteur Pierre Arditi sur France Info citant la récurrence des thèmes de l'amour et de l'infidélité dans son œuvre. Nicolas Sarkozy a rendu hommage à un auteur qui avait su inventer « son cinéma, resté singulier, unique ». C'était du cinéma jusque dans son économie propre, minimaliste, jusque dans les titres de ses films, réunis comme des collections de contes moraux », écrit-il dans un communiqué. Serge Toubiana a salué le départ de quelqu'un qui compte dans le cinéma français : « Il s'inscrivait dans un certain classicisme. Tout semblait éminemment naturel et spontané, mais tout était extrêmement écrit », dit le directeur de la cinémathèque française. « Il avait la capacité vite et bien les situations, les personnages, ses acteurs, ses actrices surtout qu'il entourait de beaucoup de précaution parce qu'il les aimait ».