La Bibliothèque nationale de Rabat a abrité, jeudi dernier, une émouvante cérémonie en hommage à l'écrivain et journaliste Abdeljabbar Shimi. Y ont pris part le Secrétaire Général du Parti de l'Istiqlal, M. Abbas El Fassi, des membres du Conseil de la présidence du Parti dont MM. M'hamed Boucetta, Abou Bakr Kadiri et M'hamed Douiri, ainsi qu'un grand nombre d'intellectuels et de journalistes. Ci-après quelques témoignages des personnalités présentes en reconnaissance des qualités et du mérite de ce nationaliste et intellectuel engagé. Abbas El Fassi : Un exemple d'abnégation au service de l'intérêt général Le souvenir du début de ma relation avec le frère Abdeljabbar Shimi me ramène à l'époque où je vins m'inscrire à la Faculté de Droit à Rabat. Depuis, ces relations n'ont cessé de se consolider avec cet homme qui mérite davantage qu'un hommage en raison de sa fidélité aux idéaux du Parti. C'est, en effet, un nationaliste qui pratique la politique dans son acception noble et non pas la politique politicienne et versatile. Il lutte pour la concrétisation des objectifs qu'il a puisés dans l'école du patriotisme : celle d'Allal El Fassi, d'Abou Bakr Kadiri, de M'Hamed Boucetta, de M'Hamed Douiri et de tous les vaillants militants bien sûr. Il est une autre qualité d'Abdeljabbar Shimi, l'intellectuel hors pair : celle de pouvoir rendre les idées révolutionnaires les plus complexes avec sérénité et par un verbe qui va droit au cœur. C'est un excellent romancier. Le frère Abdeljabbar Shimi se distingue, en outre, par son abnégation, une qualité essentielle que tout journaliste, désireux de servir et défendre l'intérêt général en premier et dernier lieu, se doit d'avoir. Tout en souhaitant prompt rétablissement à Abdeljabbar, nous tenons à souligner qu'il compte parmi les plus fidèles au journal « Al- Alam » qu'il a choisi d'intégrer en 1957 et où il est resté jusqu'à ce jour, chose rare de nos jours dans notre paysage médiatique. Il a été loyal envers « Al-Alam » qui l'a également été envers lui ; il a été loyal à l'égard du Parti de l'Istiqlal et l'Istiqlal a été loyal envers le frère Abdeljabbar Shimi. M'hamed Boucetta : Le génie du verbe écrit et parlé Je souhaite, en cette agréable circonstance, qu'Allah préserve Abdeljabbar et hâte sa guérison. Je voudrais, par la même occasion, saluer le travail qu'il a fait, la fermeté et la loyauté et, pour dire vrai, sa fidélité dont il a fait preuve ainsi que son génie (dans le maniement) de la parole et de l'écrit. Je salue également l'action des frères qui ont organisé cette cérémonie d'hommage en vue de remettre en mémoire ce qu'a fait Abdeljabbar et de nous rappeler à tous qu'il est là et qu'il restera là par la volonté d'Allah, tout en lui souhaitant prompt rétablissement. Abdelkrim Ghallab : Grâce à son humanisme, il a transformé l'acte d'écrire en porte-parole des pauvres (…) Je ne saurais parler d'Abdeljabbar qu'en sa qualité d'être humain, car c'est son humanisme qui m'a incité à prendre part à cette cérémonie. Ce fut un humaniste et il le demeure car il considère l'humanisme comme ce qu'il y a de plus noble dans l'univers. C'est ainsi que sa personnalité a été profondément marquée par son humanisme et celui-ci a, à son tour, imprimé à sa personnalité une touche de fierté, de générosité, d'orgueil et un goût du travail assidu. Abdeljabbar est né et a grandi dans un milieu pauvre, parmi les gens pauvres des quartiers modestes de Rabat. Ce qui lui a permis de brosser des portraits de ces gens et de les étudier avant même d'apprendre à lire et à écrire. Il s'attacha ensuite à lire toutes les œuvres et les auteurs qui traitent de la misère et des pauvres, tels Victor Hogu (Les misérables), Dostoïevski, Najib Mahfoud et d'autres, et c'est ainsi qu'il conçut «Le possible de l'impossible» (Al Moumkine mina Al Moustahil) ou encore «Ecrits de la main» (Bi Khatt Al Yad). Abdeljabbar a ainsi vécu dans un tel milieu et c'est pourquoi l'on relève une certaine nostalgie pour et envers ces gens aussi bien lorsqu'il en parle ou dans ses écrits ou, encore, lorsqu'il évoque le passé… un passé qu'il ne veut ni sombre, ni mauvais, mais simplement vivifiant et auquel il doit ce trait de caractère et de sentiment de devoir se faire l'interprète de ces pauvres et de ces miséreux (…). Mais Abdeljabbar n'écrivait pas seulement au sujet des pauvres et des misérables. Il dépeignait aussi ce monde qui va de mal en pis et c'est ce qui le dérangeait le plus et qu'il exprimait dans sa rubrique «Bi Khatt Al Yad». C'est aussi un patriote au sens plein du terme qui refusait de mêler politique et nationalisme, rejetait la politique politicienne ou d'apparat et empruntait une seule et unique voie : celle de la clarté. (…) Il écrivait tout le temps, mais publiait peu. Un peu plein, cependant, de sens et de valeurs, car ses écrits sont exempts de redondance, de redites et «blancs» (N.D.L.R : les longues phrases destinées à épater le lecteur sans vouloir dire grand chose). Abdeljabbar était ainsi comme un artisan ou un peintre qui crée des toiles et des œuvres d'art en quelques lignes, peu de mots et dans une langue vivante. Pas d'injures, pas d'insultes, dans ses écrits qui, en outre, sont conçus dans une langue arabe pure exempte de barbarismes ou d'idiomes étrangers… car il écrivait pour le plaisir d'écrire quoique journaliste (…). C'est Abdeljabbar tel que je l'ai connu à travers sa personnalité, son humanisme et sa pensée intimement et constamment attachée au peuple, aux exclus, aux marginalisés et à ceux que la vie n'a pas particulièrement gâtés et qui ne trouvent personne pour parler d'eux, sinon des gens de la trempe d'Abdeljabbar puisse Allah hâter son rétablissement pour qu'il se remette à créer de nouveau.