Ils seraient, selon plusieurs sources, entre une dizaine et une centaine de Marocains séquestrés sur le territoire birman, forcés de travailler dans des centres de cybercriminalité détenus par la mafia chinoise et les rebelles birmans. Une histoire qui a commencé par le rêve d'un avenir meilleur avant de se transformer en cauchemar. À l'autre bout de la Terre, de jeunes marocains âgés de 20 à 30 ans se sont retrouvés séquestrés par un réseau mafieux impliquant les triades chinoises, dans un territoire en proie à une féroce guerre civile opposant des mouvements rebelles à la junte militaire birmane. La première alerte est venue des familles des personnes enlevées. Depuis quelques semaines, elles ont décidé de médiatiser cette affaire après avoir frappé à toutes les portes, sans succès. Ces familles affirment avoir essayé de contacter d'abord l'ambassade du Maroc à Bangkok, en Thaïlande, puis le ministère des Affaires étrangères. Mais comment ces Marocains se sont-ils retrouvés là ? D'après les témoignages recueillis par le Monde, les victimes, qu'elles soient étudiantes ou employées, sont approchées en ligne par des inconnus, souvent Marocains eux aussi. Ces derniers interrogent leurs cibles sur leurs compétences en vente ou en informatique, avant de leur proposer un emploi dans l'e-commerce. Ils leur font miroiter un poste dans une entreprise en Thaïlande, offrant un salaire confortable et un bonus attractif. Pour gagner la confiance des victimes, de faux entretiens sont organisés à distance avec des prétendus responsables sur place. Une fois l'offre acceptée, la personne est invitée à prendre un avion pour la Malaisie, un pays qui n'exige pas de visa pour les ressortissants marocains. Le billet et l'hébergement à l'hôtel sont pris en charge par les fraudeurs. Tout est mis en œuvre pour que la victime se sente en sécurité. Elle séjourne ainsi deux ou trois jours à Kuala Lumpur sans avoir à dépenser de l'argent, le temps que son visa pour la Thaïlande soit établi. À son arrivée à Bangkok, une voiture avec chauffeur l'attend à la sortie de l'aéroport. Censé l'accompagner à son futur emploi, le chauffeur emmène en fait la victime dans l'Etat Karen, une région birmane frontalière de la Thaïlande, qui est le théâtre d'une guerre ouverte entre différents groupes armés et l'armée birmane. Là-bas, des camps de travail contrôlés par des triades chinoises et les rebelles birmans exploitent des personnes de diverses nationalités, enlevées puis séquestrées dans le but d'arnaquer en ligne des internautes occidentaux.
L'ambassade réagit Contacté par la MAP, l'ambassadeur du Maroc en Thaïlande, Abderrahim Rahhaly, a confirmé que plusieurs ressortissants marocains sont retenus par des organisations illégales installées dans des zones rebelles au Myanmar, proche de la frontière avec la Thaïlande. Ces ressortissants marocains, a-t-il précisé, font partie de plusieurs milliers de personnes de toutes nationalités, notamment de pays africains, asiatiques et européens. Selon les récits des familles et de rescapés, ils se sont retrouvés dans cette situation après avoir été appâtés par des offres frauduleuses d'emplois prétendument dans le commerce électronique, promettant des rémunérations élevées et des conditions de travail attractives. Après avoir été attirés vers des points de rencontre en Malaisie et en Thaïlande, ils ont été acheminés par les réseaux de trafic jusqu'à des zones contrôlées par des groupes armés rebelles au Myanmar, pour être employés dans des centres d'appel clandestins opérant dans la criminalité cybernétique, a-t-il expliqué. « Les personnes recrutées sont en général chargées d'attirer des personnes de leur pays d'origine dans différentes arnaques, via de faux profils, parfois sous la forme de prétendus portails d'investissement, de faux sites de jeux de hasard et parfois des plateformes d'escroquerie et de chantage à la vie privée », a-t-il dit. A cet égard, l'ambassadeur a appelé à davantage de vigilance face à des tentatives de recrutement qui seraient toujours en cours, par l'intermédiaire de rabatteurs locaux et via internet. Il a de même indiqué que l'ambassade du Maroc est en contact quotidien avec les autorités thaïes notamment, afin de suivre la situation et recueillir toute information concernant les citoyens marocains concernés et leur venir en aide, tout en soulignant l'importance d'entourer ces démarches de toutes les précautions nécessaires afin de ne pas compromettre la sécurité de nos ressortissants ou les exposer à des représailles. L'Ambassade coordonne, également, avec les Chancelleries des pays dont des ressortissants sont dans la même situation, ainsi qu'avec les organisations régionales et internationales opérant dans la zone, dont l'Organisation Internationale de la Migration (OIM), a-t-il ajouté.
La BNPJ enquête Au niveau national, le Procureur général du Roi près la Cour d'appel de Casablanca a ordonné l'ouverture d'une enquête judiciaire, confiée à la Brigade Nationale de la Police Judiciaire (BNPJ), suite à la séquestration de ressortissants marocains par des bandes criminelles opérant au Myanmar, dans les zones frontalières avec la Thaïlande. Les résultats de l'enquête préliminaire ont révélé qu'il s'agit de réseaux criminels spécialisés dans la traite d'êtres humains, actifs dans les zones frontalières du Myanmar. Ces réseaux appâtent leurs victimes avec des contrats de travail dans des entreprises internationales de commerce électronique, en promettant des salaires attractifs. Il s'est avéré toutefois que cette démarche n'était qu'un moyen de les arnaquer, les attirer et les exploiter, pour ensuite les séquestrer et les obliger à travailler dans des conditions pénibles. Selon les premières informations disponibles et les données relayées par certains réseaux sociaux, le Parquet général, en appelant à la prudence et à la vigilance face aux tentatives de recrutement, toujours en cours via Internet ainsi qu'à travers certains intermédiaires au Maroc et à l'étranger, affirme suivre de près les investigations menées par les services compétents de la Police judiciaire. L'objectif est de faire la lumière sur les tenants et aboutissants de ces faits, d'appréhender toutes les personnes soupçonnées d'être impliquées dans ces actes et d'envisager les suites judiciaires appropriées à la lumière desdits faits.