Il n'y a pas longtemps, les guides régnaient en maîtres absolus sur les différents commerces afférents au secteur touristique. Bazaristes, antiquaires, restaurateurs, maroquiniers et autres commerçants d'articles de luxe se pliaient à leurs verdicts. Ceux-ci les chouchoutaient et les gâtaient en termes de primes assorties de cadeaux quand ils ne leur avancaient pas des prêts colossaux pour gagner leur sympathie. Gare à celui qui oserait mécontenter un guide ou refuser de répondre favorablement à ses caprices car la monnaie de change se traduirait inéluctablement par un boycott qui ferait de son auteur un pestiféré en abandon. Alors, faisant contre mauvaise fortune bon coeur, les commerçants leur accordaient sans broncher 50% des prix de vente à titre de commission, lequel pourcentage est prélevé sur la somme totale encaissée sans tenir compte de la TVA ou de la taxe relative au paiement par carte visa. On appelle cela dans le jargon des guides une commission «Sâalma». Mais voilà que maintenant les temps ont changé. Il y a d'abord une nouvelle génération de guides frais émoulus, pétris de qualités morales et professionnelles, des licenciés polyglottes qui n'ont rien à envier à des maîtres de conférence tant ils maîtrisent parfaitement leurs sujets. A les entendre développer un sujet d'histoire ou de géographie du Maroc ou encore de sociologie vous les prendrez pour des universitaires agrégés en la matière, ce qui est un point d'honneur pour cette profession, longtemps décriée et qualifiée de tous les maux. Il est vrai qu'il existe toujours des «résidus» mais ils sont si rares et en voie de disparition, quoi qu'ils persistent à faire de la résistance. Le cas de l'hôtel la Mamounia où un conflit de générations oppose les anciens guides aux nouveaux dans un bras de fer que ni les dirigeants de l'établissement ni le délégué régional du tourisme ne sont parvenus à départager en est l'illustration parfaite. Qu'à cela ne tienne, depuis quelques jours, les 700 guides domiciliés à Marrakech ont décidé de prendre leur destin en main, s'attelant d'abord à nettoyer et assainir leur maison, après s'être rendu compte que des étrangers se passant pour des guides leur damaient le pion. Comme dirait l'autre, c'est le cas de l'arroseur arrosé. Ainsi le guide n'est plus confronté à la seule concurrence illégale du chauffeur des taxis et autres énergumènes étrangers à la profession mais aussi à certains tenanciers des maisons d'hôtes et à des étrangers qui vantent la qualité de leurs services et affichent leurs prix exempts de la fameuse commission sur la toile de l'Internet. Mal en a pris à une australienne passant pour une spécialiste dans l'art du shopping (admirez l'expression) qui accompagnait ses clients pour des courses au souk d'autant qu'elle ne dispose pas de certificat de séjour. L'affaire est aujourd'hui entre les mains de la justice et une 1ère audience est prévue le 28 du mois en cour. Il n'en a pas fallu plus pour que nos guides se réveillent, tiennent une conférence de presse et décident d'organiser des réunions mensuelles pour faire le point sur l'état de santé de leur profession. Serait-ce l'annonce en catimini de l'assemblée générale d'une association jusqu'alors en hibernage et dont les rares manifestations se reportent à des crises d'identité plutôt qu'à un débat serein sur l'éventuel établissement d'une charte de conduite professionnelle? Se faisant, le guide pourrait alors se débarrasser de l'étiquette d'intermédiaire vorace qui lui colle à la peau pour arborer celle de véritable représentant du tourisme marocain. Avec cette nouvelle fournée de guides, l'espoir est en tout cas permis.