S'il est jalonné de multiples crises, le mi-mandat dénote de la résilience du gouvernement face aux urgences géopolitiques, économiques et environnementales. "Depuis octobre 2021 à ce jour, il fallait en effet deux gouvernements : le premier pour appliquer le programme voté au parlement, le second pour gérer les crises successives, et Dieu sait qu'elles étaient nombreuses", illustre un cadre de la majorité sous couvert d'anonymat, ajoutant que l'Exécutif est parvenu "à faire les deux : d'un côté, répondre aux urgences du moment, tout en honorant, de l'autre, ses engagements". Ce n'était pourtant pas gagné d'avance, tant le gouvernement avait, dès sa nomination, du pain sur la planche. Plus d'un an après l'apparition du premier cas du Covid-19 au Maroc, le nouvel Exécutif est alors appelé à poursuivre le déploiement de la campagne nationale de vaccination, tout en freinant la propagation des différents variants. Une gestion de crise saluée par les Marocains, comme en témoigne l'enquête de l'Afrobarometer, publiée en février 2024 et qui révèle que "65% des sondés approuvent la gestion gouvernementale de la pandémie, 61% estimant par ailleurs que l'Exécutif sera préparé à faire face à de futures urgences de santé publique".
Mandat en état d'urgence !
En attendant, d'autres urgences ont émaillé l'action gouvernementale. La première d'entre elles est d'ordre géopolitique. Le 24 février 2022, l'éclatement de la guerre en Ukraine n'a pas été sans impact sur la régulation économique internationale déjà affaiblie par la pandémie. Le Maroc, comme le reste du monde, n'a donc pas échappé aux conséquences économiques du retour de la guerre sur le sol européen. Jamal Machrouh, Senior Fellow au Policy Center, en énumère trois : la flambée des prix des produits pétroliers, la difficile importation des denrées alimentaires et le ralentissement économique dans l'espace européen, premier partenaire commercial et économique du Royaume. Si, comme le souligne le chercheur, "le Maroc ne dépend pas aussi fortement de la Russie et de l'Ukraine", il n'en demeure pas moins qu'il a été "fortement impacté" par la guerre, avec une croissance au ralenti et une inflation exceptionnellement élevée, selon le Haut-Commissariat au Plan. Face à cette situation d'urgence, le gouvernement n'a pas lésiné sur les moyens pour soutenir le pouvoir d'achat, qui s'ajoute au chantier Royal relatif à l'édification de l'Etat social (voir article annexe). Par ailleurs, 14 milliards de dirhams (MMDH) ont été mobilisés pour éviter toute hausse des factures d'électricité, plus de 5 MMDH au profit des transporteurs routiers pour atténuer l'impact de la flambée des prix des carburants.
A ces mesures s'ajoutent, entre autres, la subvention du gaz butane et l'augmentation du budget de la Caisse de Compensation. Une stratégie gagnante, comme en atteste le taux d'inflation qui passe sous la barre de 3% et poursuit sa baisse en janvier pour s'établir à 2,3% en variation annuelle.
Plan Marshall contre la sécheresse
Parallèlement à l'inflation, une autre crise a secoué le Maroc. Cette fois-ci, elle est d'ordre météorologique et environnemental. Le signal d'alarme est venu du ministre de l'Equipement et de l'Eau, Nizar Baraka, « le Maroc traverse l'une des pires périodes de sécheresse depuis 30 ans ». Pour y faire face, le gouvernement a mis en place un véritable plan d'action pour pallier la faible précipitation et le risque de pénurie d'eau. A commencer par l'accélération des chantiers de barrages en cours de construction, avec une enveloppe de 22 milliards de dirhams dédiés ; les barrages de M'dez à Sefrou, d'Al Hoceima et de Sidi Kacem, et 13 autres grands barrages sont concernés. « Je pense que le gouvernement a pleinement conscience des enjeux liés à la gestion de l'eau, mais il est naturel que nous ne puissions pas voir les fruits de cette stratégie avant 2026 », nous souffle Mohamed Jadri, Directeur de l'Observatoire du travail gouvernemental. Le plan prévoit également la mise en place de pompes flottantes au service de l'agriculture et de l'approvisionnement en eau potable. Le grand chantier des stations de dessalement de l'eau de mer n'est pas en reste : Casablanca et Sidi Ifni en 2024, Dakhla en 2025, Agadir en 2026... les travaux se poursuivent pour doter le Royaume d'outils pour lutter contre le stress hydrique, outre les 42 stations mobiles de dessalement déjà opérationnelles. A cela s'ajoute également la convention signée avec l'OCP, ayant permis, dès l'entame de 2024, de fournir 100% d'eau potable à la population de Safi et d'El Jadida.
Après le drame d'Al-Haouz...
Dans cette période où le ciel se montre peu généreux, un énième drame est venu compliquer la tâche de l'Exécutif. Le 8 septembre 2023, la terre tremble violemment de long en large du pays, d'Agadir en passant par Marrakech, Casablanca jusqu'à Rabat. Mais c'est la région d'Al-Haouz, épicentre du séisme, qui concentre toute la fureur de cette catastrophe inédite dans l'Histoire du pays de par son amplitude. Très vite, les aides sociales ont été débloquées et octroyées, sous hautes orientations Royales, tandis qu'un chantier titanesque de reconstruction a été entamé par les départements concernés. En parallèle, l'élan de solidarité des Marocains, riches comme pauvres, vient compléter cette vague nationale de compassion. Aujourd'hui, la machine étatique est toujours en marche et les résultats sont saillants : plus de 4.230 logements ont bénéficié des interventions de réhabilitation, plus de 57.590 ménages ont pu toucher un montant de 2.500 DH chacun au titre de l'aide financière mensuelle, et plus de 44.000 ménages un montant de 20.000 DH au titre de la première tranche de l'aide relative à la reconstruction des logements effondrés.
Trois questions à Mohamed Jadri « Le travail qu'a accompli le Maroc depuis les années 2000 est colossal » * A mi-mandat, quel bilan faites-vous de l'action gouvernementale ?
C'est un bilan mitigé. Il y a des points positifs que l'on peut évoquer, comme l'exécution du chantier de la couverture sociale, avec la généralisation de l'AMO et de la couverture sociale. Concernant l'investissement public, il est aujourd'hui colossal. Ceci dit, l'action gouvernementale a connu des problèmes par rapport au pouvoir d'achat qui n'a pas pu être amélioré malgré l'ampleur de la vague inflationniste. En dépit de l'accord social, beaucoup de dossiers stagnent : la réforme des retraites, la réforme du Code du travail, et la mise en œuvre d'une loi pour les syndicats et le droit de grève.
* Comment évaluez-vous la riposte gouvernementale face aux crises ?
Il est vrai que ces deux dernières années, le Maroc a traversé plusieurs crises. Toujours est-il que le travail qu'a accompli le Maroc depuis les années 2000 est colossal. D'une part, à travers la diversification de notre économie, nous avons pu compenser le manque à gagner au niveau du secteur agricole par l'industrie. De l'autre, nous n'avons pas connu de problèmes d'approvisionnement au niveau des marchés locaux, grâce à nos partenaires internationaux. Ces efforts fournis par l'économie marocaine lors des vingt dernières années nous ont donné une résilience, qui nous permet aujourd'hui de surmonter ces crises.
* Le stress hydrique est un défi majeur. Quel regard portez-vous sur sa gestion ?
Il est vrai que le Maroc d'aujourd'hui connaît un stress hydrique sans précédent. Cela étant, grâce aux instructions Royales, nous disposons d'une feuille de route claire et solide, en plus d'une enveloppe de 143 milliards de dirhams. Je pense que le gouvernement a pleinement conscience des enjeux liés à la gestion de l'eau, mais il est naturel que nous ne puissions pas voir les fruits de cette stratégie avant 2026.
3ème année législative : Du pain sur la planche "2024 est l'année de tous les défis", résume sobrement un élu de la majorité. D'après lui, un grand chantier attend le gouvernement pour garantir la paix sociale et relancer la dynamique économique. Ce chantier concerne trois volets interdépendants : la réforme des retraites, la refonte du Code du travail et la réglementation du droit de grève. "Ces trois réformes sont urgentes et cruciales pour le climat des affaires. Le patronat et les syndicats vont veiller au grain", alerte le député. A ce chantier s'ajoutent également deux grandes réformes en perspective : le Code de la famille, dont l'élaboration est en cours, au même titre que celle du Code pénal, deux révisions qui divisent l'opinion publique et attisent la tension jusqu'au Parlement. Si le risque de pénurie d'eau représente une véritable épée de Damoclès, un autre défi attend l'Exécutif : la CAN 2025. Le gouvernement est attendu au tournant pour la mise à niveau de la mobilité et des infrastructures sportives et touristiques lui permettant d'abriter la plus grande compétition africaine.
Etat social : Le gouvernement en marche En dépit des crises ayant jalonné son mi-mandat, le gouvernement est resté attaché à la mise en œuvre de son programme voté au Parlement, fixant ses priorités jusqu'en 2026. A leur tête, la consolidation des bases de l'Etat social, une orientation Royale. Ainsi, l'Exécutif s'est penché sur la mise en œuvre d'une série de projets et programmes sociaux, dont l'aide sociale directe, la protection sociale, le régime d'assurance maladie obligatoire (AMO) ou encore le soutien au logement. Dans ce sens, elles sont plus de 11,5 millions de personnes inscrites désormais au régime "AMO Tadamon". 2,5 millions de familles en situation de vulnérabilité bénéficient désormais d'un soutien financier allant de 500 à 1200 dirhams par mois, tel que prévu par le programme de l'appui social déterminé visant à couvrir 60% des familles marocaines dépourvues de régime de sécurité sociale. La fibre sociale de l'Exécutif est palpable dans la Loi des Finances au titre de l'exercice 2024, tant elle fait la part belle à la consolidation des bases de l'Etat social et la mise en œuvre de l'initiative Royale pour la protection sociale. Cette même fibre était à l'œuvre quand la région d'Al-Haouz a été frappée par un séisme de magnitude 6,9 en septembre dernier. Pour rappel, un programme multidimensionnel a été mis en place pour répondre à l'urgence, tout en soutenant la phase de reconstruction : 120 milliards de dirhams sur cinq ans ont ainsi été mobilisés au profit de 4,2 millions de personnes issues des zones touchées.