Avec une majorité soudée, le gouvernement aborde la nouvelle année législative en se préparant à affronter des défis majeurs dont la reconstruction du Haut-Atlas et la poursuite des réformes sociales. Une équation qui sera au cœur de la rentrée parlementaire. Décryptage. C'est le temps de la reprise. Les députés, qui ont déjà renoué avec les travaux en commission, s'apprêtent à rejoindre officiellement leurs sièges à l'hémicycle avec le coup d'envoi de la troisième année législative de la présente législature. La session d'octobre va commencer après l'inauguration royale. Une tradition ancrée dans les usages constitutionnels en vertu de laquelle le Souverain lance l'année législative en prononçant un discours solennel qui fixe les grandes lignes de la feuille de route de l'action gouvernementale. Alors que l'année précédente était centrée sur l'eau et l'investissement, l'après-séisme sera cette fois-ci au cœur de l'action à la fois du gouvernement et du Parlement.
Comme le séisme a brouillé les cartes de l'Exécutif qui s'est vu contraint de revoir l'ordre de ses priorités, les effets du tremblement de terre et la reconstruction de la région du Haut-Atlas ne manqueront pas d'accaparer une bonne partie de l'agenda parlementaire, surtout lors des débats et des séances plénières. Certes, le programme national de reconstruction est clair, les députés en ont pris acte dès sa finalisation lors d'une séance conjointe organisée exceptionnellement par les deux Chambres. Mais, l'enjeu pour les députés est de montrer qu'ils ont un rôle à jouer en veillant à ce que ce plan soit méticuleusement mis en œuvre. 120 milliards de dirhams, rappelons-le, sont alloués à la réhabilitation et la reconstruction de la région. Une tâche qui incombe à l'Agence de développement du Haut-Atlas dont le projet de décret a d'ores et déjà été examiné au niveau de la Commission des Finances de la première Chambre. Dès leur rentrée, les députés auront du pain sur la planche. Il leur faudra voter, dans les plus brefs délais, le projet de décret afin de doter l'agence des instruments juridiques nécessaires à son action.
PLF 2024 : l'équation qui suscite le débat !
Loin du séisme, dont le Maroc gère efficacement les effets dans la cohésion nationale, l'agenda parlementaire s'annonce chargé. Les regards se tournent désormais vers le projet de Loi des Finances qui se concocte toujours dans le Département de Nadia Fettah Alaoui. Bien que les grandes lignes soient connues du grand public et définies dans la note de cadrage du Chef du gouvernement, il y a de quoi aiguiser les discussions à l'hémicycle. L'Exécutif, rappelons-le, a le souci de poursuivre le redressement du budget en limitant le déficit alors qu'il se voit obligé de consentir davantage d'efforts pour réduire l'inflation, source de toutes les critiques de l'opposition, sachant que l'objectif de 2% est encore loin de portée. La hausse des prix demeure un véritable souci.
Pour cette raison, l'Exécutif est très attendu sur l'ingénierie même du futur budget de l'Etat. Plusieurs experts prévoient que le gouvernement devrait faire preuve de plus d'anticipation afin éviter de reproduire ce qui s'est passé l'an dernier où il a dû puiser dans les crédits additionnels pour combler le manque généré par les dépenses imprévues liées à la compensation, la sécheresse et aux différents plans d'urgence.
En parallèle, s'il y a une réforme qui ne passera pas inaperçue, c'est évidemment celle de la Caisse de Compensation, un sujet hyper sensible. Le gouvernement prévoyait depuis longtemps de passer vers le système des aides directes dès 2024, mais le séisme a tellement contrarié les plans gouvernementaux qu'il serait probable que cette réforme épineuse soit reportée, surtout après les insinuations du gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri. À l'issue du dernier Conseil de BAM, celui dont la voix est sérieusement écoutée au sein de l'Exécutif, a jugé normal que cette réforme soit repoussée le temps de surmonter les effets du séisme.
Protection sociale : le temps de l'introspection ?
Si les aides directes peuvent être différées, il n'en est pas de même pour le Registre Social Unifié, indispensable pour poursuivre le chantier de généralisation de la protection sociale. Sur ce point, il est temps de faire un premier bilan d'étape sur ce projet national deux ans après le début de l'élargissement de l'AMO, juge Allal Amraoui, député du Parti de l'Istiqlal, qui estime qu'il s'agit d'une nécessité pour voir s'il faut faire des ajustements le cas échéant. En évoquant ce sujet, l'Istiqlalien insiste aussi sur la réforme de la Santé qui, selon lui, doit rester au cœur de l'agenda législatif même si les lois fondamentales, dont la loi-cadre et celle sur la Haute autorité de Santé, ont été votées. "Il faut que les textes d'application voient le jour pour accélérer la cadence", plaide le député, connu pour sa maîtrise des sujets médicaux.
Au sein de la première Chambre, les dossiers s'entassent dans les tiroirs des Commissions. En tête des réformes se trouve celle du Code pénal censée être présentée dès cette année à l'examen législatif, sachant que les députés ont déjà examiné la loi relative aux peines alternatives. Toujours sur le volet sociétal, le Parlement se voit aussi appelé à voter la réforme du Code de la famille dont SM le Roi a confié la tâche à une commission spéciale qui a six mois pour présenter sa copie.
Programme gouvernemental : la boussole
Par ailleurs, la session d'octobre correspond au début de la troisième année législative du mandat du gouvernement d'Aziz Akhannouch. Conforté par l'une des plus larges majorités que le Maroc ait connues depuis des années, le gouvernement peut compter sur l'appui des trois partis de l'alliance qui restent soudés malgré les contretemps et les défis qui surgissent de temps à autre. Le gouvernement aborde la nouvelle année l'esprit tranquille, mais se voit contraint d'accélérer la cadence des réformes pour parvenir à respecter les engagements de son programme. Du côté de la majorité, l'optimisme et la sérénité sont de mise. L'Exécutif est sur le bon chemin, estime Allal Amraoui qui nous livre sa lecture de la rentrée parlementaire. (Voir trois questions).
Trois questions à Allal Amraoui "Il faut en premier un bilan d'étape de la généralisation de la Protection sociale" À votre avis, cette rentrée parlementaire se distingue-t-elle particulièrement de celles des années précédentes ?
Il est évident que la rentrée actuelle sera marquée par la gestion des effets dévastateurs du séisme qui ne manquera pas d'accaparer une partie importante de l'agenda législatif. Le Parlement a pour mission d'accompagner le gouvernement dans l'exécution du programme de reconstruction, sans oublier le contrôle qui, je le rappelle, est sa fonction principale. J'estime qu'aussi bien le gouvernement que les députés doivent inscrire ce programme au sommet de leurs priorités.
Quelles sont les réformes que vous jugez prioritaires cette année ?
Le prochain projet de Loi des Finances doit être l'occasion de poursuivre les réformes sociales, notamment la généralisation de la couverture sociale. Là, j'insiste sur le fait qu'il est temps de faire un bilan d'étape pour voir où l'on est, un an après son application, et rectifier les imperfections le cas échéant. Cela est d'autant plus important qu'il faut avoir une meilleure visibilité avant l'entrée en vigueur du Registre Social Unifié, sachant qu'il faut veiller à la réussite du passage du RAMED vers l'AMO. D'où la nécessité de scruter les nouveaux critères d'éligibilité et leur adéquation à la réalité du terrain. Il en est de même pour le panier de soins. Pour ce qui est de la réforme de la Santé, le temps est venu pour que les textes d'application de la loi-cadre, et des lois qui en découlent, voient le jour pour passer à la vitesse supérieure. J'ajoute que la réforme de la Justice s'impose aujourd'hui comme un des thèmes majeurs de l'agenda législatif. Nous avons l'occasion, cette année, d'achever le chantier de révision du Code pénal et de la procédure civile comme celui de l'organisation judiciaire qui dure depuis des années. S'agissant de la Moudawana, le cap est clair puisqu'il y a une commission qui travaille actuellement. En tant que députés, il nous incombe de voter le texte le plus vite possible une fois finalisé et de contribuer au débat de façon constructive et responsable.
Cela fait presque deux ans que le gouvernement est aux manettes, pensez-vous que les réalisations sont en phase avec le programme en vertu duquel il a obtenu la confiance du Parlement ?
Il est clair que le gouvernement est attaché à son programme même si les défis se multiplient et sont parfois tellement difficiles qu'ils compliquent parfois la tâche à l'Exécutif. Les réalisations sont importantes tout comme les aspirations des citoyens. Le gouvernement est appelé à accélérer la cadence des réformes.
Dialogue social : Les lois tant attendues Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement s'est dit déterminé à reprendre le dialogue avec les syndicats au point de l'institutionnaliser afin de tourner la page de la crise de confiance qui a prévalu lors du mandat de l'époque de Saâd-Eddine El Othmani. L'Exécutif y est parvenu en tenant les deux rounds du dialogue social chaque année. Ses efforts ont été couronnés par l'accord social du 30 avril. Toutefois, même si la question du SMIG a été réglée, le dialogue social n'a pas encore donné les effets escomptés sur le plan législatif dans la mesure où l'Exécutif et les partenaires sociaux peinent à se mettre d'accord sur les lois relatives à l'exercice du droit de grève et l'organisation des syndicats. L'année législative en cours devrait être une nouvelle occasion pour trancher ce dossier hérité du gouvernement précédent. Concernant la loi sur le droit de grève, la solution devrait être trouvée au sein du Parlement puisque le texte adopté et transmis à l'hémicycle dès 2016 devrait être ajusté en fonction du futur accord entre les parties prenantes. Majorité : Le trio gouvernemental resserre ses rangs avant le retour au front A quelques jours de la reprise des travaux du Parlement, la Majorité a jugé opportun de se montrer solide et soudée en restant fidèle à la concertation permanente comme le veut sa charte fondatrice. Les trois partis de l'alliance (Istiqlal, RNI, PAM) affichent des signaux positifs sur l'ambiance qui règne au sein de la Majorité. La réunion tenue le 21 septembre, en présence des leaders des trois formations, Aziz Akhannouch, Nizar Baraka et Abdellatif Ouahbi, a débouché sur le renouvellement du pacte d'alliance au moment où les rumeurs ont commencé de fuser de toutes parts sur d'éventuelles divergences internes. Des rumeurs démenties finalement par cette réunion.
"Comme dans toute alliance politique, il existe des hauts et des bas", explique Allal Amraoui, qui juge cela normal. Mais, poursuit-il, "il est incontestable que l'esprit de la responsabilité et la conscience de l'importance de la charge prévalent au sein de la majorité". Aux yeux du député, "les trois partis alliés ont fait preuve d'harmonie et de solidarité et l'ont manifesté à maintes reprises, même dans les pires circonstances".
Tandis que la majorité mobilise ses forces, le flou semble régner dans les rangs de l'opposition après la dernière sortie de l'Union Socialiste des Forces Populaires qui a implicitement fait part de sa volonté de rejoindre l'alliance gouvernementale. Le communiqué du parti de gauche a laissé entendre qu'il serait prêt à rejoindre l'alliance gouvernementale au cas où il y serait invité. Bien que cet aveu du parti de Driss Lachgar ait fait couler beaucoup d'encre dans la presse, il n'a suscité aucune réaction officielle de la part du trio gouvernemental.