Les parlementaires retrouvent leurs sièges à l'Hémicycle à l'ouverture de la session d'avril. Inflation, contrôle du gouvernement, les élus sont appelés à se hisser à la hauteur des défis que pose une conjoncture ultra-sensible. Détails. Après le repos hivernal, les députés et les Conseillers retrouvent l'ambiance de l'hémicycle, suite à la reprise de l'activité parlementaire. La Chambre des Représentants tient ce vendredi une séance plénière consacrée à l'ouverture de la session d'avril. La troisième session de la onzième législature. Selon l'article 65 de la Constitution, le coup d'envoi de la session du printemps, comme préfèrent la désigner les observateurs, coïncide avec le deuxième vendredi du mois d'avril. Un contexte mouvementé ! Les parlementaires reprennent leur activité dans une conjoncture sensible. Il suffit de voir le climat dans lequel se déroule la rentrée pour s'en rendre compte. Mardi, à quelques jours de cette rentrée, une polémique a éclaté lorsque les membres de la Commission des Secteurs sociaux ont eu du mal à se mettre d'accord sur la programmation du vote de la loi relative aux élections des Conseils régionaux des Pharmaciens du Nord et du Sud. Des médias ont aussitôt déduit que la loi a été rejetée laissant entendre qu'il y a eu des divergences au seinde la majorité, dont certains auraient rejeté cette loi contre la volonté de l'Exécutif. Ce qui s'est révélé finalement inexact puisqu'il s'agit, en réalité, d'un report plutôt que d'un rejet. La loi n'a pas été programmée dans les délais fixés par la Constitution qui permet qu'une loi soit examinée par les Commissions compétentes dans l'intervalle des sessions, pourvu qu'elle soit programmée dans un délai de six jours. « Le projet de décret-loi est déposé sur le bureau de la Chambre des Représentants. Il est examiné successivement par les commissions concernées des deux Chambres en vue de parvenir à une décision commune dans un délai de six jours. A défaut, la décision est prise par la commission concernée de la Chambre des Représentants », stipule l'article 81. Les polémiques se sont accumulées après le vacarme suscité par l'affaire de la vente du gasoil russe. L'opposition a fait part de la volonté de constituer une mission exploratoire pour enquêter sur la vente du gasoil en provenance de Russie sur le marché national. Une initiative désapprouvée publiquement par quelques députés qui soupçonnent l'opposition de velléités politiciennes et d'une volonté de récupération politique. Contrôle du gouvernement : le défi des députés C'est dans ce climat d'escarmouches silencieuses que le Parlement rouvre ses portes. La conjoncture actuelle est telle que l'action législative est appelée à se hisser à la hauteur des défis auxquels notre pays est confronté. Inflation, sécheresse, soubresauts économiques, les crises s'accumulent, dont l'Exécutif tente de minimiser les dégâts. Dans un tel tourbillon, le Parlement est appelé à jouer pleinement son rôle en tant que force de proposition et de police de l'action gouvernementale. Or, jusqu'à présent, on reproche aux députés de manquer d'initiative en matière d'enquête. 5 missions ont été créées seulement. « La session d'avril est l'occasion de reprendre la vitesse de croisière », plaide Allal Amraoui, député du Parti de l'Istiqlal. Toujours en matière d'évaluation, le Parlement s'apprête à examiner le rapport de la Cour des Comptes qui a souligné plusieurs carences dans les politiques publiques à tous les niveaux. Encore faut-il que les remarques de la Cour et ses recommandations soient prises en compte et ne soient plus lettre morte. En sus, les députés devraient également trancher le débat sur la convocation du Wali de Bank Al-Maghrib pour s'expliquer sur les relèvements successifs des taux directeurs. Aussi, les députés sont-ils appelés à faire preuve de plus de volontarisme en matière de propositions de lois. Une question débattue lors de la dernière réunion du Bureau de la première Chambre qui a examiné comment améliorer la qualité des propositions de lois de telle sorte qu'elles soient approuvées par le gouvernement. Force est de constater que 56 législations ont été proposées pendant l'année législative courante contre 170 l'année précédente. Un agenda chargé, des réformes décisives ! Par ailleurs, les députés devraient avoir un agenda chargé, tant les réformes et les projets de loi qui s'entassent dans les commissions sont nombreux. Il y en a ceux à caractère urgent tels que les textes relatifs à la réforme de la Santé. Deux textes sont prêts, à savoir les projets de loi n°10.22 et n°07.22 relatifs à l'Agence marocaine des Médicaments et à la Haute autorité de la Santé. Ceci est insuffisant aux yeux de M. Amraoui qui juge « vital » de voter toutes les lois qui ont trait à la réforme de la Santé avant la fin de la session printanière parce que, pense-t-il, on est en retard. La Fonction publique de la Santé figure parmi les textes très attendus. « Il faut accélérer la réforme de la Santé, on ne peut pas se permettre de prendre du retard », plaide le député istiqlalien, ajoutant qu'il est désormais « nécessaire de voter toutes les lois relatives à la réforme pour passer à la vitesse supérieure d'autant que l'AMO est maintenant généralisée et entraînera une forte demande sur le système hospitalier, et une forte pression sur l'équilibre des caisses ». « Plus le chantier prend du retard, plus c'est dangereux. A titre d'exemple, nous n'avons pas encore généralisé le système d'information intégrée », a-t-il poursuivi. Code pénal, Moudouwana : le débat se fait attendre ! Loin de la Santé, le gouvernement est très attendu sur l'une des réformes les plus marquantes du quinquennat. Il s'agit de la réforme du Code pénal que le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, continue de peaufiner. A cette heure, rien n'indique si sa copie sera bientôt finalisée. La finalisation de la réforme demeure tributaire de la capacité de l'Exécutif à trancher la question des peines alternatives qui, rappelons-le, oppose le ministère de tutelle au Secrétariat Général du Gouvernement. Le ministère préfère réserver une Loi indépendante tandis que le SGG juge nécessaire de fourrer les peines alternatives dans le texte du Code pénal. L'arbitrage s'impose. En parallèle, la réforme de la Moudouwana suscite également l'attention de l'opinion bien que le débat ne soit pas lancé sur le plan politique. Il est temps, aux yeux de plusieurs députés, de commencer dès maintenant afin de prendre assez de temps pour bâtir un consensus national surce chantier qui vise à revoir le code de la famille jugé obsolète. Retraites Une réforme trop sensible pour être abordée maintenant ? Alarmé par le risque de faillite qui plane sur les Caisses de retraite, le gouvernement a lancé, dès octobre 2022, des consultations avec les partenaires sociaux, dont les syndicats, sur la réforme qu'il compte mener d'ici le mois de mai. Une réforme jugée sensible et politiquement coûteuse pour l'Exécutif qui compte relever l'âge de départ à la retraite à 65 ans et augmenter les cotisations dans le cadre d'un régime à deux pôles (public et privé). Jusqu'à présent, les discussions tournent en rond parce que les centrales syndicales ne sont pas convaincues du diagnostic du gouvernement et son plan initial. Par conséquent, il serait probable que la réforme prenne plus de temps que prévu sachant que la ministre de l'Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, s'est fixé comme objectif de parvenir à une feuille de route en mai 2023. Comme la réforme est impopulaire et faute de consensus avec les syndicats, il vaut mieux ne pas l'aborder ultérieurement, estime Allal Amraoui, qui ne voit aucun mal à ce que la réforme soit différée. Ce que revendique aussi le patron de l'Union générale des travailleurs du Maroc, Ennaam Mayara, qui a demandé au Chef du gouvernement de reporter l'examen de la réforme après la fin de 2023. « Je crois que la réforme est nécessaire vu que les caisses sont menacées de faillite. Mais, il faut traiter ce dossier avec une vision globale en apportant des solutions aux questions épineuses comme la pénibilité de travail, la revalorisation des pensions, et le regroupement des caisses », explique le député, soulignant qu' « il est inopportun d'en décider maintenant ». « Il faudra continuer le dialogue et la réflexion avec les partenaires sociaux, et il y a des dossiers plus prioritaires », a-t-il conclu. Nouveau règlement intérieur La lutte contre l'absentéisme se poursuit ! Avant de clôturer les travaux de la session d'octobre, les députés ont voté le nouveau règlement intérieur, modifié suite à une proposition de loi. En révisant le Code intérieur, les députés se sont penchés sur la question de l'absentéisme des parlementaires. Un phénomène aussi ancien que le Parlement. La loi a été durcie en menaçant de déchéance tout député qui s'absente pendant une année sans justification valable juridiquement. Selon Allal Amraoui, une autre mesure s'impose. Il va sans dire, pense-t-il, qu'il est temps que la liste de présence des députés soit rendue publique sur le site officiel du Parlement pour que les citoyens soient informés. C'est aux électeurs de sanctionner par le vote. « Les prélèvements ne suffisent pas pour dissuader les parlementaires de s'absenter », affirme notre interlocuteur. Trois questions à Allal Amraoui
« Il est temps que le contrôle parlementaire reprenne sa vitesse de croisière » -Allal Amraoui, député du Parti de l'Istiqlal à la Chambre des Représentants, a répondu à nos questions. -Le Parlement reprend ses activités dans un contexte difficile. Quelle doit être la priorité de l'agenda législatif ? - La rentrée parlementaire aura lieu dans une conjoncture particulièrement difficile avec la conjonction périlleuse de la sécheresse qui devient structurelle et l'inflation qui perdure. Par conséquent, le Parlement est appelé à se hisser à la hauteur du défi et jouer pleinement son rôle de contrôle du gouvernement pour accompagner l'Exécutif avec une force de proposition. Il est clair qu'il faut plaider en priorité pour le pouvoir d'achat dans une conjoncture aussi sensible. La majorité et l'opposition doivent, me semble-t-il, partager la même préoccupation. Les parlementaires ont leur mot à dire et peuvent contribuer à amender les politiques publiques loin des considérations politiciennes. Vu la crise que nous traversons, le gouvernement est appelé à trouver des solutions pour booster la croissance et accélérer le rythme de la création d'emplois. - En matière de contrôle, le Parlement demeure timide vu qu'il n'y a que peu de commissions d'enquête ou de missions exploratoires. Le Parlement est-il timide à votre avis ? - Comme vous le savez, la première année de la législature est une année d'installation des organes de l'institution parlementaire, et de la familiarisation avec le travail parlementaire, la dernière année est une année électorale, c'est donc maintenant que le contrôle parlementaire doit atteindre sa vitesse de croisière, et c'est le moment d'agir. - On reproche au gouvernement de communiquer laconiquement avec l'opinion publique dans cette période de crise. Vous-en convenez ? - En toute honnêteté, le gouvernement gagnerait à améliorer sa communication. Il est clair qu'il y a un manque, raison pour laquelle il y a eu des critiques. Idem pour les partis et les responsables politiques de tous bords qui ont le devoir de contribuer à rétablir les canaux de communication avec l'opinion publique dans cette période difficile. C'est d'autant plus vital qu'on ressent une sorte de révulsion vis-à-vis de la politique. C'est une réalité. Propos recueillis par A. M.