Dans cet entretien, Aziz Chahir, enseignant et chercheur à la Faculté de Droit de Casablanca, déplore le rôle de plus en plus passif des instances législatives. w Finances News Hebdo : Le problème de l'absentéisme touche maintenant, non seulement les parlementaires, mais aussi certains membres du gouvernement. Est-ce qu'il y a des solutions pratiques pour remédier à cela? w Aziz Chahir : Le phénomène de l'absentéisme de parlementaires et de membres du gouvernement, en particulier, atteste manifestement d'un manque d'engagement de la part de la classe politique à s'acquitter convenablement de ses responsabilités représentatives. Pour ce qui concerne les parlementaires, la loi autorise le président de l'Hémicycle à prendre des sanctions financières contre les représentants qui s'absentent sans aucun motif. Dans le cas des membres du gouvernement, il n'existe en revanche aucune disposition juridique qui sanctionne les absentéistes. Sachant que même sil y avait une loi, il aurait été extrêmement difficile de l'appliquer aux membres du gouvernement. À mon avis, la solution pour endiguer l'absentéisme passe, essentiellement, par l'assimilation par la classe politique d'une culture de participation citoyenne à la direction de la chose publique. Les membres du gouvernement qui s'absentent sans aucun motif aux sessions et réunions du Parlement, ne sont donc pas dignes d'être aux commandes de l'Exécutif. w F. N. H. : D'une manière globale, comment évaluez-vous le rendement des deux Chambres durant cette session d'automne ? w A.C. : Je crois que le bilan des deux Chambres durant la session d'automne semble plutôt mitigé, à l'image d'ailleurs du rendement du Parlement durant la 8ème législature. En ce qui concerne la production législative, l'on remarque une régression des propositions de loi faites par les parlementaires par rapport à une augmentation du nombre de projets de loi présentés par le gouvernement. En matière de contrôle de l'action gouvernementale, on note une baisse considérable du nombre des questions posées au gouvernement même s'il faut reconnaître que, sur ce registre, la Chambre des députés s'est montrée plus active que celle des conseillers. Malgré cela, le gouvernement est parvenu à faire passer une trentaine de projets de loi dont certains n'ont pas fait l'objet d'un débat approfondi au sein du parlement. À part le projet de loi sur les partis politiques et celui sur le code de la route, qui avaient suscité un intérêt particulier de la part des parlementaires, la plupart des lois ont été votées sans grande difficulté. Ce qui atteste, justement, d'une démission de la part d'une grande partie des députés qui désertent l'Hémicycle et faillissent ainsi à leur responsabilité de contrôler le gouvernement. En témoigne notamment l'adoption de la Loi de Finances 2009 par seulement une soixantaine de voix et l'absentéisme de quelque 232 députés. Avec un fort taux d'absentéisme des représentants du peuple, on imagine mal comment le pouvoir législatif pourrait exercer un contrôle sur l'action de l'exécutif qui domine le régime parlementaire. Enfin, il serait utile de souligner l'effacement du rôle des commissions d'enquête composées de parlementaires. w F. N. H. : Enfin, est-ce que les Parlementaires disposent d'outils constitutionnels pour obliger le gouvernement à répondre aux questions écrites, et parfois orales, omises volontairement par l'Exécutif ? w A.C. : Le contrôle parlementaire suppose, tout d'abord, l'engagement personnel des représentants du peuple à rompre avec l'absentéisme avant qu'ils demandent au gouvernement de rendre des comptes. Lorsque l'on apprend que la Loi de Finances 2009 a été adoptée par seulement une soixantaine de députés, on est en droit de s'interroger sur l'efficience législative dans un État qui aspire à mettre sur pied un système démocratique. Cela posé, il n'existe aucune disposition juridique qui permettrait aux parlementaires d'obliger les membres du gouvernement à répondre aux questions. L'article 56 de la Constitution oblige seulement le gouvernement à intervenir pour répondre dans les vingt jours suivant la date à laquelle il a été saisi de la question. Un nombre élevé de questions orales et écrites est resté sans réponse au cours de la dernière législature.