Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) joint sa voix à celle de la société civile et appelle à considérer les tests ADN comme preuve valide de paternité et non seulement de parentalité en vue de préserver les droits des enfants nés hors mariage. Détails. Au moment où la Commission chargée de la réforme de la Moudawana s'emploie à livrer la nouvelle mouture du Code de la famille, les recommandations concernant ce nouveau texte, tant espéré, continuent de couler. L'idée, derrière cette réforme ordonnée par le Souverain, est de combler les carences dont témoigne l'application de la loi actuelle, considérée comme un tournant historique pour les Droits des femmes d'il y a 20 ans, mais dont les limites sont désormais de notoriété publique. Le dernier à formuler des propositions, à ce sujet, est le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Saisi par la Chambre des Représentants, le Conseil a élaboré un avis spécial sur deux axes majeurs de la Moudawana, à savoir : la question de la filiation parentale et la problématique du mariage des mineurs ainsi que son impact sur la situation socio-économique des filles. Il s'agit là de deux sujets des plus importants, vu les failles existantes dans le texte de loi en vigueur et qui ne cessent de susciter des polémiques.
L'ADN pour prouver la filiation
Dans ce sens, le Conseil appelle à faire valoir le droit suprême de l'enfant. Pour ce faire, il est nécessaire de reconnaître, explicitement, dans le nouveau Code de la famille, l'ADN comme élément scientifique de preuve de paternité, auquel le juge doit faire recours pour prouver la filiation paternelle de l'enfant dans le cas où le père supposé ne le reconnaît pas, et ce, afin de garantir l'accès des enfants à tous leurs droits sans aucune discrimination ni distinction. Cette mesure, qui reste absente dans la Moudawana actuelle, est destinée à protéger le droit de la filiation de l'enfant indépendamment du statut matrimonial de ses parents. Jusque-là, rien n'oblige le père biologique présumé à passer un test ADN pour prouver le lien de paternité avec son enfant, et il n'a aucune obligation à l'égard des enfants issus de ces unions illégitimes. De plus, conformément au texte en vigueur, le tribunal reconnaît la filiation parentale (bounouwa), c'est-à-dire le lien biologique, mais pas la filiation paternelle (nasab). Celle qui permet à l'enfant, né hors mariage, de bénéficier des mêmes droits que celui né dans le cadre du mariage, d'être inscrit à l'état civil et de bénéficier de l'héritage et encore de la pension alimentaire.
Non au mariage des mineurs
L'Article 20 de la Moudawana, qui accorde, de façon exceptionnelle et dans des cas spécifiques, le droit aux juges des affaires familiales d'autoriser les épousailles de mineur(e)s n'ayant pas encore atteint l'âge de la capacité fixé à 18 ans, continue de faire couler beaucoup d'encre. Joignant sa voix à celle de la société civile et des professionnels des tribunaux, l'instance dirigée par Ahmed Reda Chami est pour l'interdiction pure et simple du mariage des mineurs, considéré comme violation du Droit de l'enfant. Pour ce faire, il est question de supprimer les dispositions des Articles 20, 21 et 22 du Code de la famille qui laissent à la discrétion du juge «la faculté de réduire cet âge dans les cas justifiés ». Au vu de ses répercussions néfastes sur l'enfant, d'une part, et sur le développement, d'une autre part, le Conseil appelle à criminaliser le mariage de mineurs de moins de 18 ans, en l'intégrant dans les dispositions de la loi n° 27.14, relative à la lutte contre la traite des êtres humains, en vue de favoriser une lutte efficace contre ce phénomène qui prend des proportions de plus en plus inquiétantes. Outre cela, il est recommandé de renforcer les systèmes de protection et d'assistance sociale, en apportant un soutien financier aux familles pauvres, notamment à celles ayant des enfants en âge de scolarisation, étant donné que le mariage des mineurs est dû généralement aux conditions difficiles de la famille. Toujours dans le cadre de la protection de l'enfance, le Conseil préconise de prévoir dans le nouveau Code de la famille une disposition légale relative au principe de l'intérêt suprême de l'enfant, de définir ce principe et de déterminer les modalités de son application, conformément aux directives du Comité des droits de l'enfant, « de manière qui permet d'assurer la sécurité physique, psychologique, morale et spirituelle de l'enfant et de valoriser sa dignité humaine ».