Les services secrets algériens touchent le fond. Après les échecs multiples de la Direction Générale de la Documentation et de la Sécurité Extérieure, c'est au tour de la Direction Générale du Renseignement Technique (DGRT) d'étaler au grand jour ses scandales. A commencer par l'incarcération de son patron, le général Smaïn Afadjène, à la prison militaire de Blida. En charge de la surveillance des communications téléphoniques, ce qu'on appelle communément les écoutes, et des transmissions, la Direction Générale du Renseignement Technique (DGRT), qui est une branche sensible des services secrets algériens, est livrée à une nouvelle race d'officiers. Jeunes et moins jeunes. De l'officier subalterne au général. Tout le monde fait du business avec les écoutes. Il suffit de connaître un officier exerçant au sein de cette structure ou l'un de ses proches pour servir d'intermédiaire et vous pouvez écouter qui vous voulez. Evidemment, moyennant une bonne liasse de billets de banques. Pour 20.000 Dinars l'équivalent de 90 euros) vous pouvez mettre sous écoute votre épouse ou votre maîtresse ou un adversaire que vous cherchez à compromettre. Evidemment, 20.000 DA c'est le minimum pour un service minimum. Généralement, une seule écoute. Il y a ceux qui paient de grosses fortunes pour un service VIP. C'est incroyable ! Mais, telle est la triste réalité. Cette pratique est un secret de polichinelle tellement elle est répandue dans un service qui a totalement dévié de ses missions. Le personnel exerçant au niveau de cette direction n'a aucun moyen d'arrondir les fins du mois comme c'est le cas de leurs collègues des autres services. Aucune possibilité d'intervenir auprès des autorités locales ou d'un ministre au profit d'un proche, moyennant finance. On fait, alors, avec les moyens de bord. Les écoutes téléphoniques. Elles permettent d'avoir une emprise sur ses adversaires. De faire du chantage à des hommes d'affaires. C'est un véritable investissement pour beaucoup de véreux qui se sont fait fortune grâce aux écoutes téléphoniques Comment en est-on arrivé là ? Directeur Régional du Renseignement Technique à la 5ème région Militaire à Constantine, alors qu'il était colonel, Smaïn Afadjène est promu à la tête de la DGRT au mois d'avril 2019. Il sera épargné par la purge qui a touché, pratiquement, tous les anciens proches du général Ahmed Gaïd Salah depuis la disparition de ce dernier en décembre 2019. Promu général, il se place sous l'aile du nouveau patron de l'armée, le général Saïd Chengriha. Il ne pouvait espérer meilleure protection pour agir comme seul maître à bord au centre des écoutes de Reghaïa. Dans la banlieue Est d'Alger. Il met sous écoutes des cibles qui n'ont rien à voir avec ses prérogatives ni avec ses missions. Les éléments chargés d'effectuer les écoutes et de transcrire les PV d'écoutes remarquent le manège de leur patron et se mettent à leur tour à user et abuser des écoutes comme décrit précédemment. En septembre 2023, soupçonné de connivences avec l'un des conseillers du président de la République, Boualem Boualem qui a déjà à dirigé un service analogue pour le compte de Saïd Bouteflika, le conseiller et frère cadet du président défunt Abdelaziz Bouteflika, le général Smaïn Afadjène est limogé et radié des effectifs de l'armée. Son départ a délié les langues de ses anciens collaborateurs à la DGRT. Du coup, la Direction Central de la Sécurité de l'Armée (DCSA) ouvre une enquête et ne tarde pas à l'arrêter. Au cours de son arrestation, une perquisition est effectuée à son domicile. On découvre, alors, le pot aux roses. Des supports d'écoutes téléphoniques d'officiers généraux de haut rang. Des écoutes hors de tout cadre légal. Ainsi est pris celui qui croyait prendre. Il est envoyé à la prison militaire rejoindre ses nombreux pairs. Mais, le scandale continue de faire des vagues au sein des services secrets algériens minés par la corruption. Ce qui est tout à fait logique dans un régime qui a érigé la corruption en système de gouvernance.