Dans cet entretien, le Professeur de Sciences politiques à l'Université Hassan II de Casablanca, Driss Kassouri, nous livre son point de vue sur le conflit qui paralyse le secteur de l'enseignement et le bout du tunnel des négociations. * L'accord signé dimanche 10 décembre entre le gouvernement et les syndicats les plus représentatifs du secteur de l'enseignement porte principalement sur une hausse nette du salaire mensuelle de 1.500 DH à tous les enseignants. Quelle est votre analyse à ce sujet ?
La question ne peut pas être résumée en ce point d'augmentation des salaires. L'accord du 10 décembre est faible dans son ensemble. C'est parce qu'il a exclu plusieurs dossiers catégoriels, d'autant plus qu'il n'a pas traité les revendications des enseignants selon leur ordre établi.
Les voix s'élèvent d'abord contre le Statut Unifié, ensuite pour la résolution de tous les dossiers catégoriels du secteur, sujets de débats depuis plusieurs années, pour la restitution des retenues sur salaire à la suite des grèves, et la concrétisation des anciens accords dans le secteur, à savoir : ceux du 19 avril 2011, du 26 avril 2011, du 23 avril 2022, du 13 avril 2016, et du 18 janvier 2022.
Vient en dernier lieu l'augmentation des salaires qui doit prendre en compte l'inflation, la hausse des prix, la conjoncture actuelle... Or, l'accord du 10 décembre n'a répondu qu'à certains points, a donné la priorité au personnel administratif et a laissé pour compte le personnel éducatif.
Cet accord n'est pas homogène et ne répond pas aux attentes et aux ambitions des enseignants. Ceci dit, le montant de l'augmentation des salaires n'est pas le point de discorde. Les Coordinations n'ont jamais lié la résolution de leur dossier aux augmentations uniquement, mais principalement au retrait du Statut Unifié, « tragique » selon eux, et à sa révision.
* Le 14 décembre, la Fédération Nationale de l'Enseignement et les Coordinations des enseignants se sont réunies avec la Commission tripartite constituée par le Chef du gouvernement et ont présenté leurs revendications. La nouvelle offre répond-elle plus aux attentes ?
Oui, c'est une offre plus homogène car elle répond aux attentes des enseignants, selon l'ordre préétabli. En effet, il est question dans cet accord de retirer d'abord le Statut Unifié, de régler la question des contractuels, de résoudre les problèmes de toutes les catégories et les discuter, de passer en revue les retenues sur salaire. Le gouvernement ne peut pas aller au-delà de 1500 dhs mais peut s'arranger avec les catégories les plus défavorisées.
Le gouvernement a formulé plusieurs engagements à tenir. Les plus significatifs incluent le retrait du statut controversé et d'annuler les sanctions financières à l'égard des grévistes. Si ces propositions sont retenues et suivies par la signature d'un procès-verbal des accords de réunion, le conflit serait réglé au bout de 15 jours maximum.
* Au vu des négociations marathon tenues depuis des mois, pensez-vous que le gouvernement, les syndicats de l'enseignement, les Coordinations et la FNE peuvent s'accorder sur une solution appropriée ?
Oui, si la volonté des négociations et des débats s'y trouve. Il y a toujours des solutions et des opportunités d'accord. Cela commence par des assises de négociations avec toutes les parties prenantes, sans exclusion.
* En attendant, une année blanche est-elle envisageable face à cette situation ?
Une année blanche n'est au profit ni du gouvernement, ni des parents d'élèves qui ont déboursé des sommes d'argent importantes. Elle l'est encore moins pour les élèves. D'ailleurs, cela entache l'image du pays. La raison pour laquelle un effort colossal doit être fourni par tout le monde avec courage, sagesse et patience pour éviter une année blanche. L'intérêt du Maroc et des Marocains doit être placé au-dessus de toute autre considération.
Réforme du nouveau Statut Unifié : La Commission ministérielle se réunit avec la FNE Une réunion de la Commission ministérielle tripartite, présidée par le ministre de l'Education Nationale, du Préscolaire et des Sports, Chakib Benmoussa, s'est tenue vendredi à Rabat, avec le secrétaire général et des représentants de la Fédération Nationale de l'Education (FNE) - Orientation démocratique, en présence du ministre de l'Inclusion Economique, de la Petite Entreprise, de l'Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, ainsi que le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa. Cette rencontre intervient dans le cadre du dialogue social sectoriel, et de la poursuite des discussions en vue d'amender le nouveau Statut. Elle a également été l'occasion de soulever nombre de dossiers revendicatifs présentés par la FNE, indique un communiqué du ministère de l'Education nationale. Au cours de cette entrevue, il a été convenu que la FNE se joigne au dialogue sectoriel sur l'élaboration d'un décret pour un nouveau statut des fonctionnaires de l'Education nationale, qui remplace le décret n° 2.23.819 publié le 20 Rabi' alAwwal 1445 correspondant au 6 octobre 2023, ajoute la même source. Il a également été question de discuter des autres revendications en vue de leur trouver des solutions appropriées, et de tenir des séances de dialogue, depuis vendredi 22 décembre et dans les prochains jours, afin de parvenir à un accord. Dans un communiqué, à l'issue de cette réunion, la FNE a appelé les femmes et les hommes de l'Education à suspendre toute forme de protestation, à partir d'aujourd'hui (le jour où s'est tenue ladite rencontre), et à retourner dans les établissements d'enseignement pour la reprise des cours.