L'organisation de la Coupe du Monde 2030 promet un essor socio-économique majeur pour le Maroc. Investissements, opportunités d'emploi, mobilité durable, croissance touristique... les perspectives prêtent à l'optimisme. Le suspense aura été de courte durée. Le 4 octobre, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a annoncé officiellement que le Comité exécutif de la FIFA avait retenu à l'unanimité le dossier Maroc-Espagne-Portugal comme candidature unique pour l'organisation de la Coupe du Monde 2030 de football. Hormis les trois premiers matchs qui auront lieu en Uruguay, en Argentine et au Paraguay, les trois pays organisateurs se partageront l'accueil des 101 rencontres restantes. Une nouvelle accueillie à bras grands ouverts par le peuple marocain qui aspire depuis trois décennies à décrocher ce précieux sésame. Les opérateurs économiques et même les petits commerçants se réjouissent de cette heureuse annonce, synonyme d'un dynamisme économique sans précédent dans tout le pays et à tous les niveaux. Pour les sept années à venir, le Maroc mobilisera ainsi d'importants moyens financiers pour se préparer à cet événement d'envergure. Le détail du projet d'organisation sera présenté dans les semaines à venir, sachant que, selon une étude préliminaire de la société Sogécapital Gestion, l'Etat devrait débourser entre 50 et 60 milliards de dirhams pour mettre à niveau ses infrastructures. Cette enveloppe serait répartie entre la construction et la rénovation des stades (15 milliards de dirhams), les centres d'entraînement (8 milliards de dirhams), les transports et les infrastructures (17 milliards de dirhams) et les coûts d'organisation (10 milliards de dirhams).
Dynamiser les BTP Si l'investissement initial est important, les retombées socio-économiques d'un tel événement sont considérables et peuvent se prolonger sur plusieurs générations. "L'intérêt majeur du Mondial n'est pas seulement l'événement en soi, mais tout ce qui gravite autour. L'amélioration des différents services pour les visiteurs, la modernisation des transports, des hôpitaux, etc. Tous ces éléments serviront de moteur économique et permettront d'associer le Maroc aux valeurs positives du sport et de la qualité de vie", nous déclare Abderrahim Bourkia, professeur de Sociologie du Sport à l'Institut des Sciences du Sport de l'Université Hassan Ier de Settat. Même son de cloche du côté de Karim Adyel, Avocat spécialisé en droit du football international, et professeur universitaire à l'Academy of Leadership Sciences Switzerland (ALSS, Zurich), notant que cet événement va susciter un dynamisme économique transversal, créant des opportunités d'emploi énormes pour les Marocains. Pendant la phase de préparation, l'augmentation des dépenses publiques et la création d'emplois à court terme entraîneront une augmentation du PIB. Le secteur qui en profitera le plus est celui des BTP (bâtiments et travaux publics), puisque les différents projets viendront grossir les carnets de commande. La présence de grands groupes nationaux dans ce secteur (TGCC, SGTM, Jetcontractors...) permettra de capter cette plus-value et de la conserver sur le territoire national. Ces projets de construction ne concernent pas seulement les stades, mais également l'infrastructure de transport. La priorité sera évidemment donnée à l'extension des lignes TGV (Marrakech puis Agadir), ainsi que du reste du réseau ferroviaire et autoroutier. Dans les cartons depuis plus de 40 ans, le tunnel reliant les deux rives du détroit de Gibraltar tient là une occasion historique pour se concrétiser. Rabat et Madrid ont lancé une nouvelle étape dans la relance du projet, dont le Comité mixte chargé du projet, composé entre autres du ministre de l'Equipement et de l'Eau, Nizar Baraka, et de son homologue espagnol, Raquel Sánchez, poursuit les consultations techniques pour concrétiser ce chantier de manière optimale. Le dynamisme du secteur BTP devrait avoir un effet d'entraînement sur d'autres secteurs, notamment le secteur bancaire, qui bénéficiera d'une hausse de l'encours des financements dédiés aux projets d'infrastructures.
Boom économique Pendant le déroulement de la Coupe du Monde, soit l'été 2030, toute l'économie nationale sera en ébullition. L'arrivée massive de touristes stimulera une grande partie de l'économie nationale, notamment l'hôtellerie, la restauration, le divertissement, le transport, l'artisanat et les services, sans oublier les réserves en devises, qui vont certainement battre des records. Dans ce sillage, l'Histoire est témoin : durant le quatrième trimestre 2022, le PIB du Qatar a fait un bond de 8% grâce au Mondial. La Corée du Sud, hôte de l'édition 2002, a connu une forte croissance du PIB réel de 7% par rapport aux niveaux enregistrés en 2001, 2003 et 2004. De même qu'en 1998, la France a connu un taux de croissance du PIB plus élevé l'année de la Coupe du Monde (3,4%) alors que celui de l'année précédente était de 2,3 %. "Toute cette dynamique aura des répercussions à court, moyen et long termes, sur le plan économique et social, parmi lesquelles la création d'opportunités d'emploi, sans oublier la vente des droits de retransmission télévisée, de marketing et d'hospitalité", analyse Abderrahim Bourkia. L'organisation de la Coupe du Monde aura finalement un impact durable sur l'image du Maroc en tant que destination touristique et d'investissements directs étrangers. Cela pourrait placer le pays parmi les premières destinations touristiques mondiales d'ici 2050. Ceci dit, si les dépenses s'annoncent titanesques, Karim Adyel estime que "la balance des dividendes pourrait ainsi dépasser largement celle des dépenses". Par ailleurs, et au moment où la stratégie de préparation de cette Coupe du Monde n'est pas encore close, l'Etat devrait penser, selon nos interlocuteurs, à accompagner cette opportunité par un projet de développement global, visant à faire profiter tout le territoire national des retombées économiques de cet événement, et non seulement les villes sélectionnées pour accueillir les matchs.
3 questions à Karim Adyel « La balance dividendes pourrait dépasser largement celle des dépenses » - Le Maroc est-il prêt, selon vous, côté infrastructures, à co-accueillir cette compétition ? - C'est une annonce historique pour le Maroc et le football marocain. Notre Royaume dispose de toutes les infrastructures sportives, hôtelières et aéroportuaires pour co-accueillir cet événement planétaire d'autant que d'ici l'échéance du Mondial 2030, notre pays redoublera d'efforts pour élargir davantage ses infrastructures sur tous les plans. - Côté rentabilité, des investissements titanesques sont prévus par le Maroc, mais les rentrées touristiques seront aussi d'envergure. La balance dépenses/dividendes sera-t-elle équilibrée, selon vous ? - Il est certain que cet événement mondial apportera des rentrées financières et économiques très importantes et avec une plus-value certaine à court et moyen termes du fait que le Maroc sera une vitrine planétaire durant cet événement. La balance dividendes pourrait ainsi dépasser largement celle des dépenses.
- Cette annonce de la FIFA ne pourra-t-elle pas rapporter des IDE sportifs à court ou moyen termes ?
- Bien évidemment que la co-organisation de la Coupe du Monde 2030 attirera les investisseurs étrangers dans le domaine sportif International. Il s'agit en l'occurrence des opérateurs spécialisés dans les différentes filières concernées par le sport, qui peuvent aller de la médecine sportive, jusqu'au centre d'entraînement et de conditionnement. Plusieurs expériences précédentes ont montré de manière palpable l'impact de l'organisation d'une Coupe du Monde, non seulement sur les investissements, mais sur le dynamisme économique de manière générale.
L'info...Graphie 3 questions à Abderrahim Bourkia « Il faut adopter une nouvelle approche dans la gestion logistique et sécuritaire » - Quel serait, selon vous, l'impact socio-économique de l'organisation de la Coupe du Monde sur le Maroc ? - On doit se féliciter de cette consécration qui n'est que le fruit d'un travail stratégique soutenu par la Fédération Royale Marocaine de Football conformément à la Vision Royale depuis des années et qui constitue également une victoire sur le plan géopolitique. Ceci dit, la Coupe du Monde 2030 sera pour le Maroc une occasion pour montrer les capacités, non pas en tant que participant, mais en tant que pays hôte qui bénéficie de la confiance de la plus haute autorité en matière de football. Du côté socio-économique, il existe une excellente stratégie de relation publique qui suit, de coutume, l'annonce de l'organisateur de la Coupe du Monde. La couverture de l'événement est importante, ce qui veut dire un nombre important de visiteurs, spectateurs, médias du monde entier, ce qui aura un impact majeur sur toute la société marocaine et sur l'économie du pays. Mais je pense que l'intérêt majeur n'est pas uniquement l'événement en soi, mais tout ce qui gravite autour. L'amélioration des différents services pour les visiteurs, la modernisation des transports, des hôpitaux, etc. Tous ces éléments serviront de moteur économique et permettront d'associer le Maroc aux valeurs dites « positives » du sport et de qualité de vie. - L'annonce faite par la FIFA pourra-t-elle avoir un impact sur l'attractivité du Royaume dans les prochaines années ? - Dès lors, touristes et investisseurs identifieront le pays comme une destination sportive digne de confiance pour organiser d'autres événements. Et qui dit organiser une Coupe du Monde dit une stratégie accompagnée d'investissement, notamment en termes d'aménagement et de développement urbains, inscrits dans la durée, regroupant les établissements touristiques, les espaces culturels et de loisirs, les centre sportifs... et la liste n'est pas exhaustive. A cela s'ajoute la construction et la rénovation des stades, la modernisation des principaux aéroports et l'amélioration des réseaux routier et ferroviaire. Tout cela ne peut qu'avoir des retombées économiques et touristiques sur le Maroc, qui, certainement, va être sollicité prochainement par de nouveaux partenaires potentiels, dans un contexte où le pays a lancé une nouvelle Charte de l'Investissement dont le but est d'attirer les investisseurs. - Quels seront les plus grands défis organisationnels et logistiques, selon vous ? - Les rencontres footballistiques en Grande Bretagne, en Belgique, en Pologne, en Grèce, en Russie, en Amérique du Sud - pour ne citer quelques-unes - sont souvent ternies par des actes de violence. Cela nous incite à adopter de nouvelles approches, car les violences s'inscrivent dans une histoire particulière. Les animosités entre les pays sont à prendre en considération. Argentine/ Pays-Bas ou Angleterre, Algérie/France ou Allemagne à titre d'exemple. Les défis sont de taille, mais on peut bien les relever. Dans la Coupe du Monde, la question de la sécurité sera par conséquent de mise avec l'arrivée massive de supporters de tous les horizons. Il faut ainsi trouver les moyens de les contenir et les canaliser en amont pour éviter les débordements. Rappelons qu'un peu de laxisme, lors de l'Euro 2016 à Marseille, a fait que des bagarres ont été déclenchées entre les Anglais et les Russes. Nous avons le savoir-faire pour cadrer les foules et il en faudra davantage. Concernant les supporters locaux, il y a lieu de créer plus de liens et rendre ces rencontres festives. Il faudrait s'investir dès maintenant dans cette jeunesse qui cherche à véhiculer une bonne image sur elle et la préparer à accepter l'autre, différent, qui sera là, tout en respectant nos valeurs bien évidemment. A rappeler qu'il y aura une médiatisation à outrance au cours de cet événement. Donc, il ne faut rien laisser au hasard, même si les hasards n'existent pas à mon avis.