La réunion du Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) du 26 septembre a mis en lumière l'impact que pourrait avoir le tremblement de terre d'Al-Haouz sur les équilibres macroéconomiques du pays. La troisième réunion du Conseil de Bank Al-Maghrib de cette année est également la première depuis le séisme. La catastrophe qui a touché Al-Haouz et ses environs risque de remettre en question plusieurs estimations et prévisions économiques. Que ce soient les équilibres budgétaires, l'inflation ou la croissance du PIB, les indicateurs macroéconomiques pourraient être perturbés par l'ampleur des dégâts.
Sur la question de l'impact du tremblement de terre sur l'économie, le Wali de Bank Al-Maghrib a tenu à préciser que "l'ensemble des projections de BAM pour cet exercice ne tiennent pas compte des conséquences du séisme d'Al-Haouz et des retombées des mesures de reconstruction et de relance annoncées. Elles en tiendront compte une fois les données détaillées sont disponibles".
"Nous avons mis en place une cellule interne qui a examiné les données disponibles sur les catastrophes naturelles survenues au Maroc et dans d'autres pays depuis le séisme d'Agadir en 1960. Nous avons également étudié le cas de la Turquie, de l'Indonésie et de la Malaisie afin d'observer les tendances qui se dessinent dans ces pays après de telles catastrophes", a révélé Abdellatif Jouahri lors de la conférence de presse après la réunion du Conseil.
"Par exemple, en ce qui concerne l'impact sur des destinations touristiques telles que l'Indonésie et la Thaïlande, nous avons constaté que le secteur du tourisme n'est pas systématiquement affecté l'année suivante par de tels phénomènes", a poursuivi le Wali.
Coût minimal
Sur Instructions Royales, le gouvernement a prévu une enveloppe de 120 milliards de dirhams sur cinq ans pour la reconstruction et la mise à niveau générale des régions sinistrées par le séisme d'Al-Haouz. Pour l'instant, les détails du financement de ce chantier n'ont pas encore été dévoilés par l'Exécutif. "Il existe des lignes spécifiques pour financer ce genre d'événements. En plus de cela, nous avons la ligne de crédit modulable de 5 milliards de dollars auprès du FMI qu'on peut tirer sans conditionnalités", a suggéré Abdellatif Jouahri.
"Il faut prendre du recul et déterminer quelle composante, qu'elle soit interne ou externe, est la mieux adaptée à long terme. Notre objectif principal est de gérer cela de manière à ce que le coût soit minimal pour le Maroc en ce qui concerne les sources de financement mises en place pour faire face aux conséquences du séisme", a expliqué le Wali de la banque centrale.
Avant de poursuivre : "En tant que banque centrale, nous devons accomplir cette tâche en collaboration avec le gouvernement et le ministère des Finances. Nous devons travailler progressivement afin de déterminer la meilleure approche pour assembler les pièces du puzzle, à la fois pour réduire les coûts au maximum et minimiser l'impact sur le niveau d'endettement du pays".
Le Royaume devra évaluer, au fur et à mesure de ses besoins et de l'état de ses finances publiques, s'il doit faire appel aux institutions internationales, lever des fonds auprès des marchés financiers, ou s'endetter en interne. Toutes les options restent ouvertes, d'autant que le Maroc a démontré la solidité de sa gouvernance et jouit d'une bonne réputation à l'international.
Reprise économique
Selon le Wali de la BAM, les organisations internationales qui accompagnent le Maroc ont la flexibilité nécessaire pour comprendre la situation du pays. Elles disposent également d'une gamme d'outils financiers conçus pour aider les Etats en cas de catastrophes naturelles. La prochaine étape consiste donc à déterminer les besoins de financement pour chaque secteur (BTP, agriculture, éducation, etc.) et à engager un dialogue avec le FMI et la Banque Mondiale afin de décider de la meilleure forme d'assistance possible.
Toutefois, la reconstruction après un désastre d'une telle ampleur peut avoir un aspect positif. D'après le Wali, et en se basant sur les observations faites dans d'autres pays, ce que l'on constate après une catastrophe naturelle, c'est une reprise de l'activité économique et une augmentation de la croissance, "car vous entrez dans une période de reconstruction où de nombreux secteurs vont reprendre vie. Lorsque vous commencerez à reconstruire, le secteur du BTP va redémarrer, et le tourisme ainsi que les services associés au tourisme vont également repartir", conclut-il.
3 questions à El Mehdi Fakir « Il est important de veiller à ce que le niveau d'endettement reste soutenable » Après ce séisme, l'objectif de déficit budgétaire de 3,5% à l'horizon 2025 est-il toujours tenable ? La question de maintenir l'objectif de déficit budgétaire de 3,5% d'ici à 2025 après le séisme est complexe. Si l'Etat choisit de persévérer dans ses objectifs et ses priorités initiaux tout en prenant en compte les besoins financiers liés à la reconstruction, il est évident que le déficit budgétaire augmentera. Cependant, si l'Etat révise sa structure budgétaire pour maintenir l'équilibre tout en réévaluant ses priorités, il pourrait être possible de conserver le même niveau de déficit. Cela dépendra grandement de la manière dont l'Etat gérera cet arbitrage, bien que cela semble improbable. Par ailleurs, il est envisageable d'explorer d'autres approches pour mener à bien les projets de reconstruction tout en préservant les objectifs budgétaires. Il est possible de revoir les modalités de réalisation de ces chantiers, en envisageant des formules alternatives, comme le recours à des entreprises du secteur du BTP, ce qui pourrait permettre de réduire les coûts jusqu'à 50%. Il convient de rappeler que le déficit budgétaire dépend étroitement des recettes et des dépenses. En augmentant simultanément les recettes et les dépenses de manière équilibrée, il pourrait être possible de maintenir un équilibre budgétaire, même dans un contexte aussi complexe que celui-ci. Le Maroc doit-il recourir à la dette internationale pour financer la reconstruction ? - L'utilisation de la dette internationale pour financer la reconstruction est une option envisageable, mais elle nécessite une approche prudente. Il est important de veiller à ce que le niveau d'endettement reste soutenable pour l'économie du Maroc. Si les conditions de soutenabilité ne sont pas réunies, cela pourrait ne pas être une solution appropriée. - La reconstruction peut-elle dynamiser l'économie et contribuer à la croissance du PIB ? - Le raisonnement est simple : injecter 120 milliards dans l'économie nationale aura un effet dynamisant certain. Une telle injection d'argent stimulera la croissance interne, créera de la valeur ajoutée et favorisera la circulation de l'argent. L'investissement public, en particulier la commande publique, joue un rôle significatif dans la création de valeur ajoutée à l'échelle nationale. Recueillis par Yassine ELALAMI Aide aux sinistrés : 4,2 millions de personnes concernées Le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, a présenté un programme de reconstruction et de réhabilitation pour les régions touchées par le séisme d'Al-Haouz. Les zones concernées incluent Marrakech, Al-Haouz, Chichaoua, Taroudant, Ouarzazate et Azilal, avec 163 communes, 2930 douars, plus de 2,8 millions d'habitants et 59.674 bâtiments endommagés. Les familles touchées recevront une aide d'urgence de 30.000 DH sur 12 mois. Les logements complètement effondrés bénéficieront de 140.000 DH d'allocation, et 80.000 DH seront alloués à la réhabilitation des logements partiellement endommagés. Le plan sur cinq ans (2024-2028) a un budget estimé à 120 milliards de dirhams, visant à soutenir 4,2 millions de personnes. Il repose sur la reconstruction de l'infrastructure endommagée et le développement des régions du Grand Atlas. Le programme comprend la réinstallation des personnes touchées, la reconstruction des logements, le désenclavement, la réduction du déficit social, la promotion des activités économiques et une plateforme de stockage d'urgence. Programme d'urgence : Une agence pour superviser la reconstruction Le gouvernement a annoncé son engagement à mobiliser tous les moyens nécessaires pour la phase de reconstruction rapide après le séisme d'Al-Haouz. Les priorités incluent la réhabilitation des écoles, des hôpitaux et des infrastructures vitales touchées par le tremblement de terre. Les projets de reconstruction seront financés par le compte spécial de solidarité créé sur Hautes Instructions Royales. Le chef du gouvernement a présidé la 4ème réunion de la Commission interministérielle chargée de ce programme d'urgence. Des réunions ultérieures seront organisées pour coordonner les efforts et finaliser la vision relative à la mise en œuvre des projets de développement dans les zones sinistrées. Le gouvernement s'engage également à reconstruire les logements endommagés, à réhabiliter les infrastructures touchées et à renforcer le développement social et économique dans ces régions. Une agence dédiée sera créée pour superviser efficacement la mise en œuvre du programme, en assurant un suivi rigoureux des projets de reconstruction, de réhabilitation et des investissements prévus dans les zones sinistrées. La rencontre a réuni de hauts responsables gouvernementaux, notamment les ministres de l'Intérieur, des Habous et des Affaires islamiques, de l'Economie et des Finances, de l'Equipement et de l'Eau, de l'Education nationale, de la Santé et de la Protection sociale, de l'Aménagement du territoire national, de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, du Tourisme, de la Transition énergétique et du Développement durable, de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, de la Solidarité, de l'Insertion sociale et de la Famille, ainsi que des ministres délégués et des secrétaires généraux de ministères concernés.