Le projet de loi n° 43.22 sur les peines alternatives poursuit son circuit législatif et vient d'atterrir à la Chambre des Représentants où il a été examiné par la Commission de la justice, de la législation et des droits de l'Homme. Détails. L'introduction des nouvelles mesures alternatives au système pénal marocain s'avère être une nécessité et non plus un choix. Les 75 établissements pénitentiaires que compte notre pays ont fait état d'une augmentation spectaculaire du nombre des détenus, passé de 83.757 à 100.004 entre 2018 et 2023, selon le dernier rapport de la Délégation Générale de l'Administration Pénitentiaire et de la Réinsertion (DGAPR). Mais, dans l'espoir de ne pas dépasser cette barre d'ici 2025, le chemin à parcourir est encore long, devant les choix qui se présentent, dont principalement celui relatif aux peines alternatives. Le projet de loi n°43.22 relatif aux peines alternatives avance. Adopté par le Conseil de gouvernement en juin dernier et soumis à la Commission de la Justice le 21 du même mois, ledit projet était au cœur des discussions à la Chambre des Représentants, mardi 12 septembre. A cette occasion, les députés ont discuté de l'impact potentiel de ce projet qui représente une avancée majeure pour le système judiciaire marocain. Cette loi s'assigne comme objectif d'"établir un cadre juridique complémentaire pour les peines alternatives en se basant sur les principes fondamentaux du droit pénal en matière de sanction et en prévoyant des mécanismes et des normes procédurales à intégrer dans le Code de procédure pénale pour le suivi et la mise en application des peines alternatives", a affirmé Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, lors des travaux de la Commission.
Alléger la surpopulation carcérale...
D'une part, ces peines dites de « substitut » à l'emprisonnement, qui prennent la forme de peines d'interdiction ou de privation de droit, ont pour ambition de remplacer les courtes peines d'emprisonnement afin d'éviter le phénomène de surpopulation carcérale, de réduire les coûts de traitement des détenus et les besoins financiers, logistiques et humains de ces derniers, ainsi que d'atténuer les effets négatifs de la prison sur les auteurs de délits mineurs, étant donné que la peine d'emprisonnement agit sur la personnalité du détenu. D'autre part, le recours à ces peines contribuera à la modernisation du système pénal marocain qui s'alignera désormais sur les normes internationales dans le domaine de la protection des droits et des libertés et des pratiques modernes. Dans le même sillage, les peines alternatives s'avèrent un moyen adéquat pour faciliter la réinsertion des détenus, d'autant plus que la plupart d'entre eux vivent une difficulté d'insertion dans la société, puisqu'ils ne peuvent ni oublier, ni cacher leur passé. Des constats confirmés par Ouahbi qui reconnaît le grand besoin du système pénal national en matière de peines alternatives. Celles-ci s'avèrent, selon lui, "comme solution fiable pour combler les lacunes entachant la politique pénale actuelle, compte tenu des statistiques relatives à la population carcérale, qui complique la situation au sein des établissements pénitentiaires et limite l'efficacité des efforts et des mesures déployés par l'administration". Force est de rappeler que sur les 96.500 détenus dans les 70 pénitenciers du Royaume, 50% sont condamnés à de petites peines.
De nouveaux défis...
Pourtant, dans une perspective pénologique, ce projet, comme tout autre projet de loi, comporte également des failles et des défis potentiels à prendre en compte. Selon les spécialistes contactés par nos soins, la mise en œuvre efficace des peines alternatives nécessite une surveillance et une gestion intensives, ce qui peut s'avérer coûteux et exigeant en ressources humaines. De plus, la mise en œuvre efficace des peines alternatives exige des professionnels, tels que des agents de probation, des assistants sociaux, des psychologues et des experts en réadaptation. Un autre point important concerne bien évidemment la formation de ces ressources humaines. Ces dernières devraient être biens formées pour superviser les personnes sous peines alternatives de manière appropriée. D'autant plus que ce projet prévoit également des mesures thérapeutiques et de requalification, dont des thérapies pour l'alcoolisme et la toxicomanie. Rappelons dans ce sens que la mise en exécution de ces peines sera assurée par la DGAPR, sous la supervision du juge ainsi que du Ministère public.
Un seul projet, trois types de peines
Le projet de loi n°43.22 relatif aux peines alternatives prévoit trois types de peines alternatives, notamment le travail d'intérêt général et la surveillance électronique. Il prévoit également d'autres mesures restrictives, telles que l'interdiction d'approcher la victime et l'obligation de se soumettre à la surveillance des services de la Sûreté nationale ou de la Gendarmerie royale, en plus de la réparation des dommages causés par le crime dans le cadre de la justice réparatrice. Cette mesure n'est pas possible dans les cas de récidive, et est également exclue pour les infractions graves dont les crimes financiers, les crimes relatifs à la sécurité nationale et au terrorisme, les crimes militaires, ceux en relation avec le trafic international de drogue, le trafic de substances psychotropes, le trafic d'organes humains et l'exploitation sexuelle des mineurs et des personnes handicapées. Le projet de loi envisage aussi d'étendre la sphère des bénéficiaires des peines alternatives pour englober les individus condamnés pour des délits passibles d'une peine maximale de cinq ans de prison.
L'avis des députés
"Véritable révolution dans le système juridique et la pratique judiciaire", le projet sur les peines alternatives, tel qu'il a été qualifié par les députés, constitue une pierre angulaire dans la réforme du système judiciaire, en droite ligne avec les recommandations de la Charte de cette réforme. Le but étant d'améliorer l'efficacité du système et de renforcer et protéger les libertés individuelles et publiques. Les députés ont affirmé que le projet de loi repose sur une nouvelle philosophie pénale, orientée vers la minimisation des peines de prison et leur remplacement par des peines alternatives aux visées humaines axées sur la dissuasion du crime, la protection de la société et une approche plus humaine de la réforme carcérale. D'autres députés ont soulevé la question de la mise en adéquation du projet de loi avec diverses dispositions spéciales, soulignant que les peines alternatives ne concernent pas uniquement les crimes répertoriés dans le Code pénal, mais s'étendent également aux systèmes pénaux spéciaux. Dans ce sillage, les députés ont appelé à l'accélération de la mise en œuvre dudit projet en mettant à disposition les ressources humaines et logistiques nécessaires. Les parlementaires ont considéré, d'autre part, que le projet de loi est conforme aux doctrines internationales qui encouragent l'utilisation des peines alternatives pour lutter contre la récidive et réduire le taux d'incarcération, dans le cadre du processus d'évolution du système juridique et des droits de l'Homme au Maroc, tout en appelant à une révision des textes législatifs ayant trait aux mesures alternatives à la détention préventive.