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Transport public : Un secteur stratégique en quête de décarbonation !
Publié dans L'opinion le 06 - 06 - 2023

Secteur qui contribue grandement aux émissions de gaz à effet de serre et à la pollution de l'air, le transport public national est face à un défi de changement et d'innovation.
Le 5 juin 2023, le monde a célébré le cinquantième anniversaire de la Journée mondiale de l'Environnement. Un demi-siècle s'est donc passé depuis la création de cet événement symbolique par l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1972. Cette année, la thématique principale retenue pour la célébration de cette journée est la lutte contre la pollution plastique. Cela n'empêche pas pour autant le site officiel des Nations Unies d'inscrire cette journée dans un cadre plus global : « Le temps presse et la nature est en état d'urgence. Pour maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5 °C au cours de ce siècle, nous devons réduire de moitié les émissions annuelles de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Si nous n'agissons pas, l'exposition à la pollution atmosphérique au-delà des normes de sécurité augmentera de 50% au cours de la décennie et les déchets plastiques déversés dans les écosystèmes aquatiques tripleront d'ici environ 2040 ». Qu'en est-il des efforts consentis par le Royaume pour faire partie des pays qui œuvrent à inverser ces tendances inquiétantes de destruction de la qualité de l'environnement ?

Pollution de l'air
S'il fallait se focaliser sur la seule question de la pollution atmosphérique, il est plus qu'évident que ce sujet est largement sous-investi au niveau national. « La lutte contre la pollution atmosphérique au Maroc est à tort considérée comme moins prioritaire comparativement avec d'autres enjeux environnementaux liés par exemple à l'eau », explique un expert en développement durable qui a préféré garder l'anonymat. « L'argument fallacieux étant que le Maroc n'est pas comparable en termes industriels à d'autres pays où la question de la pollution de l'air est plus grave. Or, le Maroc est aux portes de l'Europe, c'est-à-dire tout près de la pollution générée par une bonne partie des pays les plus industrialisés et donc qui ont historiquement accumulé et causé le plus de pollution de l'air », poursuit notre interlocuteur qui estime pourtant que « le Maroc génère également sa propre pollution atmosphérique qui occasionne des dégâts importants aussi bien humains qu'économiques ».

Des chiffres inquiétants
Les données sur le coût réel de la pollution atmosphérique au Maroc ne sont pas toujours disponibles et encore moins actualisées. « Il est difficile de mettre un chiffre sur les pertes dues à la pollution atmosphérique. Plusieurs facteurs peuvent entrer en considération : il y a bien évidemment l'aspect humain, c'est-à-dire le nombre de vies perdues et celui des personnes qui sont malades à différents degrés. À cet aspect, il faut ajouter l'apport à la société qui est perdu parce que ces personnes ne peuvent plus contribuer, sans oublier les coûts liés à leur prise en charge sanitaire. Et nous ne sommes ici que dans les aspects directement liés au fléau de la pollution de l'air, sachant que d'autres dégâts indirects peuvent également être ajoutés », poursuit la même source. Un rapport de la Banque Mondiale sur le coût de la dégradation de l'environnement indiquait, en 2017 déjà, que la pollution de l'air extérieur au Maroc était à l'origine de 8.750 décès (durant l'année), dont pratiquement la moitié à Casablanca.

Le transport en ligne de mire
Pour lutter contre la pollution atmosphérique, le secteur qui s'impose comme prioritaire est celui des transports. À lui seul, ce secteur totalise plus de 30% des gaz à effet de serre dont les dégâts en termes de pollution atmosphérique dévorent plus de 1% du PIB chaque année. Avec l'augmentation progressive des véhicules hybrides et électriques dans le parc national, la transition apparaît comme amorcée. C'est malheureusement sans compter avec les milliers de bus et minibus thermiques qui continuent à sillonner les routes du Royaume, à générer une pollution importante provenant de carburants fossiles qui ont été à 100% importés à coups de devise. Une situation qui aurait pu être évitée si au moins les entreprises chargées de la gestion déléguée du transport public avaient respecté le Dahir portant promulgation de la loi 54-05 dont l'article 3 stipule clairement qu'elles ont le devoir d'adapter leur service aux « évolutions technologiques » tout en assurant des prestations « dans les meilleures conditions de protection de l'environnement ».

Souhail AMRABI
3 questions à Hassan Sentissi « La fabrication de bus électriques made in Morocco est plus que jamais atteignable »
- Vous faites partie des investisseurs marocains qui sont prêts à contribuer à l'éclosion de nouveaux écosystèmes industriels de la mobilité durable. De quelle manière ?
- Contribuer à cette phase historique et déterminante pour la consécration de nouveaux modes durables de mobilité populaire est en effet une volonté profonde que je porte depuis plusieurs années. Cela a commencé par plusieurs voyages et échanges avec des industriels au niveau international afin de m'enquérir du degré de maturité de ce genre de transport, surtout les bus électriques. Les choses ont rapidement et énormément évolué depuis, et nous en sommes actuellement à un momentum où notre pays dispose de tout ce qu'il faut pour se positionner dans ce domaine en mettant en place un système de production locale de bus électriques pour le transport en commun, dont la technologie sera fiable et le coût plus ou moins équivalent à celui des bus thermiques.
- Où en êtes-vous par rapport à la concrétisation de cette vision ?
- Nous en sommes actuellement à une étape où les partenaires internationaux sont partants pour l'installation de l'écosystème de fabrication de bus électriques au Maroc et tout le transfert de technologie qui pourrait en découler. A cet égard, un nouveau partenariat a été signé cette semaine avec une entreprise qatarie dédiée aux bus et véhicules électriques ainsi qu'aux bornes de recharges. Grâce à la possibilité d'investir dans des parcs privés de production d'énergies renouvelables, le modèle économique pour la recharge électrique est également au point. Seuls manquent deux éléments importants : une autorisation administrative et une commande publique d'un certain nombre de véhicules pour lancer la machine de production. A noter que ce projet table sur un taux d'intégration qui sera de l'ordre de 30% dès la première année, pour ensuite dépasser les 70% dès la troisième année.
- Pensez-vous que si ces deux éléments étaient assurés, la production et la réussite de cette expérience seraient garanties ?
- J'en suis convaincu. Nous avons au Maroc beaucoup d'atouts et d'expertises techniques qui se complètent avec le travail déjà accompli de création des bons partenariats. Le besoin de financement n'est pas d'actualité puisque cet aspect est déjà réglé. Les substantielles économies de carburants fossiles qui seront réalisées grâce à ce projet sont également réelles comme le sont les crédits carbones qui pourront être dégagés. Les devises à économiser, la pollution atmosphérique à éviter, les centaines d'emploi à créer, et le potentiel pour le Royaume de devenir un hub pour le reste du continent. La fabrication de bus électriques made in Morocco est plus que jamais atteignable, du moment que la contribution des décideurs suit, avec un investissement : non pas financier, mais de confiance.
Transition : Les mesures prévues pour généraliser la norme Euro 6B
Concernant les véhicules légers qui ne s'alignent pas à la norme Euro 6B et qui sont encore en stock chez les concessionnaires et revendeurs automobiles, un délai d'une année a été accordé pour les liquider, faute de quoi, au 1er janvier 2024, ces véhicules ne pourront plus être immatriculés. Les autres types de véhicules, notamment les poids lourds, ont jusqu'au 1er janvier 2025 pour se conformer aux nouvelles exigences réglementaires en termes d'homologation.
À partir du 1er janvier 2026, les véhicules poids lourds qui ne sont pas alignés à la norme Euro 6B ne seront à leur tour plus acceptés à l'immatriculation. En parallèle avec la préparation de cette transition, le Royaume avait connu plusieurs mesures incitatives pour encourager les acquéreurs à opter pour des véhicules hybrides ou électriques. C'est dans cette perspective que cette catégorie de véhicules avait pu bénéficier d'annulation des droits de douane ainsi que de la taxe spéciale annuelle sur les automobiles (vignette).
L'info...Graphie
Rapport : Le frein de l'innovation dans le secteur du transport par autobus
Il y a moins d'une année, le Conseil de la Concurrence publiait son avis relatif au fonctionnement concurrentiel de la gestion déléguée du transport public urbain et interurbain par autobus au Maroc. Le rapport du Conseil soulignait ainsi que la saisine d'office « s'inscrit dans la vision nationale de la mobilité urbaine au Maroc à l'horizon 2030, qui prône une véritable transition attractive vers des modes de transport collectif urbain et assurant une mobilité durable, accompagnée d'indicateurs de résultats et d'objectifs opérationnels répondant aux différents enjeux sectoriels relatifs à la bonne gouvernance, à l'organisation, à la planification, à la régulation des transports collectifs publics et privés, à l'intermodalité, aux modes actifs et à l'articulation transport et urbanisme ».
Le Conseil a également révélé dans son analyse que le marché en question se caractérisait par un niveau élevé de concentration, où les deux premières sociétés ALSA et City Bus ont une part de marché cumulée se situant entre 80 et 90% durant la période 2018-2020, avec une dominance nette de la société ALSA qui a vu sa part de marché passer de 50 à 70%.
Ce niveau élevé de concentration semble être dû à la combinaison de plusieurs facteurs, notamment les barrières à l'entrée très élevées, édictant des conditions techniques et financières d'accès qui favorisent les grandes entreprises, empêchent l'arrivée de nouveaux entrants et excluent totalement l'innovation et la créativité comme critères de sélection.


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