Les défis majeurs auxquels est confronté le secteur du transport et de la logistique au Maroc étaient, mercredi soir, sous la loupe d'une table-ronde organisée par l'Alliance des Ingénieurs Istiqlaliens (AIE). Mis à rude épreuve ces dernières années, le secteur du transport a dû traverser bien des turbulences à cause de la conjonction de plusieurs facteurs, liés principalement à la déprime de l'économie mondiale dans le contexte de crise pandémique. Qui plus est, la reprise post-pandémie a été soumise à une forte pression de la demande, ce qui a entraîné une flambée des coûts du fret maritime. La guerre en Ukraine a également sévèrement ébranlé les chaînes d'approvisionnement. En outre, une forte inflation s'installe, perturbant ainsi les composantes du secteur. Cette série d'événements a réellement interpellé sur la résilience du secteur du transport et de la logistique dans le Royaume, étant donné son rôle vital dans la compétitivité et le développement. En conséquence, débattre de la résilience du secteur au Maroc face aux multiples défis qui se posent, semble tout à fait à propos à l'heure actuelle. C'est ainsi qu'en présence de Mohammed Abdeljalil, ministre du Transport et de la Logistique, de Karim Ghellab, ancien ministre des Transports et de l'Equipement, et de Hakim Marrakchi, Vice-Président de l'ASMEX, et de nombreux professionnels du secteur, l'Alliance des Ingénieurs Istiqlaliens a organisé, mercredi 26 avril, une table-ronde sur le thème « Transport et Logistique : Des leviers de compétitivité et de développement ». « Le secteur est devenu un pilier fondamental dans la stratégie industrielle du Royaume, qui aujourd'hui se démarque dans le marché mon- dial, d'où la nécessité de relever certains défis d'ordre structurel pour que le Maroc puisse passer à la vitesse supérieure », nous a indiqué Aziz Hilali, président de l'Alliance des ingénieurs Istiqlaliens, notant la nécessité de la coordination entre les différentes plateformes logistiques du Royaume pour gagner en compétitivité.
L'enjeu de l'emploi
La centralité du secteur du transport a été illustrée, lors de cette table-ronde, au travers notamment de son rôle dans la création d'emplois. Interrogé sur ce sujet, le ministre du Transport a fait observer qu' « au Maroc, le secteur du transport et de la logistique emploie environ 450.000 personnes, chiffre à comparer avec le secteur automobile, qui, avec sa forte présence dans le paysage économique national, emploie presque 160.000 ». C'est dire toute l'importance que le gouvernement accorde à la mise en place d'une batterie de mesures pour pouvoir surmonter les pertes d'emplois dans le secteur durant la pandémie, notamment dans le transport aérien qui a été frappé de plein fouet par la crise.
Défis majeurs
En ce qui concerne les enjeux à terme du secteur, Abdeljalil a souligné trois défis majeurs. Le premier est celui de la digitalisation, étant donné que l'économie mondiale est en mutation rapide et que le Royaume ne peut se permettre de prendre du retard dans cette course internationale. Ensuite, le secteur du transport doit gérer un lourd désavantage, car il est un grand consommateur d'énergie, et toute augmentation des coûts des carburants risque de pénaliser considérablement la chaîne. Dans ce contexte, la décarbonation se présente comme le principal défi à relever par le secteur, car, dans un futur proche, les transporteurs devront payer des taxes modulées en fonction du taux d'émission de gaz à effet de serre. De plus, les crises successives que nous avons vécues ont montré à quel point il est crucial de travailler sur la résilience du secteur face aux perturbations. Ceci dit, le Maroc a de grandes ambitions économiques, notamment commerciales et industrielles, et donc le relèvement de ces défis n'est pas un luxe. Pour qu'il puisse atteindre son plein potentiel, il est fondamental d'avoir un système logistique performant, à l'instar de ceux des pays concurrents, souligne Karim Ghellaab, donnant l'exemple de la présence des produits marocains sur le marché mondial, qui devraient être compétitifs en termes de qualité et de prix. « Dans ce sens, le système logistique d'un pays change complétement la donne, du moment qu'il se répercute directement sur le coût de revient des produits », a tranché le même interlocuteur, qui plaide en faveur d'un secteur moderne à la hauteur des ambitions du Maroc.
Le rôle du ministère
Dans le même sillage, le ministre du Transport et de la Logistique a souligné l'importance de favoriser le développement d'une chaîne logistique performante, clé de succès pour l'économie nationale. Son département s'est ainsi engagé à mettre en œuvre, conformément aux Hautes orientations royales, le Nouveau Modèle de Développement, ainsi que les différents projets gouvernementaux y afférents. En effet, le ministère de tutelle entend intervenir à trois niveaux : assurer le développement d'un ensemble d'infrastructures modernes et optimales, améliorer davantage la connectivité aussi bien à l'international qu'en interne, et accompagner les opérateurs nationaux pour renforcer leur compétitivité. Selon Abdeljalil, l'instauration d'une bonne gouvernance est au cœur de ces mesures, de sorte à assurer une meilleure coordination entre les différents acteurs publics et privés du secteur. Ces actions visent au final à stimuler la croissance économique, attirer davantage d'investissements et renforcer la compétitivité du Maroc sur la scène internationale en créant un environnement logistique efficace et performant. Yassine ELALAMI Trois questions à Mohammed Abdeljalil « Un pavillon national ne met pas nécessairement l'économie à l'écart des perturbations internationales » Le ministre du Transport et de la Logistique, Mohammed Abdeljalil, a répondu à nos questions concernant la nécessité de redonner vie au pavillon national dans un contexte de hausse des coûts du fret maritime. Pourquoi est-ce avantageux pour un pays de disposer d'un pavillon national dans l'industrie maritime ? Bien entendu, disposer d'un pavillon national est avantageux, mais il faut se rendre compte de ce qui se passe dans l'industrie maritime internationale. Avec l'effet de la mondialisation et l'émergence de sociétés géantes, notamment dans le transport de conteneurs, il est difficile pour de petites sociétés de transport maritime de se développer. Quel est votre constat sur la stratégie du Maroc pour assurer sa souveraineté maritime et sur la flambée des prix du fret maritime ? La stratégie du Maroc pour assurer sa souveraineté maritime se concentre essentiellement sur la disposition d'infrastructures portuaires de classe mondiale, ce qui permet au Royaume d'être connecté convenablement et de profiter du transport international. La flambée des prix du fret a été ressentie par le Maroc, comme par tous les pays du monde, y compris ceux qui disposent d'un pavillon national, car c'est la règle du jeu. La mise en place d'un pavillon national est-elle une mesure soutenable et rentable économiquement, surtout avec la rude concurrence et la concentration que connaît le secteur ? Un pavillon national ne met pas l'économie à l'écart des perturbations internationales. Même si nous avions un pavillon, nous serions contraints de perdre de l'argent quand tout le monde le fait, et encore plus quand les autres changent d'avis. Si nous disposions d'un pavillon national, il appliquerait les mêmes tarifs que les pavillons internationaux. Cependant, j'estime qu'il faut encourager cette initiative, notamment pour la traversée entre le Nord du Maroc et le Sud de l'Europe, et réfléchir au développement du cabotage national pour profiter des 3.000 km de côtes dont dispose notre pays.