Jeudi 30 mars, en fin de journée, l'Autorité de régulation de l'audiovisuel en Algérie (ARAV) pond un communiqué des plus saugrenues. Est dénoncée une séquence des plus banales apparue dans une scène d'une série télévisée diffusée par la chaîne publique de télévision. D'un rien du tout le gendarme de l'audiovisuel algérien a fait un scandale. Le scandale a éclaboussé tout le pouvoir politico-militaire qui ne cesse de multiplier les bourdes et les dérives tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger. La scène mise en cause par l'ARAV se situe à un passage où l'on filmait le marché du quartier populaire de Bab-El-Oued à Alger. Sur l'un des murs apparaît un graffiti mal effacé. « MAK » a lu le gendarme de l'audiovisuel algérien. Un graffiti auquel personne n'a prêté attention. Pas même les dirigeants du MAK (Mouvement pour l'Autodétermination de la Kabylie) ni ses militants. D'ailleurs, il aura fallu une semaine pour que l'ARAV s'en aperçoive. Un appel téléphonique d'un militaire à l'origine du scandale Evidemment, il y a de quoi se demander comment l'ARAV a-t-elle attendue la diffusion de sept épisodes, soit après une semaine, pour qu'elle se réveille sur un graffiti que personne n'a vu. Pour trouver une réponse à cette interrogation nous avons demandé à nos sources proches du bâtiment du 21, boulevard des martyrs à Alger, siège de l'Entreprise Nationale de Télévision (ENTV) pour identifier l'origine de ce branlebas de combat qui a secoué le paysage de l'audiovisuel algérien et donné des sueurs froides à son Directeur général, Nadir Boukabes. Nommé tout récemment à cette fonction en remplacement de Chabane Lounakel limogé en décembre dernier pour une raison des plus sordides. Le nom du Maroc a été prononcé pour annoncer la qualification de sa sélection nationale de football pour les demi-finales de la coupe du monde au Qatar, c'est impardonnable. En moins de 24 heures le boss de la télévision publique est renvoyé comme un malpropre après de longues années passées au service du régime sous Bouteflika et ensuite sous Tebboune. Jusqu'à ce stade de la compétition, les médias algériens se contentaient d'annoncer l'élimination, tour à tour, de la Belgique, du Portugal et de l'Espagne sans citer leur adversaire. Incroyable mais vrai. Cela se passe dans « l'Algérie nouvelle » du tandem Tebboune-Chengriha. Cette fois-ci, l'apparition d'un graffiti sur un mur qui sert de fond à une scène filmée dans un marché a failli coûter son poste à son successeur. Le MAK, trois lettres bannies du lexique des médias algériens si ce n'est pas précédé par la fameuse sentence imposée par les militaires « l'organisation terroriste ». Comment et par qui est arrivé le scandale ? Nos sources assurent qu'un appel téléphonique d'un officier de l'armée à fait sursauter Mohamed Louber, le président de l'ARAV dans l'après-midi du jeudi 30 mars. Dès qu'on lui annonça « t'as pas vu le MAK, cette organisation terroriste, s'afficher en pleine lucarne de la télévision publique ? », il failli tomber en syncope. Il ne retrouva ses esprits qu'après avoir compris qu'il ne s'agissait que d'un graffiti sur un mur et cela a apparu dans la série télévisée « eddamma » (le jeu de dames).
« L'Algérie applique une définition (du terrorisme) qui correspond à son contexte et à sa réalité ». Il ne perd pas son temps pour rédiger un communiqué qu'il transmet à l'agence officielle de presse (Algérie Presse Service) avant d'appeler le pauvre Directeur Général de l'ENTV et lui faire passer un savon. Cette réaction de l'ARAV dictée par un général qui a été, certainement, actionné par un larbin laudateur, est révélatrice du niveau de certains décideurs algériens. Des décideurs auxquels s'appliquent le vieil adage qui dit « quand on montre du doigt la lune à l'idiot, il regarde le doigt ». D'un feuilleton télévisé qui restitue au téléspectateur son triste quotidien qui sombre dans les trafics en tous genres (psychotropes, stupéfiants, Or etc.) pour survivre dans un pays immensément riche, l'on ne retient qu'un graffiti mal effacé. Cette grave dérive de l'ARAV révèle, on ne peut mieux la frilosité du régime politique algérien devant les grandes questions qui se posent, aujourd'hui, en Algérie. Entre autres problèmes celui de la réclamation de l'autodétermination de la Kabylie sous la férule du MAK en réaction à l'état d'abandon dont souffre cette région en matière de développement socio-économique et à la répression qui s'abat sur ses habitants et particulièrement ses jeunes. Au lieu de négocier et de débattre intelligemment avec ce mouvement politique dont la direction est composée essentiellement d'intellectuels et d'universitaires connus et reconnus, le pouvoir d'Alger, rejeté et honni par l'ensemble du peuple algérien, préfère faire dans le déni et le mépris. Pis encore, il qualifie de terroristes ce mouvement et ses militants qui n'ont jamais usé de violence ni par les actes ni par le verbe. En refusant de voir la réalité en face, le pouvoir politico-militaire d'Alger vit un véritable cauchemar qui a pour nom MAK (Mouvement pour l'Autodétermination de la Kabylie). Un mouvement qui gagne en popularité dans sa propre région, la Kabylie. Il est pris en exemple par d'autres régions qui prennent conscience de leurs mauvaises conditions de vie causées par un régime incapable d'assurer à la population les produits alimentaires de base comme le lait, la semoule, l'huile et surtout l'eau courante. Le MAK ne cesse, aussi, de faire essuyer au pouvoir d'Alger, d'incessants revers sur la scène politique internationale notamment au sein des organisations internationales des Droits Humains. Tout récemment, le Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU a rappelé à l'Algérie qu'elle se trompe dans sa définition du terrorisme en mentionnant dans sa résolution « L'Algérie applique une définition (du terrorisme) qui correspond à son contexte et à sa réalité ». Et Ferhat Mehenni, le leader du MAK d'ajouter « une réalité raciste et anti-kabyle. Le traitement inhumain des prisonniers politiques kabyles en est une preuve ».