« Le taux d'activité des femmes marocaines affiche un déclin devenu structurel depuis une vingtaine d'années », tel est le constat dressé par la Senior Fellow au Policy Center for the New South, Mounia Boucetta dans un Policy Brief sur l'accessibilité des femmes aux opportunités économiques au Maroc. « Les avancées réalisées jusqu'à présent n'ont pas permis de réduire les écarts enregistrés par rapport aux Objectifs de développement durable (ODD), notamment ceux relatifs à l'autonomisation des femmes », l'auteure du rapport, rappelant les chiffres du HCP qui montrent que le taux d'activité des femmes est de 19,8 %, soit une baisse cumulée de près de 30 % de 2004 à 2022.
Dans la même veine, précise-t-elle, le Maroc s'est classe à la 139ème parmi 146 pays, selon le « rapport mondial sur l'écart entre les femmes et les hommes » au titre de l'année 2022.
La source de cette « régression » ?
L'experte explique cette régression par plusieurs facteurs. Elle en cite "le faible niveau de scolarité des femmes, les inégalités territoriales, les conditions économiques familiales, le cadre légal et règlementaire ainsi que les stéréotypes qui persistent dans notre société", (la liste est loin d'être exhaustive)... Toutefois, « toutes les initiatives identifiées et engagées en se basant sur ces diagnostics, notamment à travers les programmes et les politiques publiques, n'ont pas produit d'avancées très significatives », déplore-t-elle.
Or, la Senior Fellow reconnaît que « le contexte économique, marqué par plusieurs conjonctures difficiles, particulièrement la crise financière et la COVID-19, a certainement intensifié les vulnérabilités en termes d'accessibilité des femmes aux opportunités économiques ». Mais, elle appelle à l'ajustement et au réexamen « des approches et des programmes en faveur de l'autonomisation de la femme ». L'objectif étant de « rompre les équilibres malsains installés et identifier les voies de croissance, en apportant plus de proximité et de connexion avec les réalités de chaque territoire et de chaque segment des catégories socio-économiques des femmes ».
Etat des lieux
Le taux d'activité des femmes, selon le HCP, continue d'afficher une tendance baissière depuis les deux dernières décennies. Près de de 80 % des femmes sont considérées comme étant non actives, attribuant actuellement le caractère d'activité à moins de 20 % de femmes âgées de plus de 15 ans. Rappelons-le, quatre facteurs sont pris en considération pour mesurer le taux d'activité des femmes. Il s'agit, en l'occurrence, de l'âge, le niveau de scolarité, le milieu et le statut.
Par rapport à l'évolution du taux d'activité masculin, note-t-on, le constat reste le même : « la même tendance à la baisse avec un écart qui se maintient entre le taux d'activité masculin et féminin à un niveau de presque 50 points en pourcentage. »
Âge-statut-milieu-niveau de scolarité
En se basant sur le facteur d'âge, il en découle que le taux d'activité pour les tranches {25-34 ans}, {35-44 ans} et {45-59ans} est supérieur au taux global moyen, même s'il connait la même décroissance. À noter que les tranches d'âge [15 à 24 ans] et [45 à 59 ans] sont celles qui ont subi le plus cette baisse. La régression constatée pour la tranche 15-24 ans, peut être attribuée à l'amélioration du niveau de scolarité des jeunes filles.
Le taux d'activité des femmes âgées de plus de 60 ans va davantage baisser du fait de l'amélioration de l'espérance de vie à la naissance. Rappelons-le, le nombre de femmes dont l'âge est supérieur à 60 ans a été estimé à 2 176 000 en 2021, contre 1 258 000 enregistrés en 2004.
L'analyse par milieu a fait ressortir que le taux d'activité des femmes en milieu rural est relativement plus élevé qu'en milieu urbain. Par rapport au taux d'activité des hommes, pour ces mêmes tranches, une régression a été relevée en milieu urbain et une presque stabilisation en milieu rural.
Par statut, le rapport souligne que « l'accessibilité des femmes aux opportunités économiques est réduite de plus de 50 % une fois mariées, contrairement aux hommes ». Mais, le taux d'activité des femmes, en milieu urbain, n'a subi aucun changement ces dix dernières années, avec « une importance marquée du taux d'activité des divorcées, suivies des célibataires ».
S'agissant du niveau d'études, les femmes diplômées de l'enseignement supérieur affichent une bonne performance. Toutefois, souligne-t-on, l'amélioration du niveau de scolarité des femmes ne mène pas forcément à l'amélioration de ce taux d'activité. Un constat confirmé par l'augmentation du taux de chômage au niveau des diplômées de l'enseignement supérieur qui dépasse le plafond de 30 % en milieu urbain et 45 % en milieu rural.
Sur la base de toutes ces considérations, l'analyse du taux d'activité de la femme pourrait s'orienter vers la catégorie des 25-59 ans « pour soustraire les effets induits par l'amélioration du niveau de scolarité et de l'espérance de vie et cerner les facteurs à effets directs sur l'activité des femmes ».