Après avoir accueilli à bras ouverts même les élèves qui ne s'intéressent pas aux études, Saïd El Mejdani a réussi à obtenir des résultats qui lui ont valu la reconnaissance pour son approche innovante. Interview avec celui qui veut mettre un terme aux méthodes vétustes de l'enseignement. En 2019, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, vous a remis le prestigieux Prix du Canada pour l'excellence en enseignement. Comment avez-vous réussi à corroborer ces résultats impressionnants dans le domaine de l'enseignement ? Racontez-nous votre parcours professionnel... J'ai commencé à enseigner au Maroc au lycée « Jorf Lasfar » à Sidi Smaïl, dans la province d'El Jadida. Pendant huit ans, j'y ai enseigné l'informatique. Arrivé au Québec en 2002, j'ai poursuivi mes études à l'Université de Sherbrooke, où j'ai obtenu une maîtrise en informatique.
C'est dans cette université où la partie intéressante de mon aventure a commencé. J'ai pris l'initiative de créer un club informatique après l'école avec quinze élèves et quatre ordinateurs défectueux. J'ai élaboré le programme de science informatique de l'école à partir de zéro. Le nombre des apprenants s'est agrandi après.
Un an après, le succès des élèves a été remarqué. Une élève a été choisie par Google pour participer à la compétition Google Science Fair, pour avoir inventé un appareil de détection de crise cardiaque.Trois autres élèves ont été invités à la Silicon Valley, à Apple, Meta, Microsoft... ces élèves du collège et du lycée ont réussi à s'imposer à haut niveau.
Ce qui a attiré l'attention des centres de recherche en éducation aux Etats-Unis.
J'ai ensuite été invité pour recevoir le Prix national de l'excellence, de la part du Premier ministre du Canada en 2019, ainsi que l'Ordre du jubilé de platine de la reine Elizabeth II.
Beaucoup de célébrations ont marqué notre expérience qui a commencé avec peu de moyens mais beaucoup de volonté de former des enfants et et de réussir à plus haut niveau.
Avez-vous émigré par choix ou par nécessité ?
Ayant enseigné pendant huit ans dans le monde rural, avec aucune opportunité d'aller plus loin dans mon cursus universitaire et n'ayant pas réussi à avoir une mutation durant ces années, j'ai été « forcé » à chercher ailleurs. C'était pour moi le moyen idoine pour m'épanouir et me développer professionnellement.
Les élèves portent de plus en plus un intérêt particulier au domaine des technologies et de l'Intelligence Artificielle.
Comment peut-on mettre en œuvre une insertion professionnelle efficace dans ce domaine ?
Dans notre programme, on essaye d'enseigner les techniques informatiques les plus avancées aux enfants en bas-âge. J'ai eu beaucoup d'élèves qui ont travaillé sur des projets pour créer des inventions à l'aide de l'IA. S'ils ont les bons outils informatiques et la guidance nécessaire, ils impressionnent.Il faut donc mettre la barre haute et laisser les enfants évoluer. Il y a beaucoup de potentiel. Si les jeunes reçoivent les bons outils informatiques, on aura une génération bien formée en blockchain, Internet des objets... tous ces domaines qui sont en train de changer le visage du monde.
Quels sont ces bons outils informatiques ? Dans les quatre coins du monde, on adopte des approche qui « méprisent » l'intelligence des élèves, minimisent la courbe d'apprentissage et qui sont loin des besoins réels dans le domaine professionnel. C'est ce que j'appelle de « faux outils ». Ils ne servent qu'à faire perdre du temps aux élèves. Il faut leur donner les vrais outils. Ceux utilisés dans les industries et le marché du travail, notamment le langage Python, Java...
Pour favoriser la prise de décision par l'élève, l'orientation scolaire doit passer d'une approche prescriptive à une approche éducative. Quelles démarches suivez-vous dans ce cadre ?
Personnellement, j'adapte mes cours d'informatique à la passion de chaque élève. Dans ma classe, je donne une importance particulière au choix des élèves. Je peux enseigner l'informatique à un élève passionné par les jeux en lui faisant programmer des jeux, ou à la réalité virtuelle... Ils vont tous apprendre la programmation, mais chacun selon sa vision. Chacun de mes élèves est en train de suivre son propre chemin. Pour moi, la perception de l'orientation des élèves est très importante.On ne doit plus faire apprendre aux élèves la même chose car ça ne marche pas. Il faut s'ouvrir sur les différences entre les apprenants.
A propos de la gamification de l'enseignement, à quel point permet-elle de meilleurs résultats chez les élèves ?
C'est une approche intéressante. Les élèves trouvent du plaisir à apprendre. Il y a un problème dans notre société. Beaucoup d'enfants aiment jouer aux jeux vidéo mais leurs parents sont contre cette pratique. Je trouve que le meilleur moyen pour contrer l'addiction des enfants aux jeux vidéo, c'est de leur faire créer des jeux. La motivation devient constructrice et non destructrice.
Comment repenser l'éducation pour préparer les élèves au monde du travail du 21ème siècle ?
On a presque déjà un quart de siècle passé (rires). Malheureusement, l'enseignement est déjà dans le siècle passé. C'est parce qu'on continue de préparer les élèves aux examens. Ça n'a pas de sens pour moi. Il faut former de vraies compétences.
Il s'agit donc de repenser le rôle du professeur dans le cadre de la nouvelle réforme de l'éducation ?
Contrairement à ce qui a été adopté au 20ème siècle, l'enseignant n'est plus le détenteur du savoir. La valeur ajoutée de l'enseignant est dans sa démarche. Celle d'aider les élèves à auto-apprendre et avoir un esprit critique.
Recueillis par Safaa KSAANI
Portrait : Un « rêve canadien » devenu réalité Saïd El Mejdani n'a pas traversé l'Atlantique pour juste se dépayser. Parti en tant qu'enseignant au Québec, il a continué d'abord ses études pour obtenir une maîtrise en informatique à l'Université de Sherbrooke, avant de se tourner vers l'enseignement au Westwood Community High School à Fort McMurray (Alberta). Déjà, comme auxiliaire d'enseignement à l'Université, sa passion pour la technologie et l'innovation n'était pas passée inaperçue. Il y a lancé un club informatique au profit des élèves, et ce, sans budget initial. Le taux de réussite de ses élèves a été étonnamment élevé : certains ont obtenu des notes parfaites à des concours de codage à l'échelle nationale, d'autres se sont classés aux premiers rangs lors de l'Expo-sciences pancanadiennes, d'autres encore ont remporté des bourses d'études prestigieuses. Il a eu, pendant plus de deux décennies, une belle carrière en vulgarisation de la programmation informatique et en adaptation des cours aux compétences des élèves. En reconnaissance de son approche exceptionnelle, Saïd El Mejdani s'est vu remettre un Prix du Premier ministre pour l'excellence dans l'enseignement, en mai 2019, ainsi que l'Ordre du jubilé de platine de la reine Elizabeth II. Depuis 1994, les Prix du Premier ministre pour l'excellence dans l'enseignement rendent hommage aux enseignants des niveaux primaire et secondaire dans toutes les disciplines. Les lauréats des Prix pour l'excellence dans l'enseignement sont honorés pour leurs réalisations exceptionnelles en éducation et pour leur engagement à préparer les élèves à une économie numérique et innovante. S. K.
Holocauste : Le Maroc commence à intégrer la shoah dans ses programmes éducatifs Une équipe d'intellectuels de plusieurs pays arabes s'est réunie en Israël pour un programme d'une semaine axé sur le thème de « la tolérance régionale et internationale, l'élargissement des accords d'Abraham et la promotion d'une éducation juste sur l'Holocauste ». Notons que ce fait historique est devenu synonyme de génocide des juifs d'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale et symbole de l'antisémitisme qui a atteint son apogée à l'époque nazie. Organisé par l'ONG Sharaka, ce programme a accueilli des participants du Maroc, de Bahreïn, de Turquie, d'Irak, de Syrie et d'Algérie pour « créer une plateforme de paix visant à répandre la lumière et la tolérance dans tout le Moyen-Orient ». Pour le Maroc, Mohammad Hatmi, professeur d'histoire, estime qu'il est de son devoir, en tant qu'éducateur, de donner des cours et de sensibiliser les jeunes à l'Holocauste afin de créer les conditions d'un avenir plus radieux et plus sûr. « En tant qu'enseignant, je peux garantir qu'au Maroc, personne ne peut nier l'existence de l'Holocauste en tant qu'événement historique. Nous informons sur les chiffres, et sur les familles », a-t-il déclaré à i24NEWS. De son côté, Samir Hamek, analyste franco-arabe des relations internationales, explique que même si l'enseignement de l'Holocauste ne fait pas partie du programme scolaire au Moyen-Orient, quelques pays comme le Maroc et les Emirats arabes unis commencent à l'intégrer dans leurs programmes éducatifs. « Une grande partie de l'opinion publique du Moyen-Orient ne connaît pas l'existence de l'Holocauste », affirme M. Hamek. « Une autre partie de l'opinion publique du Moyen-Orient connaît l'existence de l'Holocauste mais la nie. Une autre partie pense simplement qu'il s'agit d'une fausse théorie », a-t-il expliqué au média « i24 ». La communauté juive constitue une composante dans la diversité culturelle du patrimoine marocain.Comptant près de 3.500 personnes, aujourd'hui, la communauté juive du Maroc est la plus importante du monde arabe. Le Royaume a montré un engagement constant dans l'effort de consolidation de l'identité nationale dans toutes ses dimensions. Pour rappel, la ville de Tétouan a abrité le 11 janvier dernier, le 1er forum national sur le rôle des juifs marocains dans l'enrichissement de la mémoire collective nationale. Ledit forum a été ainsi marqué par la mise en place d'un Centre des études sur l'histoire des juifs du Maroc du Nord. Rappelons qu'à l'occasion de la Journée internationale de commémoration de l'Holocauste, célébrée le 27 janvier de chaque année, le Consulat général des Etats-Unis à Casablanca a organisé une conférence au Centre culturel Dar America de la métropole, autour du thème « Réflexion sur le passé pour un avenir meilleur ».