C'est au Maroc, à Marrakech, au palais La Bahia, dans les gorges d'Amizmiz, choisies précédemment par les producteurs de « Sodome et Gomorrhe », à Zagora aussi, que Pierre Gaspard-Huit repéra, au mois d'octobre 1962, les extérieurs de « Sheherazade », excellent travail non dépourvu d'ampleur et de mouvement et auquel collaborèrent Christian Matras pour la photo et Janine Charrat pour la chorégraphie. Garspard-Huit et Marc-Gilbert Sauvajon glissèrent dans leur thème les chevaliers de Charlemagne, l'empereur à la barbe fleurie. L'action se déroule en l'an 809 à Bagdad, dans le désert de Mésopotamie, et les auteurs transposèrent à leur façon le conte Sheherazade, sa petite étoile sur le front, ses voiles transparents et ses sourcils peints devenant une brune Iseult, douce et maléfique. Tristan ! C'était Renard De Villcroix. Quant au roi Marc, il revivait dans la noble figure de commandant des croyants, le calif Haroun Rachid. Sans doute, Henry-Jacqus s'est-il souvenu du style poético-oriental de « Ali Baba » quand il réalisa son « Médecin malgré lui » (1955) où Molière rejoignait « les mille et une nuits » par des affinités certaines et subtiles. Auteur d'une œuvrette charmante : « L'arche de Noe », ce metteur en scène avait signé plusieurs documentaires au Maroc avant d'y concevoir ce long-métrage destiné au public de langue arabe et interprété par des comédiens marocains, tunisiens et égyptiens. Parmi ces derniers : Mohamed Tabei, homologue caïrote de Fernandel ; Kamal Chenaoui et Amira Amir, aux appas aussi généreux que ceux de sa compatriote Samia Gamal ; la Morgane de Jacques Becker. « Le médecin malgré lui » fut tourné aux studios de Souissi dans des décors brossés par un peintre établi au Maroc, Edy Legrand, et en extérieur, à Dar Salam puis aux jardins des Oudayas à Rabat, où un élément de décor avait été édifié servant à raccorder les scènes de plein air avec les intérieurs. Avec ses défauts visibles et ses qualités exceptionnelles, en dépit de son hétérogénéité dans l'interprétation « Le médecin malgré lui » réussissait à séduire l'Orient et l'Occidet. Henry-Jacques qui a le sens de l'humour, et visuel surtout, une intelligence fine et un goût pour l'insolite nous offrait, sans vain esthétisme, et comme il l'imaginait, le monde d'Aladin, un conte de fées et une histoire du folklore avec ses babouches enchantées, ses magiciens, ses farfelus, ses maladins merveilleux, ses « Jan » qui hantent les campagnes et tournent le cœur des filles. Présenté au festival de Cannes où chacun s'accorda à reconnaître ses mérites, « Le médecin malgré lui » ne fit aucune carrière commerciale. Il ne fut même pas montré au Maroc. Henry-Jacques en conçut quelques amertumes. Il devait peu après regagner définitivement la France. Le bûcheron »Goha », du « Médecin malgré lui », n'était autre que Sganarelle. « Goha », du Maroc à l'Egypte, est l'incarnation des braves gens, l'équivalent de Marius, irrévérencieux et hâbleur, sensible mais non sentimental. On se répète ses histoires et ses mésaventures dans les souks. Elles sont souvent fort spirituelles. Le personnage a servi de prétexte à la confection de plusieurs films égyptiens. « Il a vingt ans, mais il n'est pas encore né », dit l'un des protagonistes de « Goha » (1958) de Jacques Bartier qui n'avait pas encore signé l'agressive « Poupée » et sa pochade « Dragées au poivre ». C'est au cours d'un voyage à pied à travers l'Afrique, où il se livrait à la peinture, que Bakatier rencontra dans le Sahara algérien l'équipe de tournage de « L'escadron blanc ». Il se lia d'amitié avec quelques techniciens et sans aller plus loin, décida de faire du cinéma. Il tourna au Maroc son premier court-métrage « Fille du Soleil » (1950). Film franco-tunisien, dialogué par le poète libanais Georges Schehade d'après « Goha, le simple » de Ades et Josipovici, c'était une œuvre d'une extrême qualité de son et d'atmosphère, fort éloignée de l'imagerie classique de l'Islam. Carte de fées dans lequel foisonnaient de splendides couleurs qui réjouissent le personnage comique de Goha incarné par Omar Sharif.