Durant la conférence de presse du 20 décembre, le wali de Bank Al-Maghrib a annoncé que la signature de la ligne de crédit modulable aurait lieu en mars prochain, après la sortie du Royaume de la liste grise du GAFI. Au cours de la conférence de presse suivant le Conseil de Bank Al-Maghrib, le wali de la Banque centrale Abdellatif Jouahri est revenu plus en détail sur la ligne de crédit modulable (LCM) que le Maroc est en train de négocier avec le FMI. Le recours à ce mécanisme de financement a été annoncé le 5 décembre courant par la ministre de l'Economie et des Finances, Nadia Fettah, devant la Chambre des Conseillers. Cette ligne de crédit modulable permettra au Maroc de se prémunir contre les chocs internationaux. Il est dédié principalement aux pays en voie de développement ayant des bases macroéconomiques solides et une capacité de mener des politiques économiques et financières saines, avait expliqué la ministre. Selon les documents du FMI relatifs à ce mécanisme, les pays admissibles bénéficient de la souplesse de pouvoir effectuer un tirage sur la ligne de crédit à tout moment pendant une période déterminée, ou de la considérer comme un dispositif de précaution. La LCM assure aux pays admissibles l'accès immédiat à un montant élevé de ressources du FMI sans conditionnalité continue, grâce à la solidité de leur politique économique. Cette LCM fonctionne comme une ligne de crédit renouvelable qui peut initialement être ouverte pour un ou deux ans avec réexamen des conditions d'admissibilité à la fin de la première année. Lorsqu'un pays décide de tirer sur la ligne de crédit, le remboursement doit être effectué sur une période allant de 3 ans et un trimestre à 5 ans. Le montant d'accès aux ressources du FMI n'est pas plafonné et le besoin de financement est évalué au cas par cas. Sortie de la liste grise D'après le wali de la Banque centrale, cette signature interviendra probablement en mars, date à laquelle il aura rempli certaines conditions, notamment celle de la sortie de la liste grise du Groupe d'action financière (GAFI). Le Royaume figure depuis 2021 dans la liste grise des « Administrations sous surveillance accrue », car le pays n'était pas conforme à trois normes parmi les quarante fixées par l'organisme. Ces normes concernent les aspects organisationnels et d'échanges d'informations entre les institutions et les praticiens, le faible niveau de sanctions, et les moyens humains et matériels mobilisés dans la lutte contre le blanchiment. Cela plaçait le Maroc dans la liste grise, ce qui avait des répercussions dans l'accès à certains financements auprès des instances internationales (FMI, Banque Mondiale...). Depuis lors, le gouvernement a introduit un ensemble de réformes pour se conformer aux exigences du GAFI. Parmi ces réformes, figure la loi n° 12-18 modifiant et complétant le Code pénal, et la loi n° 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Cette nouvelle loi a élargi, entre autres, la liste des crimes de blanchiment, en introduisant les crimes des marchés financiers, les crimes des ventes et des services pyramidaux, ainsi que les trusts constitués hors du territoire marocain. Cette même loi a aussi créé une nouvelle entité, l'Autorité Nationale du Renseignement Financier (ANRF), chargée de centraliser toutes les actions dans ce domaine. "La visite des experts GAFI interviendra entre le 16 et le 23 janvier prochain. Elle aura pour objectif de s'assurer que le Maroc a appliqué leurs recommandations. Ils vont s'assurer que cette application est effective. Dans ce cadre, ils vont avoir des entretiens avec les secteurs qui ont été ciblés par leurs recommandations. On espère que cela sera résolu", a expliqué Abdellatif Jouahri. "Ce comité va soumettre son rapport à la réunion du GAFI à Paris en février 2023. Et l'assemblée générale va prendre la décision définitive de sortir le Maroc de la liste grise. Cela va lever un frein à la négociation sur la facilité modulable avec le FMI", a poursuivi le wali de la Banque centrale. La sortie de la liste grise du GAFI permettra non seulement d'avoir des conditions plus favorables pour le crédit modulable, mais elle améliorera aussi la note souveraine du Maroc. Contexte inflationniste Pour ce dernier Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) de l'année, il a été décidé une seconde hausse consécutive du taux directeur. Ce taux a été relevé de 50 points de base à 2,50%. La décision est motivée principalement par le contexte inflationniste que traverse le pays depuis le début de l'année. Le Conseil a en effet noté que l'évolution de l'inflation va devoir continuer à enregistrer des taux élevés pour une période bien plus longue que prévu en septembre, impactée notamment par les pressions externes qui se diffusent aux biens et services non échangeables et par la mise en oeuvre de la réforme du système de compensation à partir de 2024. Cette inflation devrait ressortir à 6,6% en 2022, après 1,4% en 2021, tirée essentiellement par l'accélération de la hausse des prix des produits alimentaires et des carburants et lubrifiants. Les deux hausses du taux directeur en septembre et en décembre n'ont cependant toujours pas eu d'effet sur les taux débiteurs des banques. "Nous avons eu les taux appliqués par les banques au troisième trimestre, et nous attendons le quatrième trimestre. On verra à ce moment-là si les banques ont surpondéré ou au contraire elles l'ont strictement appliqué. Il y a un deuxième élément, ce sont les échanges de contrats. La banque ne peut pas venir dire au milieu d'un contrat qu'on va passer à un autre taux", a expliqué le wali de BAM en conférence de presse. Abdellatif Jouahri a fait remarquer que l'inflation a tendance à baisser, même si elle reste à des niveaux élevés. "Nous estimons que l'augmentation cumulée de 100 points de base va permettre d'ancrer les anticipations d'inflation. On verra à ce moment-là comment les choses vont évoluer à l'horizon 2024, après la décompensation complète des produits subventionnés. Est-ce qu'on a dépassé le pic de l'inflation en octobre ou pas ? On verra comment les choses vont se comporter en novembre et décembre et les premiers mois de 2023. On analysera à ce moment-là l'évolution des prix sur les biens échangeables, les pourcentages des biens non-échangeables où cela se diffuse, et quel pourcentage de ces biens non-échangeables est touché par cette augmentation des prix", a détaillé le Wali. Soufiane CHAHID