Après la mise en place de la loi 15-18 relative au financement collaboratif, le ministère des Finances fixe les modalités d'exercice pour les sociétés spécialisées en la matière. En février 2021, le très attendu projet de loi n°15-18 relatif au financement collaboratif a été voté à l'unanimité au Parlement. Selon le ministère de tutelle, la mise en place de ce cadre juridique s'inscrit dans les efforts des Pouvoirs Publics visant à renforcer l'inclusion financière des jeunes porteurs de projets et devra contribuer à la mobilisation de nouvelles sources de financement au profit des très petites, petites et moyennes entreprises et des jeunes porteurs de projets innovants. L'idée est également de permettre la participation active des financeurs potentiels aux projets de développement du pays via un mécanisme de financement simple, sécurisé et transparent. Cependant, malgré ce texte, aujourd'hui en vigueur, il reste encore pas mal d'éléments à clarifier dans les futurs textes réglementaires, notamment en matière de conditions d'exercice de ce mode de financement et en termes de «crowdfunding equity», comme l'ont souligné Eric Asmar, CEO de Happy Smala, et Salaheddine Moutacharif, co-fondateur de l'In-LabAfrica- centre pour l'innovation et l'entrepreneuriat de l'ESSEC Afrique, dans une interview accordée à « L'Opinion ». Dans ce sillage, la ministre de l'Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, a fixé davantage les modalités d'exercice, via trois arrêtés qui concernent les sociétés de financement collaboratif et les réseaux d'investisseurs providentiels. Selon ces derniers, la Société de Financement Collaboratif (SFC) doit veiller à ce que les principes d'équité, de transparence, d'intégrité et de priorité de l'intérêt du client soient respectés. Il faut donc indiquer dans le dossier de demande d'agrément les activités connexes à l'activité principale qu'elle entend exercer. De plus, l'arrêté insiste sur l'impératif d'informer les clients des activités connexes en y faisant référence dans le système de gestion de la plateforme de financement collaboratif, ainsi que dans tout contrat la liant à ses clients. Ceci dit, une société qui exerce une ou plusieurs activités connexes doit mettre en évidence les revenus résultant de l'exercice de ces activités et les séparer des revenus générés par son activité principale. S'agissant des investisseurs providentiels, un cahier des charges a été fixé par la tutelle, pour assurer le bon fonctionnement des éventuels dispositifs de financement (Voir article annexe). Ça avance... à pas de tortue ! À l'instar de toutes les activités rendues possibles par l'évolution technologique, mais qui tardent encore à être encadrées convenablement au niveau légal, quelques campagnes de crowdfunding ont été expérimentées au Maroc, notamment à travers des plateformes étrangères ou, encore, à travers des plateformes marocaines domiciliées à l'étranger. Le potentiel du crowdfunding réside pourtant bien au-delà des simples financements par dons puisque le concept peut également impliquer un financement participatif par prêt ou par investissement en capital. Sur la période 2019-2021, environ 3,7 millions de dirhams (MDH) ont été collectés par les projets nationaux, via les plateformes de financement collaboratif, selon les résultats du baromètre du Crowdfunding marocain. Il s'agit globalement de 171 projets financés sur 13 plateformes françaises, américaines, marocaines et celles du Moyen- Orient. Le montant maximum mobilisé, par campagne, a atteint 317.867 dirhams, tandis que le plus grand nombre de contributeurs par campagne s'est élevé à 1.198. Ceci dit, en parcourant les diverses modifications apportées au projet de loi N° 15.18 relatif au financement collaboratif, en plus des récents arrêtés, il est de notoriété publique que des efforts ont été consentis afin de simplifier les procédures prévues pour encadrer les pratiques de crowdfunding au Maroc. Outre les modalités de création et des plateformes de financement collaboratif, le projet de loi définit par ailleurs les règles spécifiques à chacune des trois formes de financement collaboratif, des engagements et des obligations de la SFC, notamment en matière de vérification préalable des projets à financer, de sécurisation des transferts, de protection des contributeurs et d'information du public. Le projet de loi ne manque pas d'établir les plafonds en termes de montants à lever par projet et par contributeur pour les différentes formes de financement. Dans les milieux associatifs et ceux des startups, la mise en oeuvre de cette nouvelle loi est très attendue, d'autant plus que le contexte actuel, marqué par la crise économique, exacerbe le besoin de ces parties prenantes à recourir à des solutions de financement alternatif comme le crowdfunding. À ce jour, le Royaume est considéré parmi les premiers pays d'Afrique et de la zone MENA à avoir mis en place un cadre juridique pour réglementer les activités de crowdfunding. Souhail AMRABI
L'info...Graphie Collaboration Près de 4 millions de dirhams collectés pour les projets
Environ 3,7 millions de dirhams (MDH) ont été collectés par les projets marocains sur la période 2019-2021, via les plateformes de financement collaboratif, selon les résultats du baromètre du Crowdfunding marocain. Le baromètre fait également état de 171 projets marocains financés sur 13 plateformes françaises, américaines, marocaines et celles du Moyen-Orient, indiquent Happy Smala, ESSEC Afrique et In-LAB Africa dans un communiqué. Par campagne, le montant maximum mobilisé a atteint 317.867 dirhams, tandis que le plus grand nombre de contributeurs par campagne s'est élevé à 1.198. «Les données collectées montrent un vrai engouement pour le crowdfunding, accéléré après la publication au Bulletin Officiel de la loi 15.18 pour le financement collaboratif le 9 mars 2021».
Investisseurs providentiels Quelles sont les conditions à remplir ?
Les contributeurs sont les personnes physiques habilitées en matière de la finance et de l'investissement et qui devraient avoir les moyens pour contribuer à une opération de financement collaboratif. Les investisseurs providentiels peuvent constituer un réseau créé sous la forme d'association. Voici les conditions à remplir : - la détention d'un portefeuille composé d'un ou de plusieurs instruments financiers tels que définis par l'article 2 de la loi n°44-12 relative à l'appel public à l'épargne et aux informations exigées des personnes morales et organismes faisant appel public à l'épargne d'une valeur supérieure à 300.000 dirhams ; - la réalisation de plusieurs opérations financières sur des instruments financiers d'un montant supérieur à 100.000 dirhams par opération, ou par prise de participation dans le capital des sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne, et ce, à raison d'une opération en moyenne par année, sur les trois années précédant la demande d'adhésion au réseau d'investisseurs providentiels ; - l'occupation pendant une période d'au moins un an d'une position professionnelle exigeant une connaissance des formes d'investissements, notamment dans le secteur financier, tel que le secteur bancaire, le capital-investissement, ou dans le conseil, l'entrepreneuriat et la gestion des entreprises.
3 questions avec Eric Asmar et Salaheddine Moutacharif Les derniers textes éclaircissent les attentes des régulateurs
Eric Asmar, CEO de Happy Smala, et Salaheddine Moutacharif, co-fondateur de l'In-LabAfrica- centre pour l'innovation et l'entrepreneuriat de l'ESSEC Afrique, nous livrent leurs visions sur le crowdfunding au Maroc. - Quelles sont les perspectives d'évolution du crowdfunding au Maroc, surtout en matière d'adhésion des personnes ? - Le crowdfunding se positionne comme complément des autres types de financements institutionnels sur le marché, notamment pour financer des projets que les banques, les bailleurs et les investisseurs ne peuvent pas financer. Beaucoup d'entreprises et d'associations traversent la "vallée de la mort" entre des financements (souvent des subventions) qu'elles peuvent recevoir au lancement de leur activité, et des fonds institutionnels plus importants généralement réservés pour des projets plus matures avec plusieurs années d'activité. Le crowdfunding peut servir comme pont pour traverser cette vallée. Concernant l'adhésion, les résultats du baromètre nous montrent un engagement fort pour soutenir des projets sociaux, culturels et environnementaux au Maroc, notamment de la part des Marocains du Monde. En moyenne, plus de la moitié des contributions aux campagnes de crowdfunding provient de l'étranger, qui est un phénomène bien établi dans les économies émergentes. - La loi 15.18 sur le financement collaboratif est-elle favorable au développement imminent de ce mode de financement ? - Les derniers textes éclaircissent les attentes des régulateurs en matière d'agrément et de suivi des plateformes de don et de prêt, notamment en matière de gestion de risques et de transparence vis-à-vis du public. Il reste encore pas mal d'éléments à clarifier dans les futurs textes réglementaires, notamment concernant le crowdfunding equity. Le plus important pour les nouvelles plateformes et leurs clients sera l'opérationnalisation de ces textes, et à quel point les régulateurs seront impliqués dans leur quotidien. Ceci va s'éclaircir au moment du lancement des processus d'agrément des plateformes. - Quelle place est-elle accordée au crowdfunding dans l'écosystème entrepreneurial et des start-ups au Maroc ? Comment évolue-t-il ? - La place du crowdfunding, même si en forte croissance, reste limitée, se heurtant à plusieurs obstacles réglementaires. Ceci dit, la perception et la prise de conscience par rapport à ce mécanisme de nancement ont beaucoup évolué. Si nous arrivons à régulariser et cadrer le crowdfunding au Maroc, nous pensons qu'il sera un outil précieux pour l'accélération et le développement de l'écosystème entrepreneurial et un soutien pertinent pour la création et la survie des start-ups émergentes. Recueillis par S. A.