Les deux pays vont normaliser leurs relations après près d'un siècle de brouille. Une ouverture des frontières pourrait même intervenir avant la fin de l'année. L'Arménie et la Turquie vont signer, avant la mi-octobre, un protocole consacrant la normalisation de leurs relations, ont annoncé, lundi soir, les ministères des Affaires étrangères des deux pays et de la Suisse, qui joue le rôle de médiateur. L'information, inattendue, signifie la fin de près d'un siècle d'animosité qui règne entre Ankara et Erevan. Animosité liée, notamment, aux massacres d'environ 1,2 million d'Arméniens sous l'Empire ottoman, entre 1915 et 1916. La diplomatie du football Tout s'était envenimé à la fin du siècle dernier. La frontière entre les deux pays avait été fermée, en 1993, à l'initiative de la Turquie. Ankara entendait ainsi manifester son soutien à l'Azerbaïdjan, en conflit avec les séparatistes arméniens dans la région du Haut-Karabakh. Aujourd'hui, changement de ton. Les « consultations politiques internes », nécessaires pour parvenir aux accords, devraient se terminer dans six semaines. « Si tout se passe comme prévu, si des mesures réciproques sont prises, la frontière pourrait être ouverte autour du Nouvel an », a annoncé, hier, le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu. « Un pas historique pour la résolution du conflit avec Erevan », a titré, hier, le quotidien Milliyet qui, comme de nombreux journaux turcs, avait placé la nouvelle à la une. Contrairement aux attentes des milieux nationalistes, le ton des éditos et des commentaires des lecteurs était plutôt accueillant pour cette nouvelle « ouverture » du gouvernement turc. Peu de voix se sont élevées pour parler de « trahison envers nos frères Azeris », comme cela aurait été le cas il y a quelques années. Tout s'explique Le processus de normalisation des relations entre les deux pays avait commencé, en 2008, par la visite du président turc, Abdullah Gül, à Erevan, pour un match de la Coupe du monde. La diplomatie du football est toujours en marche puisque, cette fois-ci, le président arménien, Serj Sarksian, est invité le 14 octobre, à Bursa, pour assister au match Turquie-Arménie. Ce revirement de la Turquie dans les relations avec l'Arménie n'est pas le fait du hasard. « La Turquie est au coeur des routes énergétiques. Elle doit sécuriser ses territoires et résoudre les problèmes avec ses voisins. Elle n'a pas d'autre choix », écrivait, lundi, Ismet Berkan, chroniqueur du quotidien Radikal. Le gouvernement conservateur musulman de l'AKP a mis aujourd'hui en oeuvre de nombreuses réformes pour résoudre les problèmes historiques de la Turquie : la question kurde, le problème chypriote et les relations avec l'Arménie. En s'efforçant de réaliser ces réformes, la Turquie sait parfaitement qu'elle oeuvre à sa candidature pour une intégration dans l'Union européenne.