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Interconnexion des bassins hydrauliques : Un chantier indispensable, aux mille et un défis !
Publié dans L'opinion le 03 - 11 - 2022

Le Royaume s'apprête à entamer le chantier d'interconnexion de ses bassins hydrauliques. Un projet stratégique nécessaire qui implique également de mettre en place une veille écologique adéquate.
Après le projet de raccordement direct des barrages El Massira et Idriss 1er au réseau d'alimentation en eau potable, le Royaume entame une nouvelle étape vers l'optimisation de son potentiel hydrique avec le tant attendu chantier d'interconnexion entre les bassins hydrauliques. Inscrite au titre du Plan National de l'Eau 2020- 2050, la première phase du projet ambitionne de créer un réseau de transfert des ressources hydriques entre les bassins de Sebou et du Bouregreg. Les travaux de la première tranche prioritaire qui relieront le barrage de garde Kodiat Borna au barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah devraient commencer dans les prochains jours.
À terme, cette première phase permettra «d'assurer l'approvisionnement en eau potable de l'axe Rabat-Casablanca», avait ainsi annoncé le ministre de l'Equipement et de l'Eau, M. Nizar Baraka, lors de la réunion de la Commission nationale de suivi du programme d'approvisionnement en eau organisée le vendredi 21 octobre 2022.
Un chantier indispensable
«Dans un contexte de changement climatique, de raréfaction des ressources en eau, d'accentuation des phénomènes climatiques extrêmes, de succession de périodes de sécheresse et de répartition disparate de la pluviométrie entre les régions, cette interconnexion s'avère indispensable », a par ailleurs révélé M. Nizar Baraka. En août dernier, le ministère de l'Equipement et de l'Eau avait lancé un appel d'offres portant sur la réalisation d'une étude d'impact sur l'environnement naturel et socio-économique et la rentabilité économique du vaste projet d'interconnexion des bassins du centre : Sebou, Bouregreg, Oum Er-Rbia et Tensift.
Les documents accompagnant l'appel d'offres en question précisaient par ailleurs que l'étude de la tranche prioritaire (relative à l'interconnexion Kodiat Borna- Sidi Mohammed Ben Abdellah) était déjà en cours et que l'adjudicataire de l'appel d'offres devait prendre en considération l'état d'avancement du projet dans son ensemble.
Considérations écologiques
«Le projet d'interconnexion des bassins hydrauliques du Royaume est une initiative positive puisqu'elle permettra de transférer les ressources hydriques excédentaires vers des bassins déficitaires. De ce point de vu là, ce projet ne peut qu'être salutaire puisqu'il permettra de renforcer la sécurité hydrique», commente Pr Mohamed Fakhaoui, directeur de l'Institut Scientifique de Rabat.
«Les études d'impact sur l'environnement de ce projet sont cependant importantes pour contrôler les divers aspects environnementaux. Le bassin de Sebou par exemple n'est plus aussi riche en ressources hydriques comparativement à son état d'il y a quelques décennies. Les dispositifs de transfert de l'eau devront donc prévoir des seuils bien établis pour les volumes à transférer afin d'éviter des phénomènes comme la salinisation des eaux», poursuit le scientifique qui estime par ailleurs important de mettre en place des mécanismes de contrôle de l'eau transférée.
Lutte contre la pollution
L'interconnexion des bassins hydrauliques du Royaume devra composer avec d'autres risques environnementaux comme la propagation des espèces aquatiques invasives de faune et de flore. «C'est un aspect qui sera certainement anticipé à travers des mécanismes dédiés», spécule notre interlocuteur. «Je pense que la lutte contre la pollution des cours d'eau doit également prendre une nouvelle ampleur au vu des enjeux et du contexte hydrique national.
Une autre considération importante est de veiller à garantir un débit suffisant en aval des barrages pour que la vie et que les écosystèmes aquatiques et terrestres puissent se maintenir et continuer à fournir des services écosystémiques. Le transfert de l'eau entre les bassins sera donc un arbitrage permanent pour tirer un profit maximal des ressources hydriques disponibles. L'eau devra cependant continuer à couler pour arriver vers la mer. C'est un cycle naturel qu'il ne faut pas rompre pour ne pas impacter les équilibres écologiques des estuaires et du littoral», conclut Mohamed Fakhaoui.
Omar ASSIF
Repères
300 millions de m3 par an
La première tranche urgente (du projet d'interconnexion des bassins) qui permettra de relier le bassin de Sebou au barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah sera réalisée entre 2022 et 2023 pour sécuriser l'approvisionnement en eau potable de la zone côtière Salé-Rabat-Casablanca et indirectement le Grand Marrakech. Elle permettra d'assurer un débit de 15 m3 par seconde et subviendra ainsi aux besoins en eau potable de la zone d'action d'environ 300 millions de m3 annuellement.
Interconnexion des AEP
Pour améliorer sa sécurité hydrique, le Royaume a déjà entrepris plusieurs opérations d'interconnexion de systèmes d'Alimentation en Eau Potable (AEP) : le raccordement des systèmes AEP du Sud et du Nord du Grand Casablanca (2.5 m3/s), le système AEP du Grand Tanger qui a été connecté au barrage Dar Khrofa, l'interconnexion de la ville de Targuist au système d'AEP de la ville d'Al Hoceima et l'interconnexion des complexes Aoulouz et Moukhtar Soussi avec le système d'AEP du Grand Agadir.
L'info...Graphie
Infrastructures
Une meilleure solidarité hydrique entre les bassins hydrauliques

Projet stratégique par excellence, le vaste chantier d'interconnexion des bassins de Sebou, Bouregreg, Oum Er-Rbia et Tensift vise à assurer une souplesse et une meilleure gestion intégrée des ouvrages hydrauliques et renforcer la robustesse des systèmes hydrauliques face au changement climatique.
Nécessitant un investissement estimé entre 3 et 5.4 milliards de dirhams, ce projet permettra également de mieux valoriser les ressources hydriques en sécurisant l'approvisionnement en eau potable de la zone côtière Rabat-El Jadida et du Grand Marrakech et réduire ainsi le déficit en eau structurel enregistré notamment dans les périmètres irrigués des Doukkala et du Haouz Central-N'fis.
La première phase permettra d'interconnecter le barrage de garde du Sebou au barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah au niveau du bassin de Bouregreg.
La deuxième phase permettra pour sa part d'assurer l'interconnexion du barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah et du barrage Imfout au niveau du bassin Oum Er-Rbia.

Compensation
3000 hectares de forêt reboisés pour 163 hectares impactés

Le ministre de l'Equipement et de l'Eau, M. Nizar Baraka, et le directeur de l'Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF), M. Abderrahim Houmy, ont procédé, mardi 25 octobre 2022, à la signature d'une convention-cadre de partenariat et deux conventions spécifjques.
En vertu de la convention-cadre, les deux parties s'engagent à renforcer les mécanismes nécessaires visant la valorisation et la protection du domaine public et la préservation des ressources en eau à travers l'appui aux programmes de lutte contre l'ensablement et l'aménagement des bassins-versants à l'amont des barrages.
La première convention spécifique concerne le mécanisme de compensation environnementale qui sera mis en place par le ministère de l'Equipement et de l'Eau puisque la réalisation du projet d'interconnexion des bassins hydrauliques du Sebou et du Bouregreg impactera à terme près de 163 hectares de la forêt de Maâmora.
Ainsi, le ministère de l'Equipement et de l'Eau s'est engagé auprès de l'Agence Nationale des Eaux et Forêts à financer les opérations de reboisement de 3000 hectares forestiers pour une enveloppe financière de 30 millions de dirhams.
Enfin, la deuxième convention spécifique entre les deux institutions porte sur la réalisation d'un projet de protection contre le phénomène de l'ensablement de la voie expresse de la Région de Laâyoune-Sakia El Hamra. Ce projet, qui s'étale sur une période de quatre ans, nécessitera pour sa part une enveloppe budgétaire d'environ 48 millions de dirhams.

3 questions au Pr Mohamed Fakhaoui
«Il existe parfois de grandes différences en termes de composantes des milieux dans ces différents bassins»

Directeur de l'Institut Scientifique de Rabat et auteur de plusieurs études sur les écosystèmes aquatiques continentaux du Royaume, Pr Mohamed Fakhaoui répond à nos questions.
- Pensez-vous que le projet d'interconnexion des bassins puisse avoir un impact écologique positif ?
- Les eaux des différents bassins hydrauliques ne sont le plus souvent pas connectées naturellement. De ce fait, il existe parfois de grandes différences en termes de composantes de leurs milieux respectifs. Le principal bénéfice du projet d'interconnexion des bassins sera de pouvoir sécuriser l'approvisionnement en eau potable. Cela dit, si une veille sanitaire efficace est mise en place afin de garantir la qualité de l'eau transférée, il est certain qu'un des aspects écologiques positifs sera la possibilité de sauver les bassins déficitaires qui, autrement, auraient pu perdre toutes leurs richesses écologiques.
- Existe-t-il dans les barrages du Royaume des mécanismes pour assurer le passage des poissons ?
- La majorité des grands barrages du Royaume ont été dotés de systèmes de passage des poissons migrateurs. Il faut cependant noter que toute la faune aquatique n'a pas besoin de ces passages. Certaines espèces, uniquement, ont en réellement besoin comme l'anguille ou l'alose. Pour le reste, c'est surtout le besoin d'un mouvement de l'eau et donc d'un débit écologique qui est par ailleurs prévu dans la loi de l'eau afin de garantir que les écosystèmes aquatiques et même terrestres puissent également bénéficier d'un minimum d'eau à travers les barrages.
- Les systèmes de passage des poissons migrateurs qui existent dans les barrages au Maroc sont-ils efficaces ?
- On a depuis toujours trouvé des anguilles en amont des barrages parce qu'il y avait justement des passages prévus à cet effet. Il est vrai que ces dispositifs n'étaient pas suffisamment aménagés, mais ces dernières années ont connu la réalisation de projets de réinstallation de ces passages. C'était le cas notamment au niveau du bassin de Sebou qui a connu cette année la mise en place de dispositifs de ce genre suite à un travail qui a engagé l'Agence Nationale des Eaux et Forêts, l'Institut Scientifique, ainsi que plusieurs experts nationaux et internationaux.
Recueillis par O. A.


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