La disparition de l'Ethiopien Fikro Kidane, nous prive de l'une des meilleures plumes qu'ait connu le continent. Il est de la génération journaux, presse papier, aujourd'hui transcendée par les réseaux sociaux. Fekrou Kidane est le dernier animateur de toute une génération, entrée en fonction à la post-indépendance de la majorité des pays africains. La mission de cette génération était marquée par le courant de la négritude et, aussi, l'auteur des "Damnés de la terre", Franz Fanon. Dont la première édition fut préfacée par Jean-Paul Sartre ! Ils avaient pour objectif la décolonisation des médias pour hisser les journalistes autochtones à un rang professionnel. C'est le cas avec Fekrou Kidane, Mahjoub Faouzi, Shampupu Wa Tshampupu, feu Jacques Marchand et d'autres encore. Je l'ai rencontré souvent dans des manifestations internationales ou en Afrique. Y compris au Maroc, qu'il aimait et dont il appréciait les engagements, au profit du Continent. Fekrou a participé, avec un groupuscule de médiacrates africains à la fondation de l'Union des journalistes sportifs africains (UJSA/ AIPS Africa) début 1970 à Khartoum. Et depuis, la presse sportive africaine est confrontée à des problèmes majeurs, qui empêchent un décollage qualitatif de la masse des médias. On relèvera que les journalistes africains se sont hissés au rang de faiseurs et défaiseurs d'opinion, et suscité le respect des élites dirigeantes africaines, dans tous les secteurs d'activité. Fekrou était soutenu par son compatriote le Président de la CAF Idnekatchew Tessema, dont le nom est donné à un stade de la périphérie casablancaise, à Ben Msik Sidi Othman. Il faut rappeler à ce propos que l'Ethiopie, l'Egypte, le Soudan furent les fondateurs de la CAF, avant l'exclusion de l'Afrique du Sud pour cause d'apartheid. Cette génération s'était fixée comme objectif, l'accès aux institutions sportives internationales, avec Fekrou Kidane, qui exerça en tant que diplomate, tout autant que Tshempupu Watshimpupu, qui assuma le rôle de ministre des Sports au sein du gouvernement Mobutu. Outre ces problèmes stratégiques, Fekrou fut hissé au rang de directeur de cabinet du CIO, durant deux mandats, du temps de Samaranch et des nombreux scandales causés, entre autres, par des dirigeants africains dont M. Ganga, héros de l'affaire Salt Lake City de triste mémoire. Fekrou Kidane, tout autant que les doyens de la presse continentale ont su contrer et les dérapages des dirigeants africains, avec la même rigueur mise dans l'interpellation des critiques hostiles occidocentristes. L'AIPS se rangea du côté du clan africain et de l'UJSA, qui connut une nouvelle jeunesse, celle de la formation. Avec Jacques Marchand, Fekrou prit son stylo de pèlerin pour transmettre son savoir et son expérience aux jeunes journalistes, tout au long de sa carrière. Il savait que seule la formation, à travers des stages, pouvait aider des journalistes aux "pieds nus", dans une Afrique où peu de pays disposaient d'écoles de journalisme et peu sinon aucun n'enseignait le journalisme sportif. On peut rappeler toutes les autres nombreuses missions, tenues et réussies par Fekrou Kidane, qui m'avait suggéré de baptiser le siège de l'UJSA/AIPS Africa du nom de Shampupu Watshampupu. Aujourd'hui, le siège mérite qu'on y associe celui de Fekrou Kidane. Adieu l'ami !