Après des mois de pourparlers, le clash entre le ministère de l'Enseignement supérieur et les étudiants marocains d'Ukraine n'est pas encore terminé. Si Abdellatif Miraoui a listé une série de mesures pour intégrer ces derniers, leurs représentants appellent à plus d'efforts. Des concours nationaux pour intégrer les étudiants d'Ukraine dans les universités privées. Telle est la formule proposée par Abdellatif Miraoui, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche Scientifique et de l'Innovation, après des mois de consultations, mais surtout de prises de bec avec les représentants de ces étudiants qui ont fui la guerre russo-ukrainienne. Une mesure réfutée par la Coordination des étudiants marocains d'Ukraine qui appelle la tutelle à interagir positivement avec toutes leurs demandes, notamment en permettant l'accès direct aux universités publiques. « La solution prise contredit les engagements annoncés par le ministère», selon la Coordination qui avance que la tutelle avait promis d'intégrer ces étudiants dans les universités publiques en application du principe de solidarité prôné par la Constitution. Pour soutenir leur plaidoyer, les étudiants notent que le Royaume compte suffisamment d'établissements étatiques, de quoi aborder le flux, notant que le nombre d'étudiants en médecine est de 835, ceux en pharmacie dépasse à peine 650, tandis que ceux en médecine dentaire est de 682. «Les universités publiques ouvrent chaque année la porte aux étudiants étrangers, selon des quotas bien définis. Cette année, ils doivent donner la priorité aux étudiants forcés de quitter l'Ukraine», insistent les représentants des parents de ces étudiants. Ces étudiants auraient dû bénéficier du quota de 20% qui a été ajouté cette année, ajoute la même source, sachant que le Maroc a besoin de 32.000 médecins pour répondre efficacement aux chantiers Royaux liés à la généralisation de la couverture sanitaire. Sauf que cette démarche a fortement été dénoncée par les étudiants locaux en médecine, qui la considère injuste et préjudiciable à la formation académique marocaine. Des réserves plus ou moins légitimes, du moment que les études en Europe de l'Est sont mal cotées tandis qu'au Maroc la médecine incarne un véritable parcours du combattant et le chemin pour y accéder est parsemé d'épines. Il ne faut donc pas s'étonner de voir les futurs médecins plaider le principe constitutionnel de l'égalité des chances et du mérite. A cela s'ajoute l'encombrement des Facultés publiques et des hôpitaux universitaires, objet de frustration estudiantine depuis des années, sans oublier les places limitées - et très concurrentielles - au diplôme de spécialité... qui renforcent leur grogne. Ce sont d'ailleurs ces mêmes facteurs qui auraient poussé Miraoui a opté pour l'intégration des étudiants d'Ukraine dans le circuit privé, plutôt que dans le public. Le dilemme des frais de scolarité Les frais de scolarité au sein du secteur privé est la pomme de discorde entre les étudiants d'Ukraine et la tutelle. «La solution à l'inclusion dans les universités privées consacre le principe d'élitisme, car les coûts des frais de scolarité et des études de suivi dans ces établissements sont très élevés par rapport à ceux que les familles payaient pour subvenir aux études de leurs enfants en Ukraine», dénoncent les parents d'étudiants, qui estiment que la plupart des étudiants seront exclus si cette solution est adoptée. La Coordination des étudiants nous indique, par ailleurs, que les mécanismes de déroulement de l'examen d'entrée n'ont pas été annoncés, soulignant que la langue dans laquelle les étudiants sont enseignés « n'a pas été prise en compte ». A cela s'ajoute le nombre de places disponibles qui n'a pas été annoncé, sachant que tous les étudiants doivent être inclus sans exception. «Il faut plus de clarté pour que chaque étudiant connaisse son sort», ajoute notre interlocuteur. Ces étudiants sont des cadres prêts, ajoute le même communiqué, et donc « doivent être intégrés immédiatement dans les écoles publiques et privées selon le désir de chaque étudiant, d'autant plus que leur nombre est restreint et ne constituera aucun obstacle. Ceci, d'une part, et, d'autre part, cette solution proposée ne garantit pas l'avenir de leurs diplômes si leur contact avec leurs universités est coupé. Du moment que l'intégration complète des étudiants s'avère difficile, la Coordination n'exclut pas l'option de l'enseignement à distance. Une coordination entre Rabat et Kiev pour la mise en place d'un processus d'e-learning, comme proposé lors de la réunion qui s'est tenue à l'ambassade d'Ukraine à Rabat. Les étudiants aspirent à une accessibilité au terrain dans les hôpitaux universitaires et régionaux sous la supervision nécessaire. Ils appellent également à l'obtention d'un certificat de formation, qui garantirait leur intégration professionnelle. Le bras de fer est donc loin d'être terminé. Rime TAYBOUTA L'info...Graphie Sous d'autres cieux Comment les autres pays gèrent leurs étudiants...
La France a pris des mesures d'urgence pour faciliter l'accueil des étudiants internationaux en provenance d'Ukraine qui ont accès au dispositif de protection temporaire. En lien avec les établissements français, Campus France les aide à intégrer une formation supérieure en France. Pour leur inscription dans un établissement d'enseignement supérieur ukrainien, ces étudiants pourront présenter l'autorisation provisoire de séjour qui leur a été délivrée par la préfecture à leur arrivée en France. Les autres étudiants internationaux, non déplacés d'Ukraine après le 24 février 2022, doivent suivre la procédure normale de candidature aux études en France et de demande de visa depuis leur pays d'origine. Quant à l'Allemagne, le nombre d'élèves ukrainiens accueillis a dépassé la barre des 150.000, un peu plus de cinq mois après le début de la guerre. Les universités canadiennes, à leur tour, font preuve de solidarité envers toutes les personnes touchées par la guerre de l'Ukraine en appuyant de manière concertée les professeurs, employés et étudiants affectés par cette situation.
Mesures gouvernementales Les solutions d'Abdellatif Miraoui pour les étudiants revenus d'Ukraine
Le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l'Innovation a annoncé un ensemble de mesures en vue de faciliter l'intégration des étudiants de retour d'Ukraine aux établissements nationaux d'enseignement supérieur. La tutelle a annoncé pour les étudiants en cours de formation de base en médecine, en pharmacie et en médecine dentaire, l'organisation d'une épreuve écrite pour tous les niveaux des trois filières le samedi 24 septembre prochain. Cette épreuve portera sur le niveau auquel l'étudiant est inscrit en Ukraine pour l'année universitaire 2021-2022 et sa réussite lui donnera le droit de s'inscrire au même niveau pour l'année 2022-2023. Ainsi, les inscriptions à ses épreuves sont ouvertes du 3 au 16 septembre 2022 en deux phases. Les résultats seront annoncés le samedi 24 septembre 2022. S'agissant des étudiants en cours de spécialisation, le ministère annonce la possibilité d'effectuer des stages au sein des institutions hospitalières nationales pour une durée de 6 mois, renouvelable si nécessaire, sous la tutelle des Facultés publiques, à condition d'un accord et d'une coordination avec les universités ukrainiennes concernées afin de mener à bien ces formations en vue d'obtenir les diplômes. Pour les filières d'ingénierie, architecture, médecine vétérinaire et autres, les modalités d'accès des étudiants concernés aux établissements nationaux d'enseignement supérieur ont été déterminées en coordination avec les départements ministériels concernés. Les différentes épreuves seront programmées courant septembre 2022 et le ministère s'emploiera à informer les personnes concernées des différentes dates.
Diplomatie L'ambassade ukrainienne cherche d'autres pistes
Lors d'une rencontre tenue fin juillet, le chargé d'affaires de l'ambassade ukrainienne et les représentants des étudiants ont abordé les solutions possibles pour ce dossier qui s'éternise. Parlant des conclusions de cette réunion, le président de l'Association marocaine des parents des étudiants marocains en Ukraine, Abdelkader El Yousfi, a déclaré à la presse que l'ambassade d'Ukraine continue ses tentatives de communication avec le ministère de l'Enseignement supérieur et celui des Affaires étrangères ukrainien qui n'ont toujours pas réagi. Cela est dû à la restructuration que connaît le département de l'Enseignement supérieur du pays. Par ailleurs, il a été confirmé qu'une formule appropriée sera préparée afin de garantir que tous les étudiants ayant terminé leurs études en Ukraine recevront leurs attestations et diplômes. En ce qui concerne l'organisation du concours "Croc" pour les étudiants en troisième année médecine, El Yousfi a déclaré à la presse que l'ambassade a indiqué que compte tenu de la guerre qui continue en Ukraine, le concours sera reporté à une date ultérieure. Notant que l'association a demandé l'annulation de cet examen. Dans le même sens, le chargé d'affaires de l'ambassade d'Ukraine à Rabat a souligné que le ministère ukrainien de l'Enseignement supérieur est en train de réfléchir dans le cadre de ses accords avec certains pays voisins tels que la Turquie, la Géorgie et la Roumanie pour programmer des travaux pratiques en faveur des étudiants dans ces pays. S'agissant du règlement des frais aux universités et instituts pour la prochaine année universitaire, il pourra s'effectuer de manière directe entre les étudiants et les universités ukrainiennes. Pour le renouvellement de la carte de séjour, le président de l'Association nationale des parents des étudiants marocains en Ukraine a précisé qu'ils ont été informés qu'en cas de reprise des études en mode présentiel, le problème sera immédiatement résolu.