Malgré les mutations sociales, les familles marocaines restent attachées à des traditions et coutumes ancestrales qu'elles ressuscitent particulièrement lors des fêtes religieuses comme Aïd Al Adha. Une Sunna indispensable et les Marocains savent très bien célébrer cette fête religieuse. Aïd Al Adha, l'Aïd El Kbir, la fête du Sacrifice, ou encore la fête du mouton est une fête célébrée par les Musulmans du monde entier. Cette fête, réunissant les familles, est un moment important de partage et de convivialité. Au Maroc, de nombreuses traditions accompagnent cette fête religieuse. La plus marquante étant le sacrifice d'un mouton, âgé d'au moins un an. Suite à la prière de l'Aïd, la coutume commande au chef de famille d'égorger le bélier en utilisant un couteau bien aiguisé afin d'alléger ses souffrances. Outre le sacrifice, cette fête est une opportunité pour les familles marocaines de renforcer les liens qui les unissent, en échangeant des visites et en se rassemblant autour de la même table pour partager des plats et mets traditionnels délicieux. Les Tangérois préservent les traditions Pour leur part, les femmes tangéroises tiennent à respecter quelques habitudes et traditions culinaires spécifiques pendant l'Aïd Al Adha. Les préparatifs pour cette journée exceptionnelle commencent tôt. « Nous préparons d'abord des gâteaux quelques jours auparavant », informe Fatima, une jeune Tangéroise. Ces délices traditionnels vont être servis le matin juste après la prière de l'Aïd, et lors des visites de proches et amis. La veille de cette grande fête, « les femmes passent une grande partie de la nuit à préparer la pâte pour 'Khobz Al Aïd', un pain spécial, à laquelle est rajoutée de l'eau de fleur d'oranger, du lait, des grains de sésame et d'anis vert », raconte Fatima. Le jour de l'Aïd, tous les membres de la famille mettent la main à la pâte et participent au dépeçage du mouton. Les Tangérois montrent en cette journée une grande solidarité, les voisins s'entraidant entre eux dans l'accomplissement des tâches qui suivent l'égorgement du mouton. Par respect aux traditions ancestrales spécifiques à cette fête religieuse, les Tangérois ne mangent le premier jour que les abats du mouton. Le début d'après-midi est distingué par l'odeur émanant de la cuisson des brochettes de foie et celle de la tête et les pattes grillées. « Le deuxième jour à l'heure du déjeuner, tous les membres de famille doivent se réunir autour de la table pour manger le couscous avec la tête du mouton. Pour les anciennes familles tangéroises, le découpage du mouton ne se fait que le troisième jour de la fête », raconte Mouhssine, mari de Fatima. Et c'est à partir de cette journée que les femmes, qui sont de véritables cordons bleus, s'activent à préparer les «chhiwate», délices de la cuisine marocaine tels Mrouzia faite surtout avec le miel, le beurre rance (smen) et Ras El Hanout ou l'épaule cuite à la vapeur. Oujda : entre tradition et modernité À l'instar des autres villes du Royaume, Oujda célèbre cette fête dans la piété et l'allégresse. La fête commence le matin avec l'habituelle prière au «Mssalla». Ensuite, toutes les maisons s'activent. «Il faut faire vite», explique Si Abderrahmane. Et d'ajouter : «Il faut faire saigner soi-même sa bête». Contrairement à ce sexagénaire, les plus jeunes préfèrent faire appel à un boucher : 100 DH pour le travail complet. « Il y a quelques années, on attendait le coup de sirène municipal annonçant que le Mufti de la ville a procédé à l'égorgement du mouton », raconte Si Abderrahmane avec nostalgie. Le premier jour est marqué par deux événements majeurs : l'égorgement du mouton avec la traditionnelle grillade de foie à la crépine. « Une fois le petit déjeuner servi, souvent entre 10 et 11h, place aux visites familiales. Souvent ce sont les moins âgés qui rendent visite à leurs parents et proches », indique Si Abderrahmane. Le deuxième jour de l'Aïd est réservé au découpage du mouton. L'honneur est laissé au chef de la famille qui procède au découpage en impliquant les grands et les petits. «C'est une tradition à faire perpétrer», notre Oujdi. La région orientale fait de la «Bakbouka », sa spécialité. Un plat préparé avec les tripes de l'agneau, du riz, des pois chiches, du foie, pour ne citer que ces ingrédients. On peut déguster cette sapidité chaude, froide, découpée comme de la charcuterie, et accompagnée d'un verre de thé à la menthe. Meryem EL BARHRASSI Repères Carnaval « Boujloud »: Sur les traces d'un rituel séculaire Bilmawen » en amazigh, ou « Boujloud » en arabe, est une tradition fortement ancrée dans l'Histoire du Maroc et qui s'est acclimatée au fil des siècles. Toujours vivant, ce carnaval a une dimension spirituelle et charrie une multitude de symboliques. Fortement présent dans le Haut-Atlas occidental et le Souss notamment, « Bilmawen » est un culte populaire qui suit Aïd Al Adha (organisé le deuxième jour généralement) et est ponctué de mascarades, dans lesquelles des jeunes hommes se vêtissent de peaux de caprins et d'ovins sacrifiés.
Au Sahara, vaut mieux « ne pas blesser Al Aïd » Lors de cette fête, les Sahraouis, notamment les nomades préparent leurs plats délicieux : «Chwa». On le prépare en mettant les morceaux de viande à l'intérieur des tripes telle une grande poche ouverte et dont l'ouverture tient à un des talons de la bête. Cette poche est ensuite enterrée dans le sable chaud couvert d'un feu de bois. Parmi les coutumes de la région, le fait de ne manger, au premier jour de l'Al Aïd, dit localement « de la viande », que ces tripes, appelés également « Afechay » et de laisser intact le corps, ou « Ne pas blesser Al Aïd », selon l'expression d'usage. L'info...Graphie
Tradition Le mouton ne se fête plus !
Les traditions se perdent, et on ne fête plus Aïd Al Adha. Au lieu de quoi, on préfère les vacances, et la réunion de famille semble passée de mode. « Historiquement, l'Aïd était l'occasion où les Marocains les moins aisés pouvaient manger de la viande à satiété. Aujourd'hui, on peut manger de la viande toute l'année. Ce n'est donc plus nécessaire », explique Badr, 32 ans, cadre supérieur. Mais ne pas perpétuer la tradition n'est pas pour autant un manque d'attachement à la religion : « une sunna, c'est une sunna. Je veux bien perpétuer la tradition, mais pas à n'importe quel prix. Je préfère faire du bien à mon prochain et éviter le dérangement à ma femme », indique Badr. Pour Houda, 25 ans, conseillère client, les choses sont claires : « je réfléchis à partir en vacances. Cette fête a perdu son charme. Depuis la disparition de mes grands-parents, nous ne fêtons plus l'Aïd. C'était une occasion festive et unique où on se retrouvait avec des cousins qu'on voit rarement. L'aspect religieux était même relégué au second plan », explique Houda. Viande de mouton néfaste ?
OUI et NON
Tous les ans, la même question se pose : la viande de mouton est-elle néfaste pour la santé ? Selon notre médecin nutritionniste, Yousra Moustafid : « OUI et NON ». Il est tout à fait possible de manger du mouton, mais mieux vaut ne pas en abuser. En manger quotidiennement pendant trois jours, reviendrait à ingérer au moins un kilo de viande. Douara, boulfef, gigot, côtelettes, mrouzia... ces plats sont certes alléchants, mais à éviter pour les personnes hyper-tendues ou diabétiques. « En effet, ce sont les excès de viande en un temps limité qui sont néfastes pour la santé », alerte Dr Moustafid. Pensez à alterner la viande de mouton, avec du poulet ou du poisson, et ne pas hésiter à agrémenter les viandes de légumes. La nutritionniste rappelle que « la viande de mouton a les mêmes propriétés que les autres viandes rouges. Elle apporte des protéines, du fer... mais elle est beaucoup plus grasse ». Elle recommande de ne pas manger la viande de mouton durant les 3 jours d'Al Aïd. « Vous avez d'autres options variées : manger du boeuf, du poulet, de la chèvre et pourquoi pas consommer du poisson, tout en contrôlant les quantités », conseille Dr Moustafid. Finalement, « les personnes les plus exposées sont celles qui souffrent de goutte puisque les crises de goutte se déclenchent après un excès de protéines », souligne la spécialiste. « Pensez à associer votre viande avec des légumes et des féculents riches en fibres, et ceci est valable pour tout le monde », conclut Dr Moustafid.
3 questions au Dr Rim Fagouri « Après la guérison, et même durant la période du confinement, on peut consommer la viande de mouton. Mais il faut faire attention à la consommation excessive »
Aid Al Adha, cette fête que l'on attend tous avec impatience tout au long de l'année. C'est l'occasion de manger tous les plats délicieux qui font la réputation de la cuisine marocaine. Toutefois, il ne faut pas en abuser. Avec la montée actuelle des cas de Covid, consommer beaucoup de viande rouge peut nuire à la santé cardiaque. Dr Rim Fagouri, cardiologue, nous en parle en détails. - Quelles sont les précautions à prendre pendant Aïd Al Adha quand on a le Covid ? à prendre sont tout d'abord le respect des mesures d'hygiène, c'est-à-dire le port de masque et le lavage des mains. Pour ne pas infecter la famille. Deuxièmement, ne pas faire d'effort physique. Fournir un effort physique quand on a le Covid est contre-indiqué. Et surtout maintenir une alimentation saine et équilibrée. - Après la guérison, peut-on consommer la viande du mouton ? - Après la guérison, et même durant la période du confinement, on peut consommer la viande de mouton. Mais il faut faire attention à la consommation excessive. C'est connu maintenant. Il faut consommer avec modération même quand on n'est pas infecté. Généralement, on attend un mois de convalescence et après on vit normalement. - Une surconsommation de viande rouge après le Covid-19 peut-elle avoir des conséquences sur la santé cardiaque ? - La surconsommation de viande rouge, avec ou sans Covid, est très dangereuse. D'ailleurs, nous avons toujours une recrudescence des infarctus les jours d'Al Aïd. Le Covid est une maladie de vaisseaux, et donc il y a beaucoup de risques de thrombose. Alors plus on consomme de viande et de gras, plus on favorise les maladies cardiovasculaires. Recueillis par M.E.B.