Selon les nouvelles prévisions du Crédit Agricole France, l'inflation au Maroc devrait atteindre 5% cette année. Mais au regard de ses voisins d'Afrique du Nord (13,9% en Egypte, plus de 8% en Tunisie, plus de 10% en Algérie), le Royaume apparaît qu'il est le mieux loti de la région. Au Maroc, l'inflation est historiquement faible, facilitée par la politique monétaire de change fixe du dirham au panier eurodollar et par la réactivité de la Banque centrale, souligne le Crédit Agricole France. « Mais cette année, l'impact très élevé de la hausse des prix des produits alimentaires, de ceux du pétrole importé, et des effets de la sécheresse, vont alimenter l'inflation, située à 1,4% en 2021, qui devrait atteindre 5% pour revenir dans des normes plus favorables de 2,5% en 2023. Les prix alimentaires ont progressé de 9% de mars à mai dernier et ceux des transports de plus de 11% », prévoit la banque dans son analyse « Perspectives », publiée mercredi, 6 juillet, qui fait le point sur l'évolution de l'inflation dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Quoiqu'il en soit, la situation de l'inflation au Royaume n'est pas si inquiétante par rapport à celles des autres pays d'Afrique du Nord, notamment l'Algérie, la Tunisie et l'Egypte. Premier importateur mondial de céréales dont les deux tiers en provenance de Russie et d'Ukraine, poursuit la même source, l'Egypte avait réussi à enclencher une désinflation à 5,2% en 2021. En 2022, c'est le pays le plus affecté par la guerre en Ukraine et ses conséquences sur les chaînes d'approvisionnement mondiales. La chute de 20% de la livre par rapport au dollar au premier semestre ajoute un fort effet de change à la hausse des prix. L'inflation va donc connaître un pic à plus de 16% à l'automne et devrait s'établir à 13,9% en moyenne en 2022, pour s'apaiser à 9,8% en 2023, prévoit le Crédit Agricole France. Pour la Tunisie, cette banque française souligne que l'inflation est élevée depuis 2017. Elle est en partie alimentée par la dépréciation régulière du dinar qui génère de l'inflation importée. Elle devrait dépasser les 8% en 2022 et s'apaisera relativement peu à 6,8% en 2023. La situation de quasi-stagflation (la croissance est médiocre à 2,3%) est porteuse de risques, car elle provoque une spirale inflation- salaire et des tensions sociales, alors que la situation politique du pays est complexe. Concernant l'Algérie, le Crédit Agricole France estime que deux facteurs se combinent pour expliquer la très forte hausse de l'inflation qui devrait dépasser les 10% en 2022 : la hausse du prix des céréales importées et la dépréciation du dinar depuis trois trimestres qui alimentent l'inflation importée. Le gouvernement pourrait décider d'assouplir la fiscalité et faire une pause dans la baisse des subventions afin d'atténuer l'impact négatif sur le pouvoir d'achat des ménages. Une politique qui pourrait être facilitée par la stabilité retrouvée, au moins provisoirement, des réserves en devises, estil indiqué. L'inflation dans les pays pétroliers Pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, en général, le Crédit Agricole France souligne que l'inflation progresse, sauf exception de l'Arabie Saoudite, notamment, qui ne devrait connaître qu'une inflation modérée de 2,5% en 2022, significativement cette année dans tous les pays de la région. « Effectivement, l'inflation est fortement influencée dans la région par les régimes de change fixe au dollar américain et par la dévaluation brutale de certaines devises, ce qui crée immédiatement une hausse des prix des biens importés en raison de balances commerciales excessivement déficitaires dans les pays non pétroliers », explique la même source. Pour l'année 2022, ajoute la banque française, les prévisions d'inflation s'établissent donc en moyenne entre 4% et 5% pour les pays pétroliers du Golfe, en partie protégés par leurs politiques monétaires de change fixe au dollar américain, mais qui sont toutefois influencées par celle de la FED. L'inflation de 2022 excède nettement les cibles fixées par les banques centrales. Hors ce cas particulier, les Emirats devraient connaître une inflation de 4,5%, alimentée également par la stabilisation des prix de l'immobilier (surtout à Dubaï) et en partie corrélée aux prix des biens de consommation massivement importés. Au Qatar, l'inflation va atteindre 4,2%, une prévision qui devrait être identique à Oman et Bahreïn tandis qu'elle pourrait monter jusqu'à 5% au Koweït. Dans ces pays, les hausses constatées sont assez absorbables et probablement temporaires. Elles ont commencé à influer les politiques monétaires par des hausses (encore modérées) des taux. Autre élément évoqué par le Crédit Agricole France : les autres pays producteurs d'hydrocarbures vont connaître des hausses d'inflation significatives à 6% pour la Libye et sans doute à 7,6% pour l'Irak. Pays totalement rentiers, l'importation de la quasi-totalité des biens de consommation explique ces taux élevés. A. CHANNAJE