L'industrie nationale s'apprête à profiter d'une grande réforme. Une nouvelle loi va bientôt permettre aux industries de produire leur propre énergie pour les besoins de leur fonctionnement. Plus encore, elles pourront en fournir à d'autres consommateurs. Toutefois, cette électricité doit être produite à partir du renouvelable. « Nous sommes, en tant que Fédération, satisfaits de la forte dynamique que connaît le champ légal par rapport aux énergies renouvelables ». C'est par ces mots que Ali El Harti, président de la Fédération nationale de l'électricité, de l'électronique et des énergies renouvelables (FENELEC), accueille l'annonce de l'adoption, par la Chambre des Représentants, du projet de loi n° 40.19 portant sur la régulation du secteur de l'électricité. Ce texte, adopté à l'unanimité par les députés, modifie et complète la loi n° 13.09 relative aux énergies renouvelables et la loi n° 48.15 sur la création de l'Autorité nationale de régulation de l'électricité (ANRE). Pour les initiés des enjeux en cours, c'est une nouvelle qui ouvre de belles perspectives pour l'ensemble des acteurs du secteur énergétique. Pour la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, « cette loi vise à renforcer davantage la transparence, faciliter l'accès à l'information et aux opportunités d'investissement, et accélérer l'émergence d'un écosystème national vert ». Produire son électricité En attendant son adoption par la Chambre des Conseillers, chez les industriels, on s'impatiente de profiter des nouvelles dispositions de ce texte réglementaire. En effet, une fois cette étape franchie, il leur sera désormais possible de produire leur propre énergie, issue du renouvelable. Autrement dit, tout industriel qui en aura fait la demande et obtenu une autorisation, aura la possibilité d'installer un système de production d'énergie renouvelable pour sa consommation. Plus encore, cette loi va « permettre à l'exploitant de produire de l'électricité à partir de sources d'énergies renouvelables pour le compte d'un consommateur ou d'un groupement de consommateurs », fait-on savoir auprès de la Chambre des Représentants. « Nous comprenons complètement la complexité du sujet et nous comprenons que ça soit un exercice d'arbitrage. Nous comprenons aussi la nécessité pour nos industriels de décarboner leur production afin de s'assurer de la continuité de leurs exportations pour l'Europe et donc de leur survie », commente Ali El Harti, président de la FENELEC, dans une déclaration à « L'Opinion ». Investissements Dans la pratique, on met l'accent sur l'efficacité attendue dans l'application de ces dispositions. Surtout que cette réforme est censée, officiellement, « lever les contraintes techniques relatives au développement de la sécurité et au système électrique national ». Ce qui permettra ainsi « d'accueillir le grand nombre de demandes d'autorisation provenant du secteur privé pour mettre en place des projets d'énergies renouvelables, et ouvrir de nouveaux horizons pour le développement de ces projets », indique la Chambre des Représentants. « Nous prévoyons une nouvelle architecture institutionnelle, avec plus d'ouverture à la concurrence pour la production d'une énergie verte compétitive, et un encouragement de la production décentralisée pour donner un accès, notamment à nos industriels, à une électricité bas carbone », renchérit la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable. A ce propos, il faut noter toutefois que, pour le gouvernement, il n'est surtout pas question de laisser le désordre s'installer. Dans ce sens, la réforme instaure le droit de disposer de certificat vert justifiant que l'énergie utilisée est de source renouvelable. 40 mégawatts Autre point important, cette nouvelle loi se focalise sur la réduction des coûts de production de l'électricité. L'objectif est à la fois d'avoir de l'électricité en quantité sans impacter la capacité de production nationale, mais aussi d'assurer la compétitivité du tissu industriel. Il est par exemple ainsi prévu de doter toutes les zones industrielles de l'énergie électrique propre compétitive. A ce propos, le premier projet de ce programme d'une capacité de 40 mégawatts est déjà en cours de développement pour alimenter la zone industrielle de Kénitra. D'autres projets sont en cours d'instruction pour alimenter d'autres zones industrielles, notamment celles de Tanger et de Casablanca. Abdellah MOUTAWAKIL Repères Electricité : 80 mesures pour résister aux chocs La crise économique née du Covid-19, et celle énergétique et alimentaire qui la suit en raison du conflit en Ukraine, doit pousser à mettre en place des stratégies pour s'immuniser contre ces chocs. Ce qui passe par l'accélération de la cadence des mesures d'efficacité énergétique. Dans ce sens, le Maroc a déjà identifié environ 80 mesures portant sur tous les secteurs, dont l'industrie qui occupe une place de choix dans ce programme, indique la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali.
Electricité : dépasser les %52 du mix électrique national Il faut noter que le projet de loi qui vient d'être adopté par la Chambre des Représentants intervient dans le contexte de l'accélération de la transition énergétique au Maroc. Pour le gouvernement et les acteurs privés, le but est désormais de « dépasser » l'objectif de 52% du mix électrique national en matière d'énergies renouvelables à l'horizon 2030. Pour le Maroc, il s'agit d'assurer un positionnement qui passe notamment par un processus de décarbonation de son industrie et une sécurité énergétique durable avec des coûts abordables, tout en préservant l'environnement et les ressources naturelles. L'info...Graphie Energies renouvelables Prévoir le stockage d'ores et déjà !
C'est une idée qui est fortement défendue par certains fins connaisseurs de l'écosystème des énergies renouvelables. De façon simple, il s'agira, en plus de permettre aux industriels de produire de l'électricité propre, de leur donner la possibilité d'en stocker. L'objectif est de permettre à cette électricité stockée de prendre le relais pour juguler les variations des sources d'énergie que sont le solaire et l'éolien, qui ne sont pas toujours disponibles selon le temps qu'il fait. « Avec le stockage, ce sont les industries des batteries qui vont se développer rapidement », note un acteur qui a requis l'anonymat et qui milite fort pour que cette possibilité soit donnée aux industriels. « Il faut que la législation aborde la question de façon frontale, car la nouvelle loi n'en dit pas grand-chose », poursuit notre interlocuteur, pour qui les lois actuelles « donnent l'impression de limiter le stockage ». Le débat ne manquera certainement pas de se poser une fois les industriels lancés pour la production électrique. Régulation Du boulot pour l'ANRE !
Avec les mises à jour apportées à la loi N°48.15 relative à la régulation du secteur de l'électricité et à la création de l'Autorité nationale de régulation de l'électricité (ANRE), les choses s'emballent. L'ANRE sera en effet un des acteurs clés de ce dispositif, sachant qu'elle est censée contribuer à l'accompagnement de la mise en oeuvre de la transition énergétique nationale. D'ailleurs, l'ANRE travaille actuellement sur plusieurs grands chantiers. Ceux-ci sont destinés à garantir rapidement au secteur électrique un cadre attractif, clair, transparent, souple et non-discriminatoire. Il s'agit de la séparation comptable entre l'activité de transport et les autres activités de l'ONEE, de l'approbation du programme pluriannuel d'investissements du gestionnaire du réseau de transport (GRT), de la tarification et du code de bonne conduite. En tout cas, le président de l'ANRE, Abdellatif Bardach, semblait déjà anticiper cette phase actuelle en cours d'ouverture. L'accompagnement du secteur privé dans la production d'énergie renouvelable figure en effet parmi les dossiers sur la table de l'ANRE depuis un certain moment : « La régulation du secteur de la distribution bénéficie de la plus haute attention de la part du régulateur qui devrait ajuster son action aux profondes réformes que la distribution est appelée à connaître dans les prochaines années et aux implications de l'ouverture du réseau de distribution à la production des énergies renouvelables dans le cadre de la loi 13.09», déclarait récemment Abdellatif Bardach.
3 questions à Khalid Semmaoui « Cette loi ouvre les énergies renouvelables à la moyenne tension »
Pour Khalid Semmaoui, président de l'Association Marocaine des Industries Solaires et Eoliennes (AMISOLE), c'est une étape importante qui vient d'être franchie, en attendant l'adoption d'une autre loi, portant cette fois sur l'auto-production. - Comment réagissez-vous, en tant qu'association marocaine des industries solaires et éoliennes, à l'adoption de cette loi par la Chambre des Représentants ? - Nous considérons que l'adoption, à l'unanimité, par la Chambre des Représentants, du projet de loi 40-19 modifiant et complétant la loi 13-09 relative aux énergies renouvelables et la loi 48-15 relative à la régulation du secteur de l'électricité et à la création de l'autorité nationale de régulation de l'électricité, est une bonne chose. Cela, même si on peut faire des commentaires sur certains aspects. Mais le plus important, c'est l'ouverture de la Loi sur les énergies renouvelables à la moyenne tension. - Quel est le plus que cette loi va apporter aux industriels ? - Les industriels veulent bénéficier de leur énergie à moindre coût. De même, dans le contexte actuel de lutte contre les effets du changement climatique, ces industriels sont dans une logique de décarboner le processus de production. Aussi, et comme le Maroc s'y est engagé, leur souci consiste à contribuer à la préservation de l'environnement à travers les énergies renouvelables. Avec l'ouverture de la Loi à la Moyenne Tension, ils ont plus de moyens d'aller dans ce sens. - Donc, la prochaine étape c'est la loi sur l'autoproduction qui est en discussion au Parlement ? - Effectivement, c'est une loi qui est très attendue par les industriels. Nous espérons qu'elle sera bientôt approuvée et cela permettra d'accomplir des pas importants pour la compétitivité et la préservation de l'environnement. Recueillis par A. M.