Les réformes menées dans les études de médecine, de médecine dentaire et de pharmacie, et qui concernent tous les cycles de la formation, initiale ou spécialisée, et particulièrement du 3ème cycle, doivent toutes converger vers un but commun : la valorisation et l'accompagnement efficace du développement des compétences et connaissances des médecins, pharmaciens et médecins dentistes à venir, au profit de la société et des citoyens marocains, tout simplement améliorer véritablement les difficultés diagnostiquées dans la formation dans son état actuel. Le troisième cycle faisant suite aux premiers, la mission réformatrice sur le 3ème cycle doit aussi amener à reconsidérer le 1er et le 2ème cycle et la préparation des étudiants qui deviennent les responsables directs sur la prise en charge de la population, cette réforme doit faire repenser et ressasser leurs acquis en formation pratique et raisonnement clinique et scientifique dont la qualité et/ou quantité diminuent sous les coups du temps, mais aussi et surtout à cause des sureffectifs encombrant les terrains de stage. Il est de notoriété publique qu'il y a une vraie « perte de temps » au cours du premier et du deuxième cycle qui pourraient être mieux organisés avec l'introduction institutionnalisée de nouvelles méthodes d'enseignement moyennant de l'innovation pédagogique en engageant une réflexion sur les transformations en matière de pédagogie en santé, et en mettant en place un maillage territorial plus fin en terrains de stages et en personnels encadrants accompagné d'un travail législatif correct et adapté pour pallier le manque de moyens et la limitation du parterre de stage et des structures hospitalières universitaires. Ce travail de réforme doit se voir d'une approche intégrale dans toute sa plénitude, considérant les tenants et les aboutissants, en renforçant la formation et de la pédagogie et ce qui en affère, les mesures incitatives et la valorisation des étudiants au cours de leurs études et au personnel enseignant et administratif. De ce fait, il est essentiel d'adapter le processus de réforme, particulièrement du 3ème cycle des études aux bouleversements majeurs que connaît notre système de santé, aux orientations de la refonte du secteur de santé : (Protection Sociale universelle, Groupement Santé Territoriaux, Projet Médical Régional, Partenariat Public-Privé, émergence des fondations, groupes holding santé, revues des lois d'exercice et leurs implications...), sans pour autant, décliner la qualité de la formation qui doit rester le seul fil conducteur de ce travail. Nous sommes éventuellement bien conscients des grandes exigences imposées par de différents déterminants, ces exigences parfois prégnantes peuvent diverger relativement de l'avis académique et scientifique pour des raisons valables. Cependant, bien qu'il nous soit difficile d'arbitrer sur ces choix objectivement sans laisser éprouver une prédilection pour une partie, il nous incombe d'agir avec toute neutralité et indépendance de ne s'appuyer au maximum que sur des données pédagogiques strictes et objectives dans notre analyse, pour une meilleure qualité de formation. Avant de s'attaquer au sujet de la réforme du 3ème cycle, une vraie mise en question doit se faire pour évaluer profondément l'efficience des travaux de réformes entretenus durant ces dernières années, ce qui amènera certainement à plusieurs constats, ces constats qui constituent les raisons pour lesquelles la commission nationale des étudiants a dû se mettre en irruption en 2019 pour freiner provisoirement la continuation de ces projets. D'ailleurs, cette résistance se basait sur une frustration légitime dûe aux manquements en termes de communication sur ses enjeux et ses modalités, observables à plusieurs niveaux, une certaine méfiance envers le gouvernement, qui n'avait pas fait preuve de bonne foi dans ces temps qui se qualifiaient d'une immense variabilité. Expérience française à titre d'exemple, une réforme initiée malgré de bons fondamentaux, trop vite appliquée, insuffisamment préparée et pas assez pilotée, et surtout, pas assez communiquée. Résultat prévu : Désarroi, refus, colère de beaucoup de parties, donc mesures d'urgence entretenues pour rectifier le tir. Ce qui a fait considérablement reculer un travail louable, un travail qui aurait dû se préparer méticuleusement et inclusivement. Les nombreuses difficultés auxquelles se heurtait la mise en œuvre de la réforme ont révélé un déficit d'anticipation de la part du Ministère de l'Enseignement Supérieur marocain qui, bien qu'il s'agisse d'une réforme qui doit être co-conduite avec le Ministère de la Santé, s'est trouvé encore une fois dans un manque de coordination et de gouvernance. Un défi qui se répète encore malheureusement. De ce fait, à l'instar des initiatives de réformes ou de réorganisation du système, toute augmentation considérable du nombre d'étudiants accueillis en 1re année comme prévu pour l'année prochaine a de même en effet pour corollaire inévitable la hausse des besoins de formation en termes de budget et de législation, qu'il s'agisse des locaux, des matériels de travaux pratiques, des terrains de stage ou des enseignants et fonctionnaires. Faute d'un véritable effort législatif et d'une budgétisation correcte de ces besoins, c'est la qualité de la formation qui risque in fine de se voir affectée. Chose promise selon les dires du Ministère de l'Enseignement Supérieur, cependant, les antécédents de promesses faillies au fil des dernières années (PV d'accords 2015/2019) disent autrement. Nous pouvons assurer que tant qu'il n'y a pas une prise en charge intégrale et coordonnée entre les deux ministères avec une vision claire et détaillée avec des indicateurs de suivi. Un échec flagrant peut être jugé dès aujourd'hui, le système n'échappera pas de sa part à un déclin plus accentué de la qualité de la formation, du fait de ce couplage et de cet agencement de la formation entre la faculté d'une part, et les terrains de stage qui dépendent du Ministère de la Santé et de la Protection Sociale, d'une autre part. Il faut se poser sérieusement la question sur la gestion bicéphale et clivée de la formation médicale et pharmaceutique ce qui augmente sa sensibilité aux troubles de coordination, et ceci à plusieurs niveaux (Amphithéâtre/Lit du malade– Enseignant/Médecin – Département facultaire/Service hospitalier – Décanat de la faculté/Direction du CHU... jusqu'aux ministères de tutelle). Nous avons ressenti également que le sens et l'ampleur des réformes voulues n'ont pas été bien compris par l'ensemble des acteurs. Le changement culturel que devait constituer le nouveau système, ce changement qui devait tendre vers une logique de progression et de réussite, n'a pas toujours été pris à sa juste mesure. En outre et encore une fois pour revenir à la nécessité d'intégrer tous les acteurs pour réussir ce processus, on a noté que la mise en œuvre a trop reposé sur les facultés et le réseau des doyens FMP/FMD, voire que sur eux, au lieu de mobiliser les directeurs des CHU, les ordres nationaux, les directions régionales et le Ministère de la Santé. Les échanges et la communication entre composantes disciplinaires ont été plus l'exception que la règle. Une mise en œuvre d'un travail de réforme d'une telle ampleur doit amener le ministère à mettre en place une commission active de la réforme des études, où devrait siéger des représentants de toutes les parties, chargés de la mission de faire la bonne réflexion et de proposer conjointement le modèle le plus approprié au système actuel, que ce soit en ce qui concerne l'évaluation du 1er et le 2ème cycle, ou bien de la réforme la plus conséquente, celle du 3ème cycle pour dresser un état des lieux de la situation et de formuler des recommandations en vue de l'améliorer. Ces mêmes parties devraient constituer des comités de pilotage et de suivi des réformes au niveau de chaque faculté, pour veiller à la mise en place des modèles conçus, et pour identifier avec chacune des facultés/universités les points de blocage potentiels. Aujourd'hui et plus que jamais, avec un état des lieux alarmant, la mise en place d'une vraie réforme des études doit être imminente, le travail de la réforme du 3ème cycle doit être bien pensé, intégral, et qui réorganise en profondeur l'accès et le déroulement des études spécialisées qui dressent actuellement une réalité angoissante et effrayante. Il faut voir au-delà d'études de médecine, de pharmacie et de médecine dentaire qui sont particulièrement maltraitantes pour les étudiants, (dernier rapport de la CNEMEP sur les conditions sociales et économiques des étudiants – mai 2022), il y a aussi le gâchis de potentielles générations de médecins et pharmaciens qui émigrent à l'étranger pour faire leurs spécialités. Cette réforme, si elle n'est pas préparée en urgence mais sans précipitation insensée ou unilatérale, ni suivie des moyens et de budgets nécessaires, et si elle ne prend pas en considération en priorité ce paradigme de gouvernance, nous risquons de renforcer cette crise, et détruire ce qui reste de la formation médicale, pharmaceutique et odontologique au Maroc. Le Maroc d'aujourd'hui a besoin d'une jeunesse forte, valorisée et attachée à sa patrie, prête à faire face à tous les enjeux ou imprévus, bien formée et digne de soigner le citoyen marocain. En tant que médecins, pharmaciens, et médecins dentistes, modernes, pluri-professionnels et humanistes.
Mohammed KACIMI ALAOUI est un étudiant en 6ème année en médecine à la FMPDF - Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, acteur actif de la société civile, et il est le Coordinateur National de la Commission Nationale des Etudiants en Médecine, en Médecine Dentaire et Pharmacie du Maroc.