La reprise des liaisons maritimes avec l'Espagne est source d'espoir pour le port Tanger Ville. Voilà deux ans que ce port est quasiment à l'arrêt sur ses segments phares : le transport de voyageurs et les activités de plaisance. Cette reprise permet enfin de commencer à récolter les fruits de sa reconversion. Le mardi 12 avril, à l'instar du Port Tanger Med, celui de Tanger Ville vivait un événement source d'espoir : la reprise des liaisons maritimes avec l'Espagne. Dans ce port situé sur la corniche de la ville du Détroit, cela faisait plus de 2 ans qu'aucun navire de transport de voyageurs n'y avait accosté. C'est donc une reprise qui donne le sourire aux responsables du site, à commencer par Mohamed Ouanaya, PDG de la Société de Gestion du port Tanger Ville. Ce dernier peut enfin espérer voir les investissements massifs consentis dans la modernisation et la reconversion du port porter leurs fruits. Il faut en effet rappeler que depuis 2010, le port historique de Tanger Ville a entamé sa mue. Il a été dépouillé d'une bonne partie deses activités portuaires au profit de Tanger Med, qui concentre l'ensemble des opérations industrielles et de trafic de marchandises. Tanger Ville s'est orienté vers des activités plus digestes par rapport à son emplacement, qui épouse parfaitement le centre-ville tangérois. Plaisanciers Désormais, son business model s'articule principalement autour du trafic « Ferry », « Croisière » et « Plaisance ». L'idée est d'en faire une plateforme de soutien pour l'activité touristique de Tanger et sa région. Ce qui a conduit à une modernisation du site et de ses environs. Seulement, la pandémie est venue retarder considérablement les prévisions des autorités portuaires. Presque l'ensemble des autres segments ont été obligés d'arrêter leurs activités depuis le déclenchement du Covid-19, hormis la Marina de la ville, adossée au port. Dans cette Marina également, le trafic des croisiéristes et des plaisanciers est lui-même à l'arrêt. Après la reprise des liaisons maritimes avec les voisins nord-méditerranéens, l'heure est à l'expectative quant à la levée de l'interdiction de la circulation des navires de plaisance. Une décision qui ne devrait pas tarder selon des sources contactées sur place. D'ailleurs, la Direction de la Marine marchande devrait se réunir aujourd'hui même avec les différents responsables de Marinas pour discuter de la question. Poids économique En attendant, une chose est sûre : avec la reprise des liaisons maritimes, c'est l'ensemble du dispositif portuaire qui remet les voiles. C'est aussi l'occasion de concrétiser le principal nouvel objectif du port. « Le poids économique du Port de Tanger Ville est en fait très important car il intervient de manière directe et indirecte à tous les niveaux de la chaîne de valeur touristique : Tour opérateur et agences de voyages, compagnies de location de voitures, hôtels, cafés, restaurants, guides, bazars, etc. », déclare Mohamed Ouanaya, PDG de la Société de Gestion du port Tanger Ville. Cet impact se renforce avec l'agrandissement et la modernisation exceptionnelle du port de pêche, situé sur le flanc Sud de la corniche. Lors des gigantesques chantiers de reconversion, sa surface a été multipliée par trois et il combine aujourd'hui les activités de pêche, mais aussi de restauration. Ce qui en fait une nouvelle destination touristique de la ville. «Tanja Waterfront » Cela dit, plusieurs projets sont en cours de réalisation dans l'ensemble du dispositif portuaire. En plus du téléphérique, censé relier le port, la médina et la ville nouvelle, un important projet de chantier naval est dans le pipe. Une partie immobilière dénommée «Tanja Waterfront » prévoit un nouvel espace de vie multifonctionnel, avec une offre immobilière comprenant des équipements culturels (palais des congrès de 1.500 places, cinéma), des places et espaces verts, deux structures hôtelières de haut niveau d'une capacité de 1.200 lits, une zone commerciale et d'animation, du résidentiel et des bureaux. C'est également le cas pour le Centre d'exposition à la mémoire d'Ibn Battouta à Borj Naâm ainsi que la mise en valeur du « Borj Dar Al Baroud » en centre d'exposition des fortifications de Tanger. Abdellah MOUTAWAKIL Repères Impact Covid-19 : La SGPTV mobilise 120 MDH En raison de la crise provoquée par le Covid-19, la Société de Gestion du Port de Tanger Ville (SGPTV) a été obligée de mobiliser des financements à travers le crédit Damane Oxygène, en plus d'un crédit bancaire garanti par le Fonds de Garantie des Etablissements Publics (FGEP). Le montant mobilisé s'élève à 120 MDH. « Cette période de crise a été cependant l'occasion pour renforcer notre résilience, d'assurer tous nos engagements en termes d'infrastructures, et d'instaurer un dialogue fructueux avec tous nos partenaires et les parties prenantes », note Mohamed Ouanaya, PDG de la SGPTV.
Navigation : quelques particularités des navires de plaisance Les bateaux de plaisance se caractérisent par leur grande diversité. La tranche inférieure est constituée d'unités de longueur ne dépassant pas 6 m. La tranche supérieure se distingue par des dimensions de plus de 10 m. Plus précisément, la flotte de plaisance se décline selon les catégories suivantes : les ports d'équilibre, conçus pour recevoir les bateaux de plaisance de haute mer ; les ports d'escale proprement réservés pour les bateaux de type b : catégorie IV à V; alors que les bases nautiques sont destinées à recevoir les unités légères « day boat » (type c : catégorie I à III). L'info...Graphie Marina de Tanger Reprise post-Covid
« Cette année s'est mieux déroulée par rapport à l'année précédente où Tanger était restée pendant une très longue période en zone 2, ce qui avait provoqué une diminution conséquente du nombre de touristes dans la Perle du Détroit ». Ce constat est de Karim Drissi, directeur de la Marina de Tanger. Par rapport à l'année passée, une part de marché non négligeable et régulière d'un tourisme interne qui a choisi Tanger et sa marina comme lieux de vacances et de détente a été captée. « A ce titre, nous avons enregistré à la Marina beaucoup de visiteurs, notamment de Casablanca, de Mohammedia, de Rabat et d'autres villes marocaines », poursuit-il. Plus globalement, concernant le Pôle croisière, la crise de Covid-19 a malheureusement stoppé toutes les escales programmées à Tanger et qui connaissaient depuis 2017 un trend positif de croissance avec une demande de plus en plus grande pour de nouvelles programmations. D'où un appel insistant à la reprise des activités de plaisance.
Marinas au Maroc Nette domination méditerranéenne
La côte méditerranéenne marocaine est actuellement dotée de 4 marinas, comprises comme port de plaisance avec infrastructures résidentielles intégrées : Marina Smir, Marina Kabila, Marina Saïdia, Marina Mar Chica, en plus d'Al Hoceima et de Mdiq. Il faut ajouter la Marina de Tanger, adossée au port de Tanger Ville. Cette concentration importante de marinas sur la rive méditerranéenne donne une attractivité certaine à la région du Nord, qui incarne le tourisme estival balnéaire. Le développement de la façade Atlantique marocaine est à ce jour plus complexe, notamment en raison des difficultés de navigation qui sont une contrainte importante pour les plaisanciers internationaux. Seule la station touristique d'Agadir ainsi que Rabat Bouregreg proposent des marinas en fonctionnement sur la façade Atlantique. Il y a aussi le projet en cours de la marina de Casablanca. On peut ajouter le yacht club historique de Mohammedia. Cela dit, côté navires, il faut noter qu'il existe environ 1500 navires marocains de plaisance dispatchés sur les marinas existantes. Des marinas qui totalisent environ 4000 anneaux (emplacements pour bateaux de plaisance) et quelque 10.000 mètres linéaires de quai. A la Marina de Tanger par exemple, le deuxième bassin en construction est désormais prêt pour accueillir des navires. Sur place, c'est le projet immobilier qui accuse un certain retard sur les prévisions. Une fois finalisé, il permettra à la marina de disposer de zones hôtelières et résidentielles.
3 questions au Dr Ahmed Loukili, expert maritime « Tanger Ville est devenu une annexe de Tanger Med »
Pour le Dr Ahmed Loukili, expert maritime, la reconversion du Port de Tanger Ville en a fait un « smart port ». Selon lui, Tanger Ville est devenu une annexe de Tanger Med, tout en donnant un nouveau visage à la ville du Détroit. - Quel regard portez-vous sur le Port Tanger Ville après sa reconversion ? - Tanger Ville est aujourd'hui devenu un port nouveau. Il n'a plus rien à voir avec ce qu'il était auparavant. Il est désormais orienté vers le trafic de paquebots et des navires de plaisance. Je peux dire aujourd'hui que Tanger Ville est devenu une annexe de Tanger Med. La reconversion a changé la ville et cela a permis de mieux connecter le port à la population tangéroise. - C'est un port orienté tourisme, mais qui a quand même énormément subi les aléas de la conjoncture, notamment du Covid ? - A vrai dire, il n'est pas le seul port à avoir été impacté par le Covid. Cet impact est mondial. Tous les ports ont été touchés. Le management du Port de Tanger Ville travaille sur l'agilité et cela lui permet de faire face à toutes les situations comme le Covid. D'ailleurs, ils en ont profité pour accélérer certains chantiers. Donc, tous les ports sont appelés à s'adapter. - Quel avenir voyez-vous pour le port de Tanger Ville ? - Je peux dire que c'est un port exemplaire qui, à mon humble avis, peut devenir le port le plus « smart » du Maroc, voire de l'Afrique. C'est un « smart port » qui pourra facilement s'imposer dans sa catégorie sur le continent. Car les process qui y sont mis sont très modernes et très intelligents. Recueillis par A. M