Pour annoncer la rupture du jeûne, El Jadida est parmi les villes du royaume qui restent encore attachées aux coutumes et us nationales : La salve de Ramadan. Il est six heures et quelques minutes. A une heure ou presque avant la rupture du jeûne, les rues d'El Jadida sont vides. Seuls quelques braves jeûneurs se figent à la corniche, bravant faim et froid, pour scruter de plus près la beauté de la scène, l'odeur de la poudre et le bruit de la détonation, avant de disparaître illico presto pour retrouver la table du ftour soigneusement concoctée et préparée pour l'occasion. Il semble que les tirs du canon résistent encore et continuent de faire partie de l'univers de Ramadan de la ville d'El Jadida, conviennent la majorité des badauds rencontrés sur les lieux. Mieux encore, à El Jadida, il s'agit plutôt d'un symbole patrimonial devenu au fil des années étroitement lié à ce mois de piété et de recueillement qui introduit dans la vie quotidienne de nombreux us et coutumes contribuant à l'animation de cette période particulière dans la capitale des Doukkala, estime Saïd Bennani, artiste à El Jadida. Si les origines de cette pratique restent incertaines pour plusieurs pays, ce n'est pas le cas d'El Jadida. La tradition de la salve de Ramadan et de l'Aïd est une tradition historique qui remonte à l'ère des Moujahidines qui avaient tiré des coups de canon pour célébrer la libération de la Fortaleza Mazagao, précise Dr Saïd El Mansour Charkaoui, professeur universitaire et chercheur Jdidi. C'est pour cette raison d'ailleurs que les coups de canon s'effectuaient de la Breija, celle qui fait face au Bremil, à la porte de l'Océan par laquelle les Portugais avaient quitté El Jadida, explique-t-il. Au-dessus du théâtre municipal Saïd Afifi existe toujours une sirène (Zawaka), et c'est M. Gharbaoui, premier gardien de but du club de football à Mazagan et du DHJ, qui en assumait la charge pour l'annonce du Ramadan, la rupture du jeûne, la fin du Shour, voire même de l'Aïd Al Fitr, précise Saïd Bennani, avant que Samam, ancienne charnière défensive de l'équipe nationale de Football à l'époque, et Birtou, tous deux sapeur-pompiers, ne lui succèdent pour assurer la continuité de cette tâche traditionnelle et historique. Bref, les Jdidis réservent au mois sacré de Ramadan une place de choix dans leurs coutumes. En témoigne encore leur attachement à certaines traditions liées au climat de piété et de spiritualité qui marque leur quotidien au cours de ce mois béni, notamment les salves de coups de canon annonçant le début et la fin de la période de jeûne et qui revêtent désormais une symbolique particulière dans la tradition de la population Doukkalie. Mohamed LOKHNATI