Le gouvernement a révélé la première mouture de la réforme censée redresser le Conseil de la Concurrence pour améliorer son organisation. Une réforme indispensable à la relance du vieux marronnier des Hydrocarbures auquel Ahmed Rahhou compte s'attaquer. Détails. « Le dossier reste toujours entre les mains du Conseil de la Concurrence, puisqu'il n'a pas encore été tranché », c'est ainsi qu'a réagi le président du Conseil de la Concurrence, Ahmed Rahhou, à une question de « L'Opinion » sur le vieux marronnier de l'affaire des hydrocarbures. Une affaire ayant défrayé la chronique pendant plus d'un an et qui a conduit à la démission de l'ex-président du Conseil Driss Guerraoui. La résolution de ce dossier épineux, portant sur une supposée entente entre les pétroliers, était strictement dépendante de la refonte du cadre légal relatif au Conseil de la Concurrence et à la liberté des prix et de la concurrence, tel que voulu par le communiqué du Cabinet royal du 22 mars 2021 qui a annoncé la nomination d'Ahmed Rahhou et souligné les irrégularités dans le traitement de ce dossier par l'ancienne présidence. L'affaire renaît de ses cendres Actuellement, le dossier des hydrocarbures reste entre les mains du Conseil pour autant qu'il n'a pas encore été traité. En attendant la réforme, l'instance a continué d'exercer toutes ses attributions sur l'ensemble des dossiers qui lui sont soumis, à l'exception de celui des hydrocarbures, qui sera résolu en fonction de la nouvelle loi régissant le fonctionnement dudit Conseil. Rappelons, à cet égard, que le communiqué du Cabinet royal a souligné des dysfonctionnements procéduraux ayant entaché la gestion de l'affaire des hydrocarbures, surtout au niveau des délibérations entre ses membres. Par conséquent, il fallait absolument réformer le cadre légal. Chose faite par le gouvernement qui a adopté les projets de loi n°40.21 et n°n°41.21, modifiant et complétant les lois n° 104.12 et n° 20.13, relatives à la liberté des prix et de la concurrence et au Conseil de la Concurrence. Cette mission a été confiée au gouvernement précédent, dont l'oeuvre a été complétée par l'actuelle ministre de l'Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui. Laquelle a présenté la mouture du texte devant les membres de l'Exécutif lors de la réunion du Conseil de gouvernement jeudi dernier. Une réforme qui a pris en compte l'avis du Conseil de la Concurrence, selon Ahmed Rahhou. Ceci est une évidence puisque l'article 7 de la loi relative au Conseil oblige l'Exécutif à le consulter sur toute réforme législative. Il s'agit d'une version initiale qui ne manquera pas d'être amendée et modifiée lors de son passage aux deux Chambres du Parlement, où elle sera soumise à la loupe des députés et ensuite des Conseillers. Ceux-ci auront certainement leur mot à dire et il n'est pas à exclure que les discussions du projet de loi dans les commissions compétentes se fassent en présence du président, comme cela a été le cas lors des réformes qui concernaient des instances constitutionnelles telles que l'Instance de Probité et de lutte contre la Corruption. Selon des sources parlementaires consultées par nos soins, la présence du président n'est pas à exclure. Une réforme restrictive ou revigorante pour le Conseil ? Concernant le Conseil de la Concurrence, le nouveau texte introduit plusieurs changements, dont le but est d'améliorer son fonctionnement et de renforcer son indépendance. Le but est d'éviter les failles ayant conduit au fiasco des « hydrocarbures ». Parmi les changements majeurs, on trouve la révision des attributions de chacune des différentes instances décisionnelles du Conseil dont le président, la Formation plénière et les sections, et ce, afin d'éviter tout contentieux lié au chevauchement de compétences. Autre point important, le déroulement des délibérations. La réforme limite le quorum légal. C'est-à-dire le nombre des participants aux délibérations qui a été réduit aux membres du Conseil. A cela s'ajoute la confidentialité des délibérations et des réunions, à laquelle sont tenus tous les membres en vertu de la nouvelle réforme qui se montre très dure vis-à-vis de toute violation de ce principe. Le texte en reconnaît même le caractère pénal, ce qui signifie qu'il s'agit d'une infraction sanctionnée par l'article 446 du code pénal qui punit la révélation injustifiée d'un secret professionnel de peines d'emprisonnement assorti d'amendes. Conflits d'intérêts : Un contrôle plus sévère En plus de cela, les compétences du Président du Conseil ont été renforcées, surtout en matière de contrôle des conflits d'intérêts qui peuvent surgir parmi les membres dans une affaire quelconque. Ainsi, le Président du Conseil est désormais autorisé à surveiller les conflits d'intérêts sur les affaires courantes, et mettre en place une procédure de contestation entre les membres et les décideurs. Sur ce point, ces derniers sont tenus de soumettre au président du Conseil une lettre faisant mention de tous les intérêts qu'ils détiennent. Bien qu'ayant défini plus clairement les compétences des organes décisionnels et renforcé l'indépendance du Conseil, la réforme permet aux opérateurs économiques de contester ses décisions. Le projet de loi donne plus de marge de manoeuvre pour mieux contester les décisions du Conseil en Justice dans les affaires relevant des ententes et des abus de domination. En outre, le projet de loi accorde aux parties concernées, le président du conseil et le délégué du gouvernement la possibilité de formuler un recours contre la décision de la Cour d'appel à Rabat confirmant la décision du Conseil de la Concurrence. Force est de rappeler que les recours se font auprès de la Chambre administrative de la Cour de Cassation en ce qui concerne les autorisations ou le refus des opérations de concentration. Par contre, les opérateurs sanctionnés doivent faire recours auprès de la Cour d'Appel pour contester les différents types de sanctions. En vertu du projet de loi, les sanctions pécuniaires dernières doivent être fixées selon des critères bien définis, contrairement à ce qui était le cas auparavant. A noter que les amendes peuvent aller jusqu'à 10% du chiffre d'affaires (national ou mondial) de la société sanctionnée, sachant que le Conseil de la Concurrence est habilité à infliger des astreintes financières dans la limite de 5% du CA journalier moyen. Par ailleurs, il y a eu des changements également au niveau des procédures de saisine, d'instruction et d'auditions des parties concernées par les services d'enquête. Pour ce qui est des procédures de non-objection aux griefs signalés, le rapporteur général s'est vu attribuer un ensemble de compétences dans l'exécution de cette procédure, sous le contrôle des instances de délibération du Conseil. À la lumière de tous ces changements, le Conseil de la Concurrence semble mieux placé et assez renforcé pour mener à bien sa mission et notamment reprendre le dossier des hydrocarbures. Anass MACHLOUKH Retour sur un fiasco institutionnel Lors du mandat de l'ex-président Driss Guerraoui, le Conseil avait relevé une éventuelle entente entre les groupes pétroliers sur le marché marocain. Suite à des délibérations houleuses, le Conseil a fini par envoyer des notes contradictoires au Cabinet royal sur les décisions prises sur ce dossier et les sanctions infligées aux opérateurs. En conséquence de cela, il a été déduit qu'il y a eu des dysfonctionnements procéduraux et l'impartialité du Conseil a été remise en cause. Raison pour laquelle la refonte de l'arsenal législatif qui régit cette institution si stratégique pour la régulation des marchés est indispensable. Il faut attendre la promulgation de la nouvelle loi et sa publication dans le Bulletin Officiel pour que le Conseil puisse rouvrir le dossier épineux. Les discussions au Parlement s'annoncent très intéressantes.