Avec la mise en place du Conseil national de transition (CNT), la Guinée veut éviter le cas malien. Mais la particularité de la Guinée est qu'il n'est pas dans la zone de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Il possède aussi une façade maritime sans compter la richesse de sol et sous-sol. D'ailleurs, la Guinée est le seul Etat de la région à ne pas respecter l'embargo imposé par la CEDEAO au Mali. Explications. Longtemps attendue, la mise en place du Conseil national de transition (CNT) en Guinée était devenue une exigence de la CEDEAO, après le coup d'Etat qui mit fin au pouvoir d'alpha Condé. C'était le 5 septembre dernier. Désormais, c'est chose faite puisque le Colonel Mamadi Doumbouya, président de la transition, a procédé samedi soir à la nomination des membres de cet organe qui officiera désormais comme un parlement. Composé de 81 personnalités, le CNT devra vite s'atteler à mettre le pays sur les rails de la démocratie et arrêter rapidement l'agenda des élections (présidentielle, législative et communale). Pour rappel, la précédente transition (2009-2010), le CNT était composé de 159 membres dont 35 issus des partis. Son mandat a duré quatre ans à cause des bisbilles politiques, comme le fait remarquer, Dansa Kourouma, président du Conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSCG). Justement, c'est cet homme qui va diriger le CNT version 2022. Plusieurs chantiers l'attendent pour éviter le cas malien. Un pays qui est aujourd'hui sous le coup de l'embargo de la CEDEAO pour n'avoir pas respecté la date fixée des élections ainsi que le retour des civils aux affaires. Faudra-t-il donc s'étonner que l'équipe de Dansa Kourouma aille vite dans la gestion de la transition ? Toujours est-il que le terrain est balisé. En effet, il y a plus d'un mois, le Premier ministre guinéen, Mohamed Béavogui, avait présenté la feuille de route du gouvernement pour la transition. Celle-ci porte sur cinq axes : la rectification institutionnelle ; le cadre macroéconomique et financier ; le cadre légal et la gouvernance ; l'action sociale, l'emploi et l'employabilité ; les infrastructures et l'assainissement. Quant aux étapes, elles comprennent, outre la formation du CNT, la rédaction de la nouvelle constitution, la mise en place de l'organe de gestion des élections, l'établissement du fichier électoral, l'organisation du référendum constitutionnel. Plusieurs composantes Dans sa composition, les partis politiques, près de 200 dans ce pays, viennent en tête avec 15 membres au CNT, suivis des organisations de la société civile qui ont 13 représentants, puis les forces de défense et de sécurité représentées par 9 membres. Quant aux autres, on retrouve les faitières des organisations de la Société civile (5), les centrales syndicales (5), les organisations de défense des droits de l'Homme (2). C'est toute la Guinée qui est représentée dans cette institution : les organisations des Guinéens de l'étranger (5), les organisations de femmes (3) ; les organisations de jeunesse (5), les Organisations culturelles (2), les confessions religieuses (2), le secteur informel et métier (2), les Organisations paysannes (2), les sages des régions(2), les personnes vivant avec handicap (2), les organisations socioprofessionnelles (3), les chambres consulaires (2), les organisations de Presse (2) et les personnes ressources (8). Il faut dire que la transition est conduite par quatre organes : le CNRD (Conseil national du rassemblement et du développement) instauré par les militaires après le putsch du 5 septembre, le président de la transition tout à la fois chef du CNRD, chef de l'Etat et des forces armées, un gouvernement dirigé par un Premier ministre civil, et un organe législatif, le Conseil national de la transition et qui rentre en fonction cette semaine. Cependant, aucun membre de ces organes ne pourra se présenter « ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la transition », comme le souligne la charte de la transition. Pour ce qui est de la durée de cette transition, elle sera fixée d'un commun accord entre les forces vives de la nation et le CNRD, alors que la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (15 pays) avait donné, le 16 septembre 2021, un délai de six mois aux putschistes pour organiser des élections. Cette date n'est plus possible puisque on est au-delà des cinq mois. D'où tous les regards sont désormais vers le CNT. Contexte favorable S'agissant de l'ordre chronologique des différentes missions de la transition, l'ambassadeur de Guinée à l'ONU avait indiqué à l'Assemblée générale des Nations unies que la révision des listes électorales et l'élaboration d'une nouvelle Constitution précèderait la tenue des élections. Le contexte est maintenant favorable pour que la Guinée ne tombe pas sous le coup des sanctions de la CEDEAO. Du côté des leaders politiques guinéens, tous sont unanimes que le CNRD a posé des actes qui facilitent la réconciliation et le renforcement de la justice. A ce titre, on peut citer le départ pour Abou Dhabi, de l'ancien président Alpha Condé pour des soins. Il y a aussi la création de la Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières (CRIEF). Celle-ci répond à un double impératif : celui d'une part, de sanctionner les infractions commises par des agents publics et privés et d'autre part de dissuader les éventuels candidats. C'est un signal fort que le Président de la Transition envoie à la jeunesse en lui confiant cette responsabilité. De tous ces éléments, il ressort que la Guinée veut éviter le cas malien. Mais la particularité de ce pays est qu'il n'est pas dans la zone de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Il possède une façade maritime sans compter la richesse de sol et sous-sol. D'ailleurs, la Guinée est le seul Etat de la région à ne pas respecter l'embargo imposé par la CEDEAO au Mali. Solidarité entre frères d'arme, diront certains. Wolondouka SIDIBE Billet Obsèques d'IBK, les larmes de crocodile
Que c'était grandiose, ce vendredi, les obsèques d'Ibrahim Boubacar Keïta que l'on appelait affectueusement « IKB ». L'ancien président du Mali, décédé ce 16 janvier à l'âge de 76, avait quitté le pouvoir par un coup d'Etat, la résultante d'une série de constatations. La suite est connue de tous. Ce jour du 21 janvier donc, plus de 2 000 personnes s'étaient rassemblées pour la cérémonie d'adieu. Dans ce concert de consternations et de pleurs, toutes les voies évoquaient le nom d'IBK comme un homme affable, intègre, patriote et foncièrement humain. Un politicien qui a su rassembler le peuple malien dans sa diversité mais aussi dans son unité. Ses ennemis d'hier, même les plus farouches et de toutes tendances confondues, reconnaissaient en l'homme des qualités insoupçonnées. La junte qui l'a chassé du pouvoir était à l'oeuvre pour rendre un hommage national au défunt chef d'Etat. Ses amis de la CEDEAO, et compagnons de route, ont partagé le chagrin du peuple malien, pleuré la perte d'un grand homme et un intellectuel accompli. Même s'ils n'ont pas pu faire le déplacement pour assister aux obsèques, en raison de l'embargo qu'ils ont eux-mêmes imposé au Mali. Cependant, on ne peut s'empêcher de s'indigner face à tous ces klaxons de bons mots, enjolivés dans un drap d'hypocrisie, quand on sait que ce sont les mêmes qui étaient dans la rue pour exiger le départ d'IBK. Leurs principaux arguments : corruption, insécurité, gabegie financière, favoritisme. Et la liste est longue. Quel retournement ! Mais les faits sont têtus.IBK a quitté le pouvoir sans que véritablement la donne ne change au Mali. Alors estce que le jeu en valait la chandelle ? L'histoire jugera. Comme une ironie du sort, IBK avait été renversé le 18 août 2020 par des militaires qui, après un deuxième coup d'Etat en mai 2021, invoquent aujourd'hui les maux accumulés par le passé pour justifier leur refus de rendre le pouvoir aux civils dans un avenir proche. Des larmes de crocodiles et du gâchis tout simplement.